BOSTOl^
PUBLIC
LIBRARY
1952
BULLETIN
de la
Société Historique
Franco-Américaine
Boston, Massachusetts
Imprimerie Ballard Frères, Inc.
Manchester, New-Hampshire
1953
Réunion Annuelle
La Société Historique Franco-Américaine
Dix-neuf novembre 1952
University Club
Boston, Massachusetts
MENU
COUPE DE FRUITS
CREME DE TOMATES AUX CROUTONS
BOEUF ROTI JARDINIERE
POMMES DE TERRE A LA CREME
HARICOTS VERTS FRANÇAIS
SALADE DU CHEF
CREME GLACEE
DEMI-TASSE
à sept heures précises
le mercredi 19 novembre 1952
Salle des banquets
BIENVENUE ET PRESENTATION
Abbé Adrien Verrette, Président
PROBLEME D'ORIENTATION LITTERAIRE
Conférence de Mgr Félix-Antoine Savard
doyen de la Faculté des lettres de
l'Université Laval de Québec
REMERCIEMENTS
Présentation du diplôme de membre d'honneur
par le Président
PRESENTATION DU "GRAND PRIX"
de
LA SOCIETE HISTORIQUE FRANCO-AMERICAINE
au
Dr Georges-A. Boucher, ancien vice-président
N. B. — Brève séance d'affaires au cours du programme.
EXERCICE 1952-1953
BUREAU
Gilbert Chinard, Président d'Honneur
Pierre-Georges Roy, Vice-Président d'Honneur
Antoine Dumouchel, M. D., Vice-Président d'Honneur
Adrien Verrette, prêtre, Président
Valmore-M. Carignan, avocat, Vice-Président
Gabriel Nadeau, M. D., Secrétaire
Roland Cartier, M. D., Secrétaire-adjoint
Antoine Clément, Trésorier
CONSEILLERS
Damase Brochu
Oscar-W. Perrault, M. D.
Lauré-B. Lussier
R. P. Thomas-M. Landry, o. p.
Edouard-J. Lampron, juge
Lucien SanSouci
Emile Lemelin, juge
Fernand Hémond, M. D.
Valmore Forcier
1952
BULLETIN
de la
Société Historique
Franco-Américaine
Boston, Massachusetts
Imprimerie Ballard Frères, Inc.
Manchester, New-Hampshire
1953
Présentation
La variété des textes de la présente
livraison du bulletin atteste que la so-
ciété continue son travail diligemment.
Il importe de maintenir bien vivante et
active cette gardienne de notre présence
française en Amérique. Les membres
aideront grandement à cette tâche en
s'acquittant promptement de leur coti-
sation, en invitant d'autres compatriotes
à devenir membre et en fournissant au
secrétaire des études sur notre histoire.
Abbé Adrien Verrette
Président
Bulletin de
Fondée le 4 septembre 1899
Administration: Secrétaire; Gabriel Nadeau, M.D., Rutland, Mass.
Trésorier; Antoine Clément, 195 W. Sixth St., Lowell, Mass.
Boston, Massachusetts Année 1952
Conférence
Orientation Littéraire
Mgr Félix Antoine Savard, P.D. *
Lorsqu'en juin dernier, vous m'invitiez à venir à Boston, "parler
de mes livres", ainsi que vous disiez fort aimablement d'ailleurs, en me
tendant un piège, je jugeai que je devais répondre à votre appel.
Oui, comment résister à votre invitation? Je vous savais si inlassable-
ment zélé pour la cause française; et derrière vous, je voyais tout ce
peuple de mes frères américains qui serait heureux, pensais-je, qu'une
voix de Québec, une fois de plus, lui apportât des paroles d'amitié
et de réconfort!
Ces sentiments que j'éprouvais à votre égard, Monsieur le Pré-
sident et chers auditeurs, étaient justes, bien sûr. Et sans les altérer,
passèrent les vacances, puis les fêtes de Laval, cependant que la con-
férence promise se contentait de flotter vaguement dans les régions
les plus indécises de ma bonne volonté.
Or, il y a une semaine, je commençai de sentir que j'avais été un
peu téméraire; et je le sens aujourd'hui davantage en face de ce grand
auditoire français qui m'écoute. Et ma gêne est de ne vous point
apporter le beau et fervent discours que vous méritez.
Qu'au moins, je vous salue très cordialement chers Franco-Amé-
ricains, mes frères. La nombreuse et noble famille que vous faites!
famille solidement fondée sur des droits dont l'histoire est antérieure
même à la constitution de votre grande république, droits qui font les
peuples forts et les rendent utiles au bonheur de leur patrie.
Il y en a parmi vous dont les ancêtres ont été violemment amenés,
il y a près de 200 ans, des bords de la tragique Acadie, et qui ne veulent
* Conférence prononcée le 19 novembre, au University Club de Boston, à la
réunion annuelle par le doyen de la faculté des lettres de l'Université Laval.
b BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
plus évoquer de si tristes souvenirs que pour montrer aux fils de leurs
persécuteurs la générosité du pardon chrétien et la force de l'âme
française.
Il y en a d'autres dont les pères ont été poussés ici par les con-
ditions économiques qui sévissaient jadis au pays de Québec. Que si,
vous retrouvant si prospères et si fidèles, nous regrettons encore de
vous avoir perdus, notre consolation est de penser que c'est la Provi-
dence qui guide les peuples pieux dans leur marche mystérieuse, notre
espoir est de vous voir maintenir toujours, à côté de nous, cette civili-
sation catholique et française, l'une des plus belles et des plus solides
qui soient.
Et maintenant, occupons-nous, puisque tel est votre désir, de ce
que Claudel appelle un "minime personnage précis" s'avançant par
le sentier du monde, "en remuant nettement les jambes".
Je suis né fortuitement à Québec d'une famille saguenéenne de
navigateurs, de commerçants et d'hommes de loi. Ma grand'mère
maternelle était Mary Ann O'Neil, née en Louisiane, émigrée à Chi-
coutimi pour y faire la classe. Elle était, je le vois mieux aujourd'hui,
d'une grande délicatesse d'âme. Elle ne s'adressait jamais à nous
qu'en français, mais nous écrivait en anglais, alternant ainsi, avec
sourire et bonté, le droit que nous avions d'entendre notre langue
natale et celui qu'elle avait de parler la sienne. Ah oui, c'était une
très respectueuse et très juste grand'mère irlandaise que la mienne . . ,
Le conférencier raconte ensuite son enfance, à Chicoutimi, ses
années d'études, les vacances qui furent, nous dit-il, "le beau temps
de son esprit!" . . . "Elles étaient agréablement mi-rustiques, mi-mari-
nes, sentant le foin, goûtant la mer. En ce temps-là, le Saguenay était
libre; belles et douces, les grèves natales. Nous partirons sur le Saint-
Louis vers en bas, vers le grand fleuve. Et,
Vogue, petite galéote, toi qui vas dans ces îles!
Il y avait la mer, et, dans les belles nuits paisibles, les saintes veillées dans
la timonerie noire, les colloques avec le vent, le compas, les étoiles;
ou encore, dans les havres sûrs, c'étaient les bons mouillages et les
rêves qui peuplaient cette vie d'aventure .... Ainsi, nous étions à même
mes compagnons et moi, d'acquérir une bonne santé de l'esprit, de
l'élan, de l'audace, une curiosité des choses de la nature, un besoin
de voir par soi-même, cependant que, le sel aux lèvres, les jambes
pendantes au-dessus des vagues, la poitrine lavée et durcie par les
embruns, nous chantions:
Ohé! c'est le vent! Ohé! c'est le vent!
Le vent du nord m'appelle!
Je rentrais des flots pour les foins. Il y avait entre la ville et
les collines une terre où nous allions faner. Je revois encore ma
première source bleue, le bel oeil limpide qui s'ouvrait au milieu de ce
ORIENTATION LITTERAIRE
premier champ. Nous revenions nichés sur les hauts voyages. Là,
plongés dans le parfum des trèfles, altiers, triomphants, nous effeuil-
lions au passage les branches des saules.
Ainsi allait l'été; et, l'hiver, c'étaient, le long des grèves, les rem-
parts; des tours de glace s'élevaient sur les rochers; de fragiles faiences
bleues brillaient, dons de la marée ... Et ainsi j'allai de saison en
saison jusqu'à ce septembre heureux où mon père m'amena vers la
forêt que j'ignorais encore. Et là, après beaucoup de lacs, de portages
et d'émerveillement, me montrant l'horizon qui s'était levé devant
moi: "Regarde, me dit-il, le pays de tes ancêtres." Et de ce jour,
je me mis à aimer Charlevoix, et hautes et irrésistibles furent ses mon-
tagnes en mon coeur.
Après les années d'enseignement, ce furent celles du ministère à
Sainte-Agnès, à la Malbaie, puis à Clermont. "Je m'évadais parfois,
poursuit notre conférencier. Je reprenais le chemin des draveurs et
les sentiers de la forêt. Or, un soir, sans penser que j'en pourrais faire
un livre, les paroles du vieux Menaud que j'avais rencontré me revin-
rent au coeur. Et je commençai de les écrire, et j'étais possédé par
une sorte de violente passion. Toutes ces descriptions que je voulus
bientôt faire de la vie des champs et des bois ,elles n'avaient qu'un
objet: l'affranchissement des miens que je souffrais de voir réduits
au rang de serviteurs dans un pays qu'ils avaient si péniblement décou-
vert et défriché.
En 1935, j'entrepris de diriger des colons vers le Nord. Je partis
allègre vers les terres neuves de l'Abitibi. Ah! la belle aventure que
celle-là, et que je voudrais avoir le loisir de vous raconter. Quand j'y
pense: la grande terre vierge encore: le vivant et doux commerce avec
tous ces bons défricheurs que j'aimais comme des enfants! L'oeuvre
des oeuvres de notre race! Mes marches, mes fatigues, mes décou-
vertes, mes transports, mes premiers couchages à la belle étoile ! J'étais
heureux. Je faisais en paix le tour de ma journée. J'avais donné
cinquante lots. Cette bande de terre était là, devant moi, neuve,
longue; et je brodais sur ce canevas, champs, églises, maisons, moissons,
un arbre ici, là, le ruisseau, et des hommes puissants et des femmes
fertiles. . . . Prière faite, je m'endormais face à cette mesure du Ciel
qui serait, pour mes gens, leur part à contempler, leur champ d'espoir,
leur héritage de soleil et d'étoiles.
En 1948, je publiais la Minuit. Dans le cadre d'un pauvre vallon
de Charlevoix, j'essayai de montrer que les solutions offertes par le
matérialisme à la question sociale sont illusoires; et à la fin, je le
plaçais en face de la mort. C'est là qu'il s'avère impuissant et ne trouve
plus rien à répondre aux angoisses de l'homme. L'unique réponse est
celle qui nous a été donnée par le Verbe de Dieu dont on adore la
naissance à la Minuit de Noël de chaque année.
8 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Je termine. Où s'en va donc la littérature d'aujourd'hui? C'est
une question qu'on m'a posée. L'une s'enfonce résolument dans les
ténèbres extérieures; et l'autre fait effort vers la lumière.
Certes, il y aurait beaucoup de choses à dire sur les devoirs de
l'écrivain. Ce que Dieu et les hommes sont en droit d'attendre de lui,
c'est la consonnance et la noblesse. Je m'explique. La consonnance,
ai-je dit. Car, il y a une symphonie dans cette création qui nous a
été donnée, un accord. Mais le chant a été brisé par le péché. Le
péché fait fausser l'homme dans le concert des êtres. Notre-Seigneur
Jésus-Christ, lui, a restauré le chant; et c'est par la seule charité du
Christ que l'homme pécheur peut désormais entrer dans cette commu-
nion de saints concertants qu'est le royaume de Dieu.
Et l'écrivain, lui, non tantum in verbis, non seulement dans ce
qu'il exprime, non seulement dans les pensées de son oeuvre, sed etiam
in cantu, mais même dans la texture sonore de son style, doit, tout
comme le plus humble de ses frères, s'accorder aux lois mêmes de
l'harmonie sans doute, au monde mystérieux des proportions premières
et des nombres étemels, mais cela ne suffit pas encore. Il doit monter
plus haut, entraîner ses frères vers la rédemption de toute musique, et
s'efforcer de passer avec eux, par le Christ, vers la sainte et ineffable
unité.
La noblesse est le second devoir de l'écrivain. Ce mot, vous le
savez, signifie la qualité de ce qui mérite d'être connu. La noblesse
est une propriété transcendente. Il ne faut donc point, ici, confondre
ce que le monde met habituellement en vedette avec ce qui est noble
en esprit et en vérité aux yeux de Dieu. L'écrivain doit, à la ressem-
blance de Dieu, produire à la lumière ce qui est digne de la lumière.
Il fait oeuvre diabolique si, usurpant le juste jugement de Dieu, il
accorde gloire et honneur aux fils d'iniquité, s'il induit ses frères à
devenir eux-mêmes, fils d'iniquité. Le nescio vos de l'Evangile est à
l'antipode de ce cercle que tant de livres, tant de théâtres, tant de
revues, pervertissant l'ordre sacré du monde et méprisant le sang de
Jésus-Christ, vouent au vice et à l'iniquité. Les chrétiens le compren-
dront-ils avant le jugement dernier? et cesseront-ils d'être les complices
de ceux qui profanent la sainte lumière de Dieu et agissent à la façon
de Béhémoth dont il est dit, au livre de Job, qu'il avait sous lui les
rayons du soleil comme litière et comme fumier?
Chers Franco-Américains, cette civilisation chrétienne d'ordre, de
beauté, de respect, de sévérité, mais de miséricorde aussi, elle est le
seul espoir du monde. Or, c'est elle que vous avez assumé de mainte-
nir, de défendre, d'illustrer par tous les moyens que vous offre la grâce
de Jésus-Christ. Gardez-la jalousement dans son intégrité; gardez-la
dans cette modalité française, qu'un devoir naturel vous prescrit, que
tout un passé de sacrifices, que les aptitudes mêmes de votre génie vous
obligent de conserver. Et plaignant ceux qui renient, car ils ne savent
ORIENTATION LITTERAIRE 9
ce qu'ils renient; et pardonnant à ceux qui vous persécutent, car ils
ne savent ce qu'ils font, dans la justice et la charité toujours, avec nous
du Québec et avec vos frères du Canada tout entier, la main dans la
main, continuez à mener le bon combat séculaire de votre vie catho-
lique et française.
Exemple de continuité *
C'est toujours dans une atmosphère de franche cordialité que se
déroulent les assises de la Société Historique franco-américaine. De
tous les coins de la Nouvelle-Angleterre, nous revenons chaque fois
fraterniser sous le charme de quelqu'évocation historique qui berce nos
âmes aux accents de notre douce "parlure". Nous puisons ainsi dans
le riche écrin de notre histoire de famille des pages qui nous invitent
à la méditation et nous en retirons de nouvelles leçons de persévérance.
Ainsi notre société continue sa mission fièrement.
Voilà une de nos institutions qui ne sent pas le besoin ni le désir
de modifier son âme pour continuer ses labeurs au sein de la franco-
américanie. Dieu veuille qu'elle demeure jalousement fidèle à sa voie
en recueillant pieusement et en interprétant les gestes de notre présence
en Amérique. Elle donne un vigoureux exemple de continuité qui ne
manque pas de valeur en ces jours inquiétants que nous vivons.
Aussi, en cette 53e réunion annuelle, nous est-il très agréable de
saluer nombre de figures familières et sympathiques qui se joignent à
nos invités pour cette soirée vraiment réconfortante. Les réunions de
notre société laissent toujours des échos profitables dans les esprits.
Elles nous font davantage apprécier les incomparables richesses spiri-
tuelles et culturelles dont nous sommes les porteurs. Réjouissons-nous
que la flamme de la fidélité brûle encore intensément au sein de notre
société. C'est là son plus beau titre à notre commune admiration.
Il faut le reconnaître, la Société Historique franco-américaine
n'aurait plus sa raison d'être; elle perdrait son âme, elle trahirait les
buts des fondateurs, elle abdiquerait la noblesse de ses origines et renon-
cerait même à notre respect si elle allait changer sa voie parce que les
conditions de vie française deviennent plus difficiles mais non moins
sacrées pour nous.
Dans la poursuite paisible et sincère de notre idéal catholique et
français, franchement intégré dans notre vie américaine, nous n'avons
jamais cru depuis un siècle que nous étions des tenants du racisme et
que nous refusions à la patrie ou à l'Eglise le meilleur de notre dévoue-
ment.
* Allocution du président, l'abbé Adrien Verrette.
10 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Dans notre formule de vie nous avons toujours prétendu, et cela
avec raison, que nous ne pouvions pas séparer la culture de la vie fran-
çaise, qui, elle, s'incarne dans le parler dont nos existences franco-amé-
ricaines sont marquées. Depuis un siècle, appuyés sur les enseignements
de l'Eglise, sur le droit naturel et sur l'histoire, nous avons reconnu
l'usage du français comme le véhicule naturel de nos âmes. Si nous
devons demeurer, il ne peut donc pas être question de préconiser une
autre formule qui ferait mine de favoriser intensément la culture fran-
çaise, mais qui dans son application utilitaire renoncerait fatalement à
l'usage de la langue française comme véhicule de pensée et d'expression
dans nos foyers et au sein de nos maisons d'enseignement. Nous dé-
plorons donc l'attitude de ceux des nôtres qui se font les défenseurs
d'une telle aberration.
Au nombre des joies particulières de cette réunion, nous désirons
en votre nom rendre hommage à deux de nos membres très distingués
qui ont été récemment élevés à la prélature romaine. Saluons avec
admiration Mgr F. X. Larivière, p.d., curé de la paroisse Ste-Marie
de Marlboro et Mgr Joseph Boutin, p.d., curé de la paroisse du Très
Saint-Rosaire de Gardner, deux fidèles amis de la société et deux fer-
vents apôtres de notre vie franco-américaine.
Nous voulons également saluer le nouveau consul général de Fran-
ce parmi nous, M. François Charles-Roux. L'amitié qui unit le con-
sulat de France à notre société est déjà une vieille tradition. Nous dési-
rons accueillir M. Charles-Roux avec empressement en l'assurant de
notre entier dévouement dans l'oeuvre qu'il accomplit et qui doit faire
rayonner l'influence de la France au sein de notre patrie. Nous savons
qu'il a déjà rencontré nombre de nos compatriotes et qu'il ne leur a pas
ménagé les sympathies de son âme exquise. Nous avons confiance que
son séjour chez nous sera rempli de féconds jaillissements.
Bien que son rôle le porte dans tous les secteurs officiels de la vie
américaine pour y représenter efficacement son gouvernement, nous
voulons assurer M. le consul général et madame qu'ils ne trouveront pas
d'oasis plus reposant que l'amitié de leurs cousins d'Amérique. Leur
place est toute indiquée dans nos coeurs. Elle est large et affectueuse,
et elle se réclame de la plus authentique hospitalité française, celle de
nos pères.
D'ailleurs, la carrière diplomatique de M. le consul, déjà si brillante
et chargée de féconds travaux, nous invite à l'exploiter très amicalement
à notre avantage, ce que nous ne manquerons pas de faire. Saluons
aussi M. le consul et Madame Delisle qui sont déjà pour nous de pré-
cieux amis, qui ont voulu nous accueillir il y a quelques mois, et tous
nos invités. Cette soirée doit laisser dans nos coeurs une autre belle
leçon de persévérance.
Je m'en voudrais de ne pas saisir cette occasion magnifique pour
remercier vivement, Mgr Marie-Alphonse Parent, p.d., vice recteur de
ORIENTATION LITTERAIRE 11
l'université Laval, et l'abbé Robert Dolbec, son sympathique secrétaire.
Mgr Parent vient de s'acquitter d'une façon admirable de l'exécution
des grandes fêtes centenaires de son université, manifestations, sans
parallèle dans notre histoire et qui ont proliféré un nouveau lustre 'de
gloire sur notre vie catholique et française en Amérique.
Je désire le remercier surtout au nom de tous mes compatriotes
pour sa bienveillance et son dévouement à l'endroit de nos jeunes com-
patriotes qui fréquentent l'université Laval.
Au mois d'octobre dernier, à Québec, le Conseil de la Vie française
en Amérique recevait à dîner le Cercle des Etudiants Franco-Améri-
cains de Laval. Le spectacle d'une vingtaine de jeunes compatriotes,
presque tous étudiants à la faculté de médecine, nous a fait saisir tout
l'avantage qu'il y a pour nous de diriger ces futurs médecins et chefs de
nos chrétientés vers la maison mère de notre vie française en Améri-
que. Demain, ils seront de nouveaux chaînons qui maintiendront dans
une ferme solidarité et les coeurs et les esprits de chaque côté de la
frontière.
C'est grâce à la sympathie de Mgr Parent, à son intérêt soutenu
et à sa bonté que nous jouissons d'un pareil bienfait et nous formulons
le voeu que des centaines de nos futurs universitaires deviennent les
images vivantes et fidèles de cette vénérable institution.
Mgr Savard
Encore tout pénétrés des grandes leçons du Troisième Congrès de
la Langue française et des éblouissantes fêtes du centenaire de l'univer-
sité Laval, il était tout naturel d'inviter à notre tribune ce soir l'une des
voix les plus écoutées et des plus délicieuses du Québec, Mgr Félix
Antoine Savard, doyen de la faculté des lettres de cette vénérable insti-
tution. Combien nous sommes honorés par sa présence et combien
nous avons hâte d'écouter sa voix que l'on a justement appelée celle
"d'un raconteur du plus emporté et du plus contagieux lyrisme."
Avant de le céder à votre joie, permettez que je résume brièvement
les principales dates de sa carrière. Originaire de Québec même, où
il naît le 31 août 1896, c'est dans les "pays neufs" qu'il ira chercher
son éducation, dans le beau royaume de Chicoutimi. Ordonné en
1922, il enseigne les lettres dans son collège pour devenir en 1935, le
courageux curé fondateur de la paroisse St-Philippe de Clermont,
comté de Charlevoix, aujourd'hui dans le diocèse d'Amos. C'est là,
durant un séjour de dix années de colonisation, qu'il s'attache à la terre
dont il voudra chanter bientôt toute la richesse et la poésie. Il n'oublie-
ra jamais sa patrie, l'Abitibi, qui est entrée dans toutes les fibres de son
âme, au point que le moindre appel de là-bas, le retrouve penché sur les
gras sillons dont il a su respirer toute la fraîcheur et les secrets humani-
sants.
12 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Oui, c'est dans sa chère paroisse que l'abbé Savard se révèle racon-
teur incomparable. Après ses courses de missionnaire où il soutient
le courage de ses colons, le soir "sous la lampe" dans son modeste pres-
bytère, il confie à sa plume les chapitres de cette vibrante histoire "Me-
naud maître draveur" qui traduira jusqu'aux fantastiques chasses-gale-
ries que la hache du bûcheron refoule avec la noirceur de la forêt.
Ce premier jet atteint vite les sommets. Tout le Canada français
s'empare de cet ouvrage et la critique dira que dans sa force d'huma-
nité, de rusticité et de culture, ce roman livre "les plus belles images
dont il nous ait été donné de jouir au Canada littéraire."
La critique ira plus loin. Valdombre croira presqu'au chef d'oeu-
vre tandis que Dantin se contente d'en proclamer le "mérite littéraire
indiscutable". Mais l'auteur est un artiste. Il a vite saisi la mesure
de son oeuvre . Il remet la main à la pâte pour recréer son Menaud et
lui donner une version définitive de roman réaliste en 1944. Entre
temps l'Académie Française et le gouvernement de la Province de
Québec lui ont décerné des prix de langue et de littérature.
C'est ainsi que l'abbé Savard entre dans la gloire. Désormais il
ne s'appartient plus. Conférences, allocutions, articles de revues et
cours universitaires lui sont imposés à un rythme croissant.
Toujours dans l'Abitibi où se dépensent les forces ardentes de tout
un peuple plein d'espoir, l'abbé Savard découvre de nouveaux souve-
nirs dans son âme. Il les réunit cette fois dans "UAbhatis" (1943)
"Un hymne enthousiaste à la terre." Enfin, c'est "La Minuit" (1948)
avec ses grandes fresques de moeurs et de fidélité et oi!i la poésie et le
symbolisme fixent en exergue les directives sociales de l'Evangile. C'est
tout le problème de la vie chrétienne qui repose "sur les vraies richesses
qui ne périssent pas, et que l'on retrouve en Dieu, qui nous les réserve
toutes." Avec ce dernier ouvrage Mgr Savard se voit attribué le prix
littéraire de la Société St- Jean-Baptiste de Montréal.
La réputation de Mgr Savard est donc fixée. En 1945, il est ac-
clamé au sein de la Société Royale du Canada et reçoit la médaille
Lorne Pierce qui consacre la valeur de son oeuvre.
Et l'ascension continue. En quelques mois les événements se pré-
cipitent dans cette vie débordante. La célébrité est en train de faire
son oeuvre dévorante. Professeur aux cours d'été à l'université Laval
depuis 1943, il est agrégé à la faculté des lettres l'année suivante pour
en devenir le doyen en 1949.
Elevé à la prélature romaine, président de la Société de Géogra-
phie de Québec, il est invité à la Sorbonne pour y professer sur "La civi-
lisation canadienne-française". Il parcourt plusieurs centres universi-
taires de l'Europe pour ravir ses auditeurs. Il est tellement prenant
qu'on l'appelle et on l'acclame comme le Mistral du Canada!
Enfin Mgr Savard est élu à la direction de la Société du Parler
Français du Canada pour diriger d'une façon très brillante les fêtes
ORIENTATION LITTERAIRE 13
cinquantenaires de cette vénérable institution à l'occasion du Troisième
Congrès, en juin dernier. Il y préconise avec force l'établissement d'un
Office de la Langue Française au Canada, un voeu très cher à tous
ceux qui s'intéressent à l'enrichissement de notre langue parlée sur ce
continent.
En cette circonstance remarquable, Mgr Savard, eut la joie d'en-
tendre l'un des plus célèbres linguistes de France, M. Charles Bruneau,
lire avec onction quelques-unes de ses pages ravissantes avec ce com-
mentaire; "il faut une langue jeune et riche pour rendre exactement
la fraîcheur de ces délicates impressions . . . ."
Voilà quelques détails nécessaires, ce nous semble, pour apprécier
cet écrivain de grande classe que nous accueillons ce soir. Nous savons
qu'il aime ses frères d'outre-frontière. Il connaît nos problèmes et nos
misères, mais il ne nous croit pas en voie de désintégration culturelle.
Je suis certain que Mgr Savard nous apporte de nouveaux fer-
ments d'espérance, car sur ses lèvres vibre délicieusement ce verbe qu'il
sait faire aimer. Nous lui disons toute notre affectueuse admiration
et toute la fierté que nous éprouvons à le saluer comme une des âmes
exquises de notre génération, un ambassadeur incomparable de notre
rayonnement culturel sur ce continent.
(Avant d'inviter Mgr Savard à nous donner sa conférence, je dois
m'excuser du titre un peu confus que portait l'avis de convocation.
Malgré un accident du fil télégraphique vous avez sans doute compris
qu'il nous parlerait de "Problèmes d'orientation littéraire". J'invite
donc notre poète romancier à nous dire tout ce que son âme d'artiste
ressent à ce premier contact avec la franco-américanie. )
Remerciements
L'heure de la reconnaissance est toujours douce à vivre car elle
permet de dire sans alliage ce qui jaillit vraiment du coeur. Vous com-
prendrez alors Monseigneur, toute la profondeur de notre gratitude
après les réconfortantes et lumineuses réactions que vous venez de pro-
voquer dans nos esprits. Nous vous remercions très cordialement.
Votre message nous suffit. Nous le méditerons avec profit.
Mais notre société a une façon bien à elle de conserver le souvenir
de ces illustres conférenciers. Elle ne veut pas oublier leur passage
bienfaisant et alors, en plus de déposer leur message dans ses archives,
elle les invite à s'inscrire sur la liste déjà imposante de ses bienfaiteurs,
en leur décernant le diplôme de membre d'honneur.
Monseigneur, veuillez donc accepter ce parchemin qui vous fait
membre de la famille. Il est un gage d'affection et vous donne droit
de regard sur notre comportement. Il vous invite à nous continuer
au moins dans votre coeur cette sympathie dont vous nous avez donné
ce soir de si réconfortants accents.
14 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Puisse ce nouveau lien qui nous unit davantage à nos frères du
Québec, nous aider à forger encore plus solidement cette solidarité indis-
pensable qui doit régner chaque côté de la frontière, au sein de notre
grande famille. C'est bien là toute la raison d'être de l'apostolat qui
se dégage de votre grande oeuvre, faire aimer, embellir, resplendir et
rayonner cet héritage qui nous est commun, et, qui pour vous comme
pour nous, comme vous l'avez proclamé si magnifiquement "n'est pas
une folie comme une autre."
En ce dix-neuvième jour de novembre de l'an 1952, j'ai donc
l'honneur de vous proclamer Mgr Félix-Antoine Savard, au nom de
mes collègues, MEMBRE D'HONNEUR de la Société Historique
franco-américaine.
Remise de la Médaille "Grand Prix"
au Docteur Georges Boucher
Séance du 19 novembre
Au mois de juin dernier, à titre de président du Troisième Congrès
de la Langue française, j'avais le grand bonheur d'assister avec Mgr
Savard, au baptême du dernier né du docteur Georges Alphonse Bou-
cher: "Chants du nouveau monde." Comme franco-américain, j'étais
aussi très fier de m'associer à l'élite intellectuelle de l'Amérique fran-
çaise, pour rendre cet hommage très mérité à notre cher barde national.
C'était, comme vous le devinez bien, la réception donnée par la Librai-
rie du Quartier Latin dans les salons de la Maison des Anciens de Laval
à Québec.
Ce soir, croyez-moi, je suis très heureux en votre nom, et pourquoi
ne pas inclure toute la franco-américanie, de présider cette fraternelle
cérémonie qui veut honorer notre vénéré poète, en lui remettant avec
notre affection et notre admiration la médaille "Grand Prix" de la
Société Historique franco-américaine.
Sur le promontoir de Québec, après avoir assisté aux grandes as-
sises de famille de 1912 et de 1937 où il avait chanté au pied du monu-
ment Champlain son ode à la langue française: "O toi, verbe sacré,
qu'à nos lèvres la France imprima pour toujours", en 1952, cette fois,
après 62 années de labeurs, le docteur revenait déposer le testament
de sa fidélité avec cette prière: "Vous nous avez cachés dans votre
sanctuaire, et vous avez fait de nous une espèce de prodige. Seigneur,
et vous ne nous avez pas confondus". N'était-ce pas là l'hymne de
la reconnaissance, qui empoignait en ces heures mémorables toute la
famille française agenouillée au berceau de nos pères.
Et comme gage de son immortelle ferveur, notre poète voulut en
cette occasion, confier à la postérité le recueil de toutes ses générosités
spirituelles, son plus grand trésor, son livre à qui il adressait ce regard
de tendresse:
"Cher livre! un dernier mot. Plus je touche à mon soir,
Plus j'aime à parcourir tes strophes où. ma vie
Avec tous ses chagrins, ses amours, son espoir.
Avec tout ce qui l'a tourmentée ou ravie.
Repasse sous mes yeux comme dans un miroir.
Tu m'aides à vieillir. Grâce à toi, je n'envie
Plus rien à l'existence, et, fort de mon avoir.
Je m'en vais sans regret et d'une âme assouvie.
Ce soir c'est un autre hymne que nous voulons chanter, "l'invi-
tation à la vie" afin que se prolonge encore longtemps, pour se répan-
dre dans une véritable vieillesse les 87 ans de notre cher compatriote.
16 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Dans l'introduction de ses "Chants du nouveau monde", notre
cher docteur a eu la gentillesse de nous parler un peu de lui-même.
Nous savons alors qu'il est né le 13 septembre 1865, dans la paroisse
St-Edouard-de-Lotbinière, dans le riant village Rivière-Bois-Clair où
souvent "sur un petit pont en madrier" il allait rêver "le coeur gros,
souvent une larme à l'oeil, et sans savoir pourquoi non plus, des heures
entières" . . . c'était peut-être déjà l'appel des muses!
Fils de terriens, parents très religieux, car quatre de ses oncles,
frères de son père se destinent aux ordres sacrés, il a tôt fait d'imprimer
dans son âme de profonds sillons de foi, que sa tendre mère Elize Chavi-
gny de la Chevrotière saura embaumer de la plus vive candeur. Un
jour, ce fils reconnaissant écrira:
"O ma mère, voici le livre
Que je t'avais promis;
Avant que je le livre
En souvenir à mes amis
Sur ta tombe où ma foi repose
Je le dépose."
Sa première instruction, il la reçoit d'un autre oncle prêtre, celui-ci
frère de sa mère et c'est en 1878 qu'il termine brillamment ses huma-
nités au Collège d'Ottawa, avec son baccalauréat-ès-arts et les médailles
du cardinal Zigliara et du pape Léon XIII, et, rassurez-vous, il avait
déjà commencé à rymer.
Durant ses études médicales à l'université Laval, une faiblesse pul-
monaire allait lui confier le secret de la modération qu'il n'abandonnera
jamais. Mais son coeur d'artiste restait généreux et aimant et c'est
vers 1888, nous confie-t-il, après une première peine qui lui ravissait
son "envollée" réclamée par la mort que le Ciel déposa cette fois sur
sa route, celle qui partagera son bonheur, Fabiola Voyer; et il écrira:
"Quand je la vis . . . je crus que c'était Elle,
La fiancée enfuie en sa paix éternelle ....
Et j'aimai cette enfant
Comme si l'autre eut pris sa place accoutumée."
Disciple d'Esculape et poète par surcroit, le docteur Boucher
s'établira à Brockton, centre franco-américain au Massachusetts, le
1er octobre 1890. Il fonde son foyer et se livre à son ministère de
clémence qu'il quittera après un soixantenaire bien sonné.
A un moment, il voudra retourner sur la glèbe de ses pères pour
mieux chanter dans ses vers, mais un bon ami, Chapleau lui enjoint:
"docteur, ne quittez pas votre pratique . . . si vous avez été créé et
mis au monde pour chanter Québec, vous le chanterez envers et contre
tout."
Et c'est ainsi en guettant les ours, accoucheur émérite et incompa-
rable, que des longues nuits durant il voudra à ses songes donner une
grâce ailée!
Le président remet la médaille "Grand Prix" au docteur Georges Boucher,
de Brockton, Mass.
REMISE DE LA MEDAILLE GRAND PRIX 1 /
Voilà donc notre héros, barde insatiable que les années ont blan-
chi, et, qui, ce soir, en notre présence ,avec son sourire toujours prenant
nous a enseigné au fil des ans comment croire, chanter et aimer pour
reporter à Dieu le grand bienfait de la vie.
Sa plume, il ne la quittera donc jamais. Un jour, à son chevet,
elle recueillera son dernier sonnet. Vingt fois sur le métier, il remet
son rouage et les muses nous assurent qu'après avoir retouché encore
odes, glanures_, épitaphes, épigrammes, sonnets, chants de guerre et
prières, il nous livrera bientôt les derniers trésors de sa pensée: "A
l'heure où je m'en vais, A toi cher Nouveau Monde, ému je les dédie."
Vous conviendrez qu'il n'entre pas dans les attributions d'une so-
ciété historique de porter jugement sur la valeur ou la puissance d'une
oeuvre de poésie. Ce qui nous suffit, sans oublier le lyrisme, la déli-
catesse de sentiment et les harmonies délicieuses qui enveloppent la
pensée de notre poète, c'est le souffle de fidélité et l'amour de la vérité
qui circulent à travers toute son oeuvre.
Nous laissons à la critique le soin de fixer dans le panthéon de la
poésie la place bien enviable qu'occupera le docteur Boucher. D'ail-
leurs le poète nous avertit avec justesse:
"Que mon vers soit brillant ou qu'il soit très mauvais.
Je défends qu'on y touche
On regarde le temps, même quand il est laid
D'un geste las parfois, mais la main sur la bouche!"
Pour nous, c'est la main sur le coeur que nous saluons notre barde
national. Bien avant que la plupart d'entre nous fussent de ce monde,
il avait déjà commencé à faire aimer les choses que la France immor-
telle avait semées sur nos rives.
Ce qui nous impressionne dans cette vie faite de devoir, de probité
et d'idéal, c'est la continuité qui en enfile tous les battements. Oui, cher
barde à nous, que vous irnporte comme vous le chantez si bien et
l'éloge et le trépas, car votre vie vous l'avez consumée comme une
flamme ardente au service de votre Divin Maître, au bonheur de vos
frères et à la gloire de ce verbe qui trouva sur vos lèvres une si riche
résonnance. Honneur et mérite! personne ne vous ravira votre place,
car toute une vie de labeurs et de nobles accents ne s'efface jamais
dans l'admiration d'un peuple!
Enfin, c'est bien parce que le docteur Boucher est un peu des
nôtres que nous nous réjouissons ce soir. Membre fidèle, il fut durant
plusieurs années, le vice président de notre société. Que de fois il
nous a charmés à cette table avec sa voix sympathique et son verbe
plein de sens.
La Société Historique Franco-Américaine est donc particulière-
ment heureuse ce soir, et j'en éprouve avec vous tout le bonheur, de
proclamer le grand mérite littéraire et patriotique de ce fidèle serviteur.
Elle caresse même un peu l'espoir de faire de son geste l'un des beaux
18 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
jours dans la carrière de notre héros. Car, c'est notre voeu bien ardent
que longtemps encore, la plume sans cesse près du coeur, notre vénéré
compatriote puisse répéter en les scandant avec un amour renouvelé
ces émotions d'hier comme autant de soleils couchants qui ont illuminé
sa vie. Il nous l'a dit un jour.
"Rien n'égale à mes yeux un soleil qui décline
Amis, voilà pourquoi souvent sur la colline,
A l'heure où le jour fuit.
Vous me voyez monter et m'asseoir en silence.
Rêver jusqu'à la nuit."
J'ai donc l'honneur de présenter à monsieur le docteur Georges
A. Boucher, chrétien admirable, père de famille admirable, médecin
admirable, poète à la voix d'argent et apôtre infatigable de notre cul-
ture, la médaille "Grand Prix" de la Société Historique Franco- Amé-
ricaine.
Docteur Boucher
Merci de vos éloges ainsi que de votre très précieuse décoration.
Cette médaille Grand-Prix que vous me décernez, m'est double-
ment chère. D'abord elle m'honore au-delà de toute expression, et
puis, par le fait qu'elle m'arrive au déclin de mes jours, alors que je
vais paraître devant mon juge pour rendre compte de mes oeuvres,
elle est pour moi un témoignage.
Ah! je craindrai moins, dorénavant, de faire face à mon auteur,
car je sais maintenant, puisque vous me le dites, que je ne lui retour-
nerai pas les mains vides. Je sais qu'en retour de ce qu'il m'a donné
— et qui pourra jamais dire comme il fut prodigue à mon égard —
je lui rapporterai une oeuvre sinon volumineuse au moins originale,
dans laquelle j'ai mis tout mon coeur et ma foi.
Merci!
m
Etudes
La paroisse Saint-Jean-Baptiste de Warren,
Etat du Rhode-Island
(Dr Ulysse Forget)
C'est grâce à l'amabilité de votre président, M. l'abbé Adrien
Verrette, que j'ai l'honneur de vous causer ce soir. Il m'a demandé
de vous parler de l'histoire de ma paroisse, Saint- Jean-Baptiste de
Warren dans le Rhode-Island. J'ai écrit cette histoire afin de répondre
au but que l'Institut d'Histoire de l'Amérique française s'est donné
par l'entremise de son fondateur, M. le chanoine Lionel Groulx; à
savoir que chaque membre écrive l'histoire du petit coin de terre qu'il
habite. Il y a cinq ans, quand j'ai commencé mes recherches, j'avais
aussi en vue la célébration de notre soixante-quinzième anniversaire de
fondation.
Le travail est divisé en quatre partie:
1° Le texte français.
Les débuts de la paroisse et un mot sur les pionniers. Les pre-
miers Canadiens Français sont arrivés à Warren vers 1865. C'est
durant cette année-là que la première naissance, le premier mariage et
le premier décès chez les nôtres eurent lieu. Tous nos prêtres ont une
place d'honneur au début du volume, ayant chacun une photographie
et une courte biographie. Ensuite viennent nos hommes de profession
qui sont surtout des médecins, car le prêtre en pays étranger veut se
faire seconder par le médecin compatriote. Nos enfants ont aussi une
place d'honneur et sont repartis comme suit: Ceux qui sont au service
de l'Eglise: un prêtre séculier, un Père Blanc d'Afrique, quatre Frères
religieux et quatorze religieuses. Ceux qui sont dans les professions:
deux médecins, un dentiste, cinq gardes-malades, un médecin vétéri-
naire, deux pharmaciens, deux avocats, trois musiciens et un grand
nombre d'éducateurs dont l'un est docteur es Lettres. Je m'attarde
sur la question éducation pour faire remarquer que soixante-dix de nos
enfants sont diplômés de collège. Depuis 1927, plus de 250 de nos
enfants ont fait leur "High School", 452 ont fini le cours grammaire
aux écoles publiques et 578 sont sortis du huitième cours de notre
école paroissiale. J'insiste sur ce fait afin de prouver que nous n'avons
pas négligé l'éducation de nos enfants. Enfin il y a ceux de nos
enfants qui ont fait du service militaire durant les deux guerres mon-
diales. Leurs noms figurent dans un chapitre spécial.
20 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Suivant les directives de M. le chanoine Groulx qui fut mon men-
tor dans la préparation de cet ouvrage, j'ai ajouté un chapitre sur
l'Eglise, l'Ecole et la Famille. Et pour terminer, une conclusion où
il est question de survivance française. La famille franco-américaine
forme le sujet le plus important du volume et j'y reviendrai plus tard.
2° Le texte anglais.
Me reprochera-t-on d'écrire en anglais dans une histoire de
paroisse franco-américaine? D'abord, près de la moitié de nos Francos
ne lisent pas le français. Et puis, des amis chez les autres nationalités
s'intéressent à nous et nous connaîtrons mieux en lisant notre histoire.
Mais la raison principale qui m'a amené à ajouter un texte anglais,
c'est que j'y donne des arguments probants en faveur de la langue
française. Les brebis perdues qui prendront connaissance de ces faits
auront peut-être des remords de conscience. Ces gens ne savent pas
que nous représentons plus de 350 ans d'histoire française en Amérique
du Nord. Ils ne savent pas qu'en se laissant assimiler, ils prennent une
part directe au suicide national. Ils ne savent pas que des Américains
de la trempe de M. Joël Fletcher, président de la "Southwestern Louis-
iana Institute" et d'autres éducateurs du même calibre, travaillent à la
préservation du français aux Etats-Unis. Ils ne savent pas qu'il y a
un mouvement nouveau au pays en vue d'élargir l'enseignement des
langues. Ce mouvement prit naissance à Allentown, dans la Pennsyl-
vanie et à Danbury, dans le Connecticut, où l'on enseigne le français
et l'espagnol dans les écoles publiques à partir de la quatrième année.
Ils ne savent pas que depuis la dernière guerre, le cadre de nos rela-
tions étrangères est tellement agrandi que notre gouvernement emploie
au delà de 5,000 personnes parlant plus qu'une langue, et une per-
sonne qui parle le français peut se faire comprendre dans tous les pays
du monde. C'est M. Fletcher qui le disait aux Louisianais: "Ce dont
le gouvernement a surtout besoin ce sont des gardes-malades et des
personnes qui parlent deux langues et plus." Ils ne savent pas que
notre gouvernement dépense des millions chaque année pour l'ensei-
gnement des langues étrangères. Ils ne savent pas qu'un des premiers
actes importants du général Eisenhower en arrivant à Paris, fut la fon-
dation d'une école où ses subalternes puissent apprendre le français.
Si on ne dit pas ces choses-là en anglais, à nos transfuges, ils ne les
sauront jamais.
3° Les documents inédits
Les documents inédits par excellence que nous possédons, sont les
recensements de 1888 et de 1895. Je dirai que ces recensements sont
plus que complets, car le curé Bernard, en plus de nous renseigner sur
21
l'état civil complet de ses paroissiens, mentionne les "vieux parents"
demeurés dans le Québec, donne les défauts et les qualités de chacun.
Il va sans dire que l'on ne peut pas publier ces commentaires avec les
noms. Ainsi le curé écrit: "Ivrogne avéré", "Bon garçon", "Généreux
pour l'église", "Son mari est au loin et elle demeure seule avec les
enfants", "Grand parleur, et avec du bon sens", etc. . .
J'ai compilé des statistiques concernant ces deux recensements et
avec la coopération de mon curé, M. l'abbé Omer Paquin, j'ai pu me
procurer des données comparatives avec le recensement de 1950.
Warren est peut-être un peu plus anglicisé que bien d'autres villes,
mais le pourcentage des différentes catégories de mariages tel que
publié dans le Bulletin de la Société Historique Franco-Américaine,
pour les années 1946 et 1947, concernant les familles Forget, Grégoire
et autres et les villes de Lowell et Fall River, ce pourcentage, dis-je,
est à peu près le même.
Résultats comparatifs des recensements ou démographie de la
paroisse Saint- Jean-Baptiste de Warren, Etat du Rhode-Island.
Recensement de
Nombre de familles
Nombre d'enfants plus jeunes que 20 ans
Nombre d'adultes au-dessus de 20 ans
Naissances
Mariages
Sépultures
Epoux et épouses franco-américaines
Epoux francos et épouses irlandaises
Epoux francos et épouses italiennes
Epoux francos et épouses portugaises
Epoux francos et épouses polonaises
Epoux francos et épouses anglaises
Epouses francos et époux irlandais
Epouses francos et époux italiens
Epouses francos et époux portugais
Epouses francos et époux polonais
Epouses francos et époux anglais
L'un des grands-parents n'est pas franco
Epoux francos et épouses protestantes
Epouses francos et époux protestants
Les deux époux sont de nationalité étrangère
Epoux francos divorcés
Epouses francos divorcées
Epoux séparés
Veufs au-dessous de 50 ans, avec enfants
Veufs au-dessus de 50 ans, avec enfants
Veuves au-dessous de 50 ans, avec enfants
Veuves au-dessus de 50 ans, avec enfants
888
1895
1950
199
154
609
690
489
718
517
486
1552
57
64
52
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19
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197
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BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Veufs au-dessus de 50 ans, sans enfants
Veuves au-dessus de 50 ans, sans enfants
Epoux au-dessous de 50 ans, sans enfants
Epoux au-dessus de 50 ans, sans enfants
Garçons célibataires, de 20 à 30 ans
de 30 à 40 ans
de 40 ans et plus
Filles célibataires, de 20 à 30 ans
de 30 à 40 ans
de 40 ans et plus
Familles avec 1 enfant
2 enfants
3 enfants
4 enfants
5 enfants
6 enfants
7 enfants
8 enfants
9 enfants
10 enfants
11 enfants
Propriétaires de leur maison
Ceux qui ont des propriétés en Canada
Ceux qui sont naturalisés
Ceux qui sont dans le commerce
Hommes de métier
Moyenne d'enfants par famille
(1) De nos jours la main d'oeuvre est si hautement spécialisée que la
majorité de nos compatriotes sont des hommes de métier.
En 1895, il y avait 177 adultes venus du Canada, qui savaient lire.
En 1950, il y a une moyenne de 260 familles où l'on ne parle pas le
français. Dans les listes municipales ,on trouve encore 157 Franco-
Américains qui n'appartiennent pas à notre paroisse. La plupart, à
cause de leur mariage mixte, fréquentent d'autres paroisses; les autres
se sont mariés en dehors de l'Eglise ou ont simplement lâché. Il y a
aussi un nombre considérable de Franco-Américaines qui se sont sépa-
rées de nous pour les mêmes raisons, mais comme une femme s'inscrit
sous le nom de son mari, il est impossible de retracer ces brebis perdues.
4° En souvenir de nos morts.
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tous
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17
21
(1)
1.08
3.17
1.17
Comme nous ne pouvions pas publier d'annonces dans un ouvrage
de cette envergure, nous avons décidé d'intéresser les paroissiens à faire
des dons en mémoire de leurs défunts. J'ai inclus dans cette partie un
23
peu de généalogie, de sorte que la question financière du projet de
publication fut en partie réglée. Enfin, pour compléter ce volume, il
y aura un index.
Pour terminer cette esquisse de notre groupe franco-américain de
Warren, dans le Rhode-Island, scrutons un peu les recensements.
Nous constatons d'abord que l'enfant est en minorité. Dans toute
société viable, l'enfant doit être en majorité; or nous n'avons que 28
enfants de plus qu'en 1888 et nous sommes 400 familles de plus. Le
nombre des adultes double celui des enfants; ceci vient du fait que
nous avons 94 foyers sans enfants et dont les époux sont plus jeunes
que 50 ans; noias avons 132 ménages qui n'ont qu'un enfant et 104
qui en ont deux. C'est dans ces trois groupes que nous perdons les
enfants qui devraient nous remplacer. Quant aux autres foyers, les
enfants y sont assez nombreux pour remplacer les parents quand ils
mourront. Les célibataires viennent encore augmenter le nombre des
adultes, car nous comptons 35 garçons et 58 filles âgés de plus de 40
ans. Remarquez bien que je ne fais pas une croisade pour éloigner
nos enfants du célibat, mais s'il y a du coulage, il faut bien en découvrir
la cause. Nos vieillards, que nous vénérons, viennent aussi s'ajouter
au nombre déjà trop considérable d'adultes. Il y a dans la paroisse
94 veufs et 76 veuves âgés de plus de 50 ans. C'est là sans doute une
tendance générale en notre pays, puisque le recensement du pays, de
1950, indique une augmentation de 37 pour cent chez les personnes
âgées de plus de 65 ans. Ces conditions de survie nationale s'avèrent
précaires pour les autres groupements ethniques, mais le mal des
autres ne guérit pas le nôtre.
Considérons maintenant les époux dans nos foyers franco-améri-
cains. Nous trouvons 323 foyers où les époux sont franco-américains,
mais par contre il y en a 217 oià le père et la mère sont de nationalité
étrangère et sur ce nombre, il y a 26 protestants. De plus il y a 14
ménages brisés par le divorce et 9 par simple séparation. Je n'ai pas à
critiquer les époux de nationalité étrangère, car ce sont de très bonnes
gens. Je les connais parce qu'il ne se passe pas une journée sans qu'au
moins la moitié des clients que je soigne soient de ces gens-là. Encore
une fois, je constate cet état de choses qui est à la base de la survie
française aux Etats-Unis. Bien que nous soyions entourés de nationa-
lités étrangères à la nôtre, il y a tout de même un point en notre faveur.
Ces nationalités sont presque toutes catholiques. Les Anglais protes-
tants que nous appelons Américains nous ont devancés de 100 ans dans
l'état des mariages stériles ou des mariages ayant un enfant unique;
et aujourd'hui, ils sont presque disparus. Dans notre conseil municipal,
le président ou maire est franco-américain, et les quatre conseillers
comprennent un allemand, un irlandais, un polonais et un portugais.
Où sont les Américains de 1867, époque où il n'y avait qu'un contri-
buable étranger qui s'appelait Louis Saillant? Les Irlandais ont aussi
suivi la même route que les Américains, mais ils ont commencé plus
24 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
tard qu'eux. Je n'ai pas de statistiques pour les autres nationalités,
mais nous glissons tous sur la même pente.
Qui est-ce que mon garçon va épouser? Qui est-ce qui épousera ma
fille? Nous avions 52 naissances en 1950, avec nos 609 familles; par
contre nous en avions 57 en 1888, avec 199 familles et 64, en 1895,
avec 154 familles. Voici le nombre de mariages: 12 en 1888, 7 en
1895 et 22 en 1950. Avec nos 609 familles, nous avons à peu près le
même nombre de garçons et de filles, entre 20 et 30 ans, que nous
avions il y a 60 ans avec 199 familles. Mais entre 30 et 40 ans la
différence est frappante: en 1888, 3 filles et 3 garçons, en 1895, 4
filles et 4 garçons, et en 1950, 23 filles et 23 garçons. La conclusion
saute aux yeux: nos garçons et nos filles n'ont pas assez de choix pour
se trouver des épouses et des maris. Mais me dira-t-on: "En 1888, la
paroisse ne venait de commencer et les gens se tenaient plus ensemble".
C'est vrai jusqu'à un certain point, mais 1888 c'est presque 25 ans après
l'arrivée des premiers Canadiens à Warren. A mon avis, il n'en reste
pas moins vrai que nous n'avons pas assez d'enfants et que les jeunes
qui veulent se marier manquent de choix parmi les jeunes de leurs
âge.
Il y a d'autres causes pour cet état de choses. D'abord, l'enfant
franco-américain arrive à l'âge adulte tout à fait anglicisé et les enfants
des autres races le sont encore davantage parce qu'ils n'ont pas d'école
paroissiale. A l'exception de ceux qui ont fait leurs études académi-
ques dans les "High Schools" catholiques, tous ces jeunes gens vivent
ensemble depuis le début du cours élémentaire. Plus tard, à l'usine ou
au bureau, c'est la même chose; les hommes travaillent à côté des
femmes. Il n'est donc pas surprenant, qu'un grand nombre se lient
d'amitiés sérieuses qui conduisent au mariage.
C'est donc dire que dans les conditions actuelles, notre survivance
est en danger. Elle l'est d'autant plus que l'histoire nous apprend que
tous les petits peuples qui n'ont pas combattu pour survivre, ont été
invariablement assimilés. Les Acadiens semblent faire exception à ce
fait historique, et encore. . . Les 16,000 âmes dispersées aux quatre
coins du monde, il y a deux cents ant, ont semé leurs noms partout et
leur race est encore bien vivante. Toutefois le château fort de la survi-
vance acadienne n'est pas aux Etats-Unis, mais au Nouveau-Brunswick.
Les Acadiens de la Nouvelle-Angleterre subissent les mêmes pertes que
nous, parce qu'ils vivent de la même manière que nous.
De tous les peuples de la terre, les Juifs sont les seuls qui ont sur-
vécus intacts, à travers les âges. Et sur ce sujet, je cite un paragraphe
extrait de "La Caravane Humaine", ouvrage du comte DuPlessis:
"A cette tradition, en effet, dans toute la suite des siècles, à travers
toutes les vicissitudes, en dépit de tous les obstacles, Israël se tient.
Il s'y tient malgré lui, car il n'a pas pour les superstitions et les idoles
moins de penchant que les Gentils. En vérité, il ne s'y tient pas, il y
25
est tenu. C'est lui-même et dans ses Livres Sacrés qui nous en rend té-
moignage. Il faut toute une suite de miracles pour l'arracher au paga-
nisme et le contraindre à garder le dépôt intact. Il faut les rigueurs de
la Loi et sa jalousie exclusive. Il faut la sainteté, l'autorité, l'incessant
labeur des Prophètes. Aussi le peuple de la Promesse, tant qu'il s'obs-
tine à ne pas la voir accomplie, reste-t-il au milieu de nous inassimi-
lable et indestructible, seul survivant dans l'hémisphère occidental de
l'Antiquité disparue. Il est défait, dispersé, mais non pas dissous;
mêlé à tous les autres peuples, mais non pas absorbé par eux." Cette
synthèse philosophique de l'histoire juive du comte Du Plessis devrait
être un sujet de méditation, répété souvent par tous les nôtres. Pour
ma part, je vous avoue que ce texte m'a touché profondément.
Mes chers amis, je vous ai donné une courte démographie de notre
petite paroisse de Saint- Jean-Baptiste de Warren, Etat du Rhode-
Island. Nous verrions beaucoup plus clair dans notre inventaire natio-
nal, si nous possédions de tels états de comptes de tous nos centres
franco-américains.
Vieilles Chansons
(Au domaine essentiel de la Survivance: La Maison)
par Yvonne Le Maître
La Survivance, le mot du jour, avec une grande S . . . Et cette
ambiance anglo-américaine dont on parle avec sévérité, hostile à la
Survivance, voleuse de petites âmes franco-américaines . . . Mais
toute cette histoire de Survivance, j'en suis, c'est la mienne. J'en suis,
une Survivante, je suis même la plus obstinée, la plus fieffée que je
connaisse, sans y songer, sans y tâcher, sans m'y appliquer une seconde,
Comme je respire.
J'ai soixante-quinze ans. Ma famille vint aux Etats-Unis quand
je n'en avais que dix. Il y a donc soixante-cinq ans que cette fameuse
ambiance anglaise^ si mal vue des apôtres de la Survivance, m'enve-
loppe en tout et partout. Et avant d'entrer au service du Travailleur
il y a quelques années, jamais je n'avais eu vent de la Survivance telle
qu'on l'entend en Franco-Américanie, chose de résistance et de lutte.
En ai-je perdu, pour d'autant, mon "héritage culturel français", com-
me disent ses combattants? Mon Dieu, non! Des flots d'ambiance
m'ont passé sur la tête comme l'eau sur le dos d'un canard. Me voilà
Gros- Jean comme devant, en aucune façon inondée par le Mississippi.
Tel M. Jourdain avec sa prose, depuis soixante-cinq ans, je fais de la
Survivance sans le savoir.
26 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
A quoi cela a-t-il tenu? A la maison; à la maison de ma petite
enfance, hantée, de la cave au grenier, de vieilles chansons. Là, à la
bonne ancienne façon française, on apprenait des tas de choses par
coeur: chansons, prières, contes, fables, poèmes et proses qui deve-
naient de par ce fait possessions intimes, partie de vous-même, pain de
votre psyché, nourriture de votre pensée à venir . Etait-ce donc là un
programme conscient de survivance française? Pas du tout! C'était
pour rien, pour le plaisir, par simple instinct irraisonné et joyeux de
chanter, d'entendre chanter votre langage. Il n'y a pas dix ans que
j'entends parler de la Survivance française en Amérique, armée pour
le combat, clamante sur les hauteurs, et de ses projets pour l'avenir.
Et je suis bien convaincue que mes parents, en leur vieille maison pleine
de chansons, n'y songeaient guère non plus.
* * *
J'eus une enfance baignée de vieilles chansons populaires fran-
çaises, de contes de Perrault, de fables de La Fontaine. Du premier
au dernier de douze petits Le Maître de Pierreville au Québec, nagè-
rent au Clair de la Lune avec le Petit Poucet et les Animaux malades
de la Peste, apprenant par coeur pièce-ci, pièce-là. Pas tous les mêmes
à la fois; sur douze, n'est-ce pas? Il y avait grande variété d'âge.
Quand les plus âgés étaient de graves messieurs finissants au collège
ou à l'université, moi j'étais encore plongée en mes chansons et fables
naïves, benjamine émerveillée des morceaux majestueux que mes frères
rapportaient de leurs voyages académiques, tous farcis de Racine et
de Corneille. L'un de mes souvenirs persistants est de l'émotion où
me plongeait mon frère Godefroy, âgé de quatorze ans quand j'en avais
huit, me la faisant à la Louis Jouvet avec
C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma mère Jésabel à mes yeux se montra —
Il roulait des yeux ronds. Il prenait une voix de basse terrible. C'était
sublime!
* * *
Vous étiez donc, me direz-vous, une collection de petits pédants
raseurs citant leurs auteurs à tort et à travers? Mais non, mais non.
Nous étions de petits bouts d'hommes et de femmes pas bêtes du tout
et plutôt amusants. Nos "talents" jamais ne s'exerçaient sur cette
innocente victime, la visite. C'était entre nous, "dans la plus stricte
intimité"; tout auditoire récalcitrant n'avait qu'à se sauver au jardin,
ou à crier plus fort. Nous étions élevés à l'ancienne mode française,
voilà tout, à apprendre par coeur une quantité de chansons, contes,
fables et pièces de vers qui ne dépassaient pas trop nos petits moyens.
C'est ainsi que tout petit Le Maître pouvait vous chanter avec âme
la merveilleuse résurrection des trois petits protégés de saint Nicolas:
// était trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs . . .
27
la Poule Grise qui pondait dans l'église; vous dire la métamorphose
par un baiser de la Belle au Bois Dormant, ou la dure leçon infligée à
Maître Corbeau sur un arbre perché. At the drop of a hat! Si vous le
demandiez ou si vous ne le demandiez pas.
* * *
Que de chansons, que de chansons! Et l'on devait y mettre "de
l'expression"; de l'âme;, comme on dit mieux aujourd'hui. C'était
d'ailleurs, facile, car un charme puissant habite souvent, en air et en
paroles, l'âme des vieilles chansons elles-mêmes. On n'a qu'à lui ouvrir
la porte et la laisser jaser pour soi. Je ne suis jamais revenue de l'en-
voûtement qu'avait Ysabeau pour mes huit ans:
Ysabeau s'y promène
Le long de son jardin
Le long de son jardin
Sur le bord de Vile
Le long de son jardin
Sur le bord de l'eau
Sur le bord du vaisseau.
Comment Ysabeau pouvait se livrer à une gymnastique aussi éton-
nante, un pied dans son jardin sur le bord de l'île et l'autre sur le
bord du vaisseau, ne me dérangeait aucunement. Mon sens critique
ne valait pas cher.
* * *
Je respecte fort, je respecterai toujours cette vieille coutume fran-
çaise de faire apprendre aux enfants beaucoup de choses par coeur.
C'est un don précieux, un don à perpétuité, à leur faire. Ils en possé-
deront des souvenirs qui jamais ne meurent, des souvenirs auxquels les
hommes n'ont qu'à ouvrir la porte pour qu'ils chantent en eux, encore
comme autrefois. Survivance! En est-il de plus aimable que celle-là?
La survivance, c'est la famille, c'est la maison, et la maison c'est des
chansons, des prières, des histoires, des légendes, des contes d'enfants
qui jamais ne se perdent en mémoires d'hommes. Il est de mauvais
goût de parler de soi, c'est entendu, mais la survivance la plus crampon
que je connaisse au sein de cette ambiance anglo-saxonne dont on dit
tant de gros mots, c'est la mienne, et elle est faite de chansons.
* * *
Je n'ai fréquenté que les écoles publiques américaines. Des études
prolongées, des lectures ininterrompues de l'anglais, une langue que
j'aime profondément et que j'écris plus facilement que le français —
n'ignore-t-elle pas l'accord mortel des participes passés? — l'exercice du
journalisme en anglais durant de longues années, rien de tout cela
n'enterra dans mon âme Ysabeau s'y promène ou
Quatre canards déployant leurs ailes
Disaient à leurs cannes fidèles
Coin! Coin! Coin!
28
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
J'allai habiter Paris. Et en quelle langue pensez-vous que j'y
écrivais? En anglais, pour des journaux et magazines américains. J'ai
fait des traductions^ adapté des pièces dramatiques, du français à l'an-
glais. J'ai enseigné dans les écoles de langues à Berlitz, refugium pecca-
torum des plumitifs déplumés, et qu'y enseignai-je, pensez-vous?
L'anglais! J'ai habité New- York en y faisant des besognes identiques,
besognes de plumitifs de quat' sous, sans rarement y parler un mot de
français. Jamais je n'entendais le mot survivance au sens franco-amé-
ricain du mot. Ce n'est que depuis mon affiliation au Travailleur que
j'entends parler de Survivance avec S majuscule. Et ne suis-je pour-
tant une survivante fieffée? Mes amis, il y a vraiment plus que soixan-
te-cinq ans que je fais de la Survivance sans le savoir. C'est plutôt
soixante-quinze, car tout cela commença au Québec avec des chansons.
A mon baptême, probablement. Quatre fils m'avaient précédé. On
me reçut comme le Messie. Une fille enfin —
V'ià l'bon vent!
V'ià l'joli vent!
Je vais vous dire les voyages d'une chanson. J'avais une soeur
nommée Estelle, qui se maria à Lowell, oii naquît une petite Estelle.
C'était l'ère de Théodore Botrel, barde breton, qui peuplait l'air de
chansons, dont vous avez chanté La Paimpolaise, comme tout le monde.
Estelle II, comme sa maman l'avait été au Québec, fut saturée de
vieilles chansons françaises, de contes de Perrault, de fables de La
Fontaine; vécut avec le Petit Poucet, la Poule grise, Maître Corbeau,
et en sus, et surtout, avec le Grand Lustucru de Botrel. Suivant la
tradition, elle y mettait "de l'expression". Grosse comme une puce,
elle levait en l'air un doigt sévère et en menaçait les mauvais garçons
qui ne veulent pas faire dodo:
C'est le Grand Lustucru qui passe,
Entendez-vous dans la plaine
Ce bruit venant jusqu'à nous?
On dirait un bruit de chaîne
Se traînant sur des cailloux.
Qui repasse et s'en ira.
Emportant dans sa besace
Tous les petits gâs
Qui ne dorment pas.
Lon Ion la
Lon . . . lon . . . la
Lonlon . . . la.
Elle avait un succès fou. Devint-elle, pensez-vous, étoile de radio?
Non; elle se maria, comme tout le monde, et s'en alla demeurer en
ETUDES 29
Californie, où naquît Estelle III. Et Botrel le Breton perdit-il alors le
fil, avec son Grand Lustucru? Non; de la France au Québec, du
Québec à la Nouvelle-Angleterre, de la Nouvelle-Angleterre à la
Californie, jamais il n'a encore manqué le bateau. Sa chanson habite
le pays des oranges. Les chansons, comme on dit, "voyagent léger",
et d'un signe, d'un mot, d'une note, elles accourent, pleines de survi-
vance.
* * *
Plusieurs journaux et revues venaient chez nous à Pierreville; de
France, des Etats-Unis, du Canada même. Mon père avait une dent
prononcée contre les chroniqueuses canadiennes françaises, qui com-
mençaient à dire à l'univers, dans les journaux métropolitains du
Québec, comment vivre et mourir. "Ces bécasses" était sa façon
favorite d'en parler. Ces dames de la chronique avaient invariable-
ment le ton prêchi-prêcha. C'étaient les Soeurs Prêcheuses, self-ap-
pointed. Sans la belle robe blanche du Dominicain, sans son autorité
et sa culture, elles brandissaient en l'air un bras implacable, prononçant
des édits contre ce pauvre demain. Hier seul méritait de vivre, au-
jourd'hui pouvait aspirer au mérite en lui ressemblant, mais ce pauvre
chien de demain était foutu. Leurs ukases s'appliquaient le plus
souvent aux choses les plus futiles: la femme pouvait-elle sans morale-
ment déchoir porter le pyjama, fumer la cigarette, envoyer promener
le chignon encombrant pour les cheveux courts? Leur influence était
telle que de bonnes vieilles dames de mon âge voient encore de travers
une poodle eut à la tête de petites-filles, ou une humble cigarette à
leurs lèvres. Je lisais parfois les bécasses. Non par goût; par curiosité.
Je voulais voir quel était le texte du sermon aujourd'hui.
* * *
Quand mon père m'y prenait, il n'y allait pas par quatre chemins.
"Pourquoi perdre ton temps à ces inepties?" disait-il. "Lis quelque
chose d'humain, qui te restera." Un jour, il m'enleva une chroni-
queuse des mains et la remplaça par les Dernières Solitudes de Sully
Prudhomme, à la page ouverte à L'Agonie . . . L'Agonie qui dit la
puissance des vieilles chansons sur l'âme humaine.
"Apprends cela par coeur", me dit-il, "et ce sera à toi, pour tou-
jours. Ce sera ton bien. Tu le posséderas".
Je répétai après lui: "Mon bien, à moi pour toujours" ... Et
je m'emparai de L'Agonie par le simple truc de l'apprendre par coeur.
Vous qui m'aiderez dans mon agonie.
Ne me dites rien;
Pour allégement un peu d'harmonie
Me fera grand bien.
Je suis las des mots, je suis las d'entendre
Ce qui peut mentir;
30 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
J'aime mieux les sons qu'au lieu de comprendre
Je n'ai qu'à sentir.
Vous irez chercher ma vieille nourrice
Qui mène un troupeau,
Vous lui direz que c'est un caprice
Au bord du tombeau
D'entendre chanter,tout bas, de sa bouche
Un air d'autrefois,
Simple et monotone, un doux air qui touche
Avec peu de voix.
Lors elle sera peut-être la seule
Qui m'aime toujours,
Et je m'en irai dans son chant d'aïeule
Vers mes premiers jours.
Pour ne pas sentir,à ma dernière heure.
Que mon coeur se fend;
Pour ne plus penser, pour que l'homme meure
Comme est né l'enfant.
Vous qui m'aiderez dans mon agonie.
Ne me dites rien.
Faites que j'endende un peu d'harmonie.
Et je mourrai bien.
Franco-Américains au Manitoba
(Adrien Verrette, ptre)
Les liens qui unissent tous les groupements français sur le conti-
nent sont nombreux. Ils s'expliquent, en partie, par le fait de la
parenté très rapprochée qui existait entre les familles qui passaient la
frontière ou qui se rendaient en d'autres provinces en vue de s'établir
ou de coloniser. C'est ainsi que d'un bout à l'autre du continent, des
familles alliées entre elles, et, peut-être ne se connaissant plus à cause
des distances, forment la toile et les ramifications du fait français en
Amérique.
Le mouvement migrateur du Québec connut donc des revire-
ments étranges. Aux masses qui déferlaient en Nouvelle-Angleterre,
on adressait des appels pressants de retour. On sentait bien dans le
Québec la perte de ce capital humain, en face de l'attrait irrésistible
du déplacement.
Des sociétés et des agences de rapatriement opéraient en plusieurs
centres, encouragées par les compagnies de chemins de fer ou par les
31
offices de colonisation. Il ne sera peut-être jamais possible d'établir
au juste le nombre de ceux qui retournèrent au Québec durant ce va
et vient. Il n'est pas rare cependant de noter, que nombre de cana-
diens-français, dans la cinquantaine et plus ,sont nés aux Etats-Unis,
enfants de familles qui avaient fait un certain stage outre frontière
pour revenir au Canada.
C'est ainsi que vers 1874, déjà, un sérieux effort de rapatriement
fut tenté dans l'intérêt des provinces de l'Ouest pour se continuer
durant plusieurs années. Mgr Alexandre Taché, évêque de St. Boni-
face au Manitoba, s'intéressait vivement à ce travail afin de peupler
les immenses régions de la Rivière Rouge, oii il entrevoyait un avenir
prospère. On dit même qu'il se rendit lui-même dans certaines villes
d'outre frontière pour plaider en faveur de la colonisation. Le P.
Lacombe, o.m.i., le grand apôtre de l'Ouest y fit plusieurs tournées
avec un Charles Lalime pour obtenir des résultats.
De fait, à l'occasion des 75 ans de la paroisse St- Jean-Baptiste du
Manitoba, l'abbé Sylvio Caron rappelait l'apport des Franco-Améri-
cains du Massachusetts qui furent au nombre des fondateurs de cette
paroisse. Ils auraient encore participé à la fondation de plusieurs autres
paroisses.
Dans le "Rapport de Sa Grandeur Mgr Alexandre Taché, arche-
vêque de St-Bonijace, à Messieurs les directeurs de l'Oeuvre de la
Propagation de la Foi", le 16 juillet 1888, il est écrit: "c'est en 1876
que des immigrants, venus des Etats-Unis se sont groupés à Saint-
Jean-Baptiste et y ont nécessité la création d'une paroisse qui prend
un développement rapide, que le curé y a baptisé 46 enfants l'année
dernière (1887) et donné la communion pascale à 450 personnes.
Il y a une bonne école à côté de l'église et trois autres à diffédents
endroits. Les 135 enfants d'âge de recevoir une instruction élémen-
taire fréquentent tous ces écoles." (Cf. Bulletin de la Société Histo-
rique de St-Boniface, Vol. V, 1915, p. 28).
Charles Lalime habitait Boston. Il était le beau-frère de Ferdi-
nand Gagnon. A la mort de celui-ci en 1889, Lalime dirigea le jour-
nal "Le Travailleur" durant cinq ans. Il était originaire de St-Hya-
cinthe, né en 1844, et avait été agent de la Cie Vermont Central, puis
du Grand Tronc, puis enfin du Boston, Barre & Gardner. En 1875,
il était déjà agent d'immigration pour le Canada et il dirigea nombre
de colons vers le Manitoba.
Au nombre de ses appuis, il comptait le docteur R. G. Janson
Lapalme, de Lawrence, Massachusetts, qui dirigea pendant quelques
années "Le Progrès" dans lequel hebdomadaire, il préconisait le retour
au Canada et les offres d'un avenir prospère dans l'Ouest. Tout cela,
bien entendu, était publicité commenditée par les compagnies de che-
mins de fer ou les agences de colonisation.
32 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Le 10 mai 1888, le docteur Janson Lapalme écrivait à son ami le
sénateur T. A. Bernier de St-Boniface, l'un des fondateurs de la Société
Historique de St-Boniface, au sujet de la situation des canadiens dans
le Massachusetts, Un simple hazard conserva cette lettre. Comme on
brûlait "les papiers" de feu le sénateur Bernier, geste inconcevable, un
coup de vent emporta cet imprimé et une fillette le recueillit dans la
rue. Il est conservé dans les archives de la société et son président,
l'abbé Antoine d'Eschambault nous en a fait tenir le texte. La lecture
de ces pages fait voir que les mêmes inquiétudes préoccupaient nos
devanciers, à cette date déjà lointaine.
Lettre du docteur Janson Lapalme
T. A. Bernier
Monsieur,
J'aurais dû me hâter de répondre à la vôtre du 23 avril dernier
pour vous répondre sur ce que vous me demandiez sur les Canadiens
des Etats-Unis mais je n'ai pu le faire, malgré ma bonne volonté,
veuillez excuser mon retard.
L'observation que vous me faites que le sentiment public paraît
s'égarer aujourd'hui sur les questions véritablement nationales, est un
fait que j'ai observé depuis longtemps, et je vous dirai même que cela
me paraît beaucoup plus accentué chez mes compatriotes des Etats-
Unis depuis ces dernières années, apoutant quoiqu'il m'en coûte, que
le Canada y a bien grandement contribué. Le grand mouvement de
rapatriement créé par la Presse du Canada et des Etats-Unis, en 1873
et 74, est venu trop vite; la Province de Québec n'avait pas plus qu'au-
jourd'hui changé ses lois et n'en avait pas créé de nouvelles pour retenir
ses habitants sur leurs terres: aussi ça été un fiasco complet; ça fait plus
de tort que de bien.
Se voyant trahis dans leur ardente aspiration à rapatrier leurs
frères émigrés, n'étant secondés qu'en belles paroles par les politiciens
d'alors, les Journalistes français des Etats-Unis, comme ceux en qui
leurs compatriotes avaient une confiance sans bornes, ont été obligés
de modérer leur patriotisme et d'en rabattre de beaucoup sur le Pro-
vince de Québec et le Canada tout entier.
Il n'est donc pas étonnant de voir aujourd'hui quelques-uns qui
sont de ce côté-ci des lignes, faire des efforts inouis pour chercher à
discréditer le Canada aux yeux de leurs compatriotes comme des étran-
gers, tout en protestant de leur amitié pour leur mère patrie.
Ce n'était pourtant pas sans raison qu'on travaillait à faire com-
prendre aux Canadiens émigrés combien il valait mieux pour eux de
retourner au pays. Depuis longtemps déjà on avait à déplorer cette
détestable manie des Canadiens français de ne parler que l'anglais
dans l'intimité de la famille et de traduire ou changer leurs noms pour
ETUDES 33
avoir un nom anglais; on savait qu'un grand nombre avait renié leur
nationalité comme leur langue^ et ces raisons, comme vous le pensez,
étaient plus que suffisantes pour pousser les hommes de coeur, les Cana-
diens véritables, à faire tous leurs efforts pour arrêter un tel ordre de
choses ....
Le courant de l'émigration des Canadiens vers les Etats-Unis a été
si rapide, qu'on pourrait penser, de prime abord, que cette manie de
nos compatriotes de ne parler que l'anglais, de changer leurs noms,
etc., a dû disparaître; malheureusement il n'en est pas ainsi.
D'ailleurs, le besoin d'apprendre et de parler l'anglais pour régler
leurs propres affaires, pour exécuter les travaux qu'on leur commande,
le contact journalier avec des individus qui n'ont pas leurs manières,
leurs habitudes ni leurs langage, tout concourt à leur faire adopter
peu-à-peu les moeurs et la langue de l'immense majorité avec qui ils
sont forcément en relation tous les jours.
Malgré le bien que font les journaux français des Etats-Unis qui
s'efforcent de mettre en garde leurs compatriotes contre cette fatale
tendance de s'américaniser ou s'assimiler on en voit, hélas! encore un
grand nombre qui prétendent se passer de leurs salutaires conseils.
Je vous envoie quelques-uns de ces articles de nos journaux, où
vous trouverez la justification de mes avances.
Il n'y a aucun doute qu'un bon nombre de nos compatriotes sont
destinés à mourir ici, malgré l'espoir qu'ils ont toujours, pour la plupart,
de retourner au pays. Mais parce qu'ils doivent mourir sur ce sol
étranger, parce qu'ils prétendent mieux vivre, avec plus de comfort
paraît-il qu'au Canada, cela signifit-il qu'ils font plus d'économie. Eh!
bien, non. . .
On a trop exagéré le bien-être des Canadiens émigrés; ils sont
rares les Canadiens qui sont riches dans la Nouvelle-Angleterre. Le
petit nombre de ceux qui ont réussi à mettre un tant soit peu d'argent
de côté, savent au prix de quels sacrifices ils y sont parvenus; c'est en
se privant de tout repos, en ruinant leur santé et celle de leurs enfants,
par un travail exagéré ou par une mauvaise alimentation. Ceux qui
maintenant veulent vivre un peu plus largement, avec un peu de
comfort, quelles économies font-ils ou peuvent-ils faire, quand ils ont
à chaque page du livre de compte, un tableau comme celui-ci: maladie,
chômage, usage immodéré de liqueurs, luxe des habits, cherté des
comestibles, prix élevé des loyers, gages réduits. Un coup d'oeil jeté
dans les livres du marchand, du grocer, du médecin, etc, pourra vous
convaincre d'une manière très positive que pour une grande portion
de nos compatriotes des Etats-Unis, il est presqu' impossible de thésau-
riser.
Que peut-on dire maintenant de la condition morale de nos com-
patriotes émigrés? Cette grave question, la plus importante de toutes,
est celle dont on a le moins parlé; ou plutôt si on en a parlé, c'est que
34 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
toujours on en a fait force louanges et qu'on n'a jamais eu en même
temps le courage de dire la triste vérité. . . . J'aimerais vous voir vivre
quelques mois au milieu de nos centres manufacturiers pour juger pour
vous-même.
Il faut bien le dire, les moeurs d'ici sont loin d'être ce que sont
nos moeurs au Canada. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement
quand vous prenez des jeunes garçons et des jeunes filles ignorants des
choses du monde ,ayant toujours vécu dans une atmosphère paisible,
sous la surveillance continuelle de bons parents, et que vous les jetez
tout-à-coup dans d'immenses manufactures où tous les exemples de la
license se multiplient tous les jours? Joignez à cela un air empesté, une
température élevée, l'usage de peu de viandes, le manque d'exercice, la
perte de l'appétit, un climat humide et tempéré et il vous sera facile
de comprendre le besoin qui se fait sentir d'employer contre ces diverses
causes de débilité générale, un régime approprié, mais dont on abuse
énormément, c'est-à-dire, une nourriture stimulante, les alcools, et . . .
c'est ainsi que les organes de ces jeunes intelligences, continuellement
surexcitées par le sang sans cesse fouetté par cette nourriture stimulante,
se développent prématurément , et que cette jeunesse, qui fait notre
orgueil au Canada, devient ici une proie facile pour les vices et la
débauche.
On connaît vite, aux Etats-Unis, la valeur de la liberté. Les en-
fants, à peine en âge de travailler, sentent déjà qu'ils peuvent aisément
se dispenser d'obéir à leurs parents; ils croient, par la contagion de
l'exemple, à leur indépendance absolue, et si leurs parents veulent les
reprendre sur leur conduite, ils se révoltent et veulent les abandonner:
alors ceux-ci, craignant de s'aliéner pour toujours leurs fils ou leurs
filles, craignant de plus d'être privés de leur gain de la semaine pour les
aider à sustenter le reste de la famille, usent envers eux d'une autorité
des plus débonnaire.
Il y a comme toujours de nombreuses exceptions à cette observa-
tion que je vous fais de la condition morale de mes compatriotes d'ici;
on dira que j'exagère; que je suis un pessimiste: Je vous donne le fait
pour avoir été observé des milliers de fois non seulement par moi-même
mais aussi par un grand nombre de personnes, tant de la profession que
du clergé.
Voilà un avancé, qui vous prouve qu'il serait temps plus que
jamais, pour les gouvernements comme pour les hommes de coeur du
Canada, d'étudier comme vous dites, les questions véritablement natio-
nales sur le compte desquelles le sentiment public paraît s'égarer. A
eux de prendre des mesures énergiques pour empêcher d'émigrer un
si grand nombre de familles qui viennent tous les jours grossir le nom-
bre d'esclaves des manufactures. Ce qui est étrange, c'est qu'après
avoir constaté depuis si longtemps la dépopulation toujours croissante
des paroisses du Canada, après s'être rendus compte des efforts qui ont
35
été faits depuis nombre d'années par des Canadiens émigrés, pour rapa-
trier leurs compatriotes ,les hommes d'Etat de la Province de Québec
n'ont pris aucune mesure directe pour empêcher l'émigration, pas plus
que pour inciter au moins une partie des Canadiens émigrés à retourner
au pays. Ces Messieurs sont-ils, comme Sir Georges Cartier, contents
de ce que la Province en est débarrassée?
Connaissant d'un côté le mauvais vouloir des gouvernements de
Québec, de l'autre sachant qu'il sera toujours impossible pour un grand
nombre de retourner au pays, pour les raisons que je vous ai plus haut
énumérées, quelques-uns de la classe dirigeante ont entrepris de faire
les Canadiens se naturaliser citoyens-américains. On a fondé ça et là
quelques clubs de naturalisation où on souscrit certains fonds pour
payer les premiers papiers de ceux qui ont été gagnés à la cause de la
naturalisation, mais qui ne se feraient pas naturaliser s'ils étaient obligés
à ces déboursés.
D'ailleurs la naturalisation ira toujours lentement tant que les
Canadiens ne seront pas plus familiers avec la politique des Etats-Unis
et qu'on n'aura pas complètement extirpé de leurs coeurs l'espérance
de retourner au Pays; et chose extraordinaire, on leur fait reproche
d'entretenir cet espoir, comme si c'était un crime pour un enfant de
conserver dans son coeur un sentiment d'affection pour sa mère et de
la supplier de lui venir en aide quand il est en détresse.
J'ai déjà dit ailleurs ce que je pensais de la naturalisation; je le
dis encore, c'est une bonne chose; c'est un devoir pour ceux qui décidé-
ment veulent rester au pays, et même pour ceux qui ne savent pas s'ils
n'y resteront que quelques années.
A part ceux qui sont instruits et qui ne veulent pas de la naturalisa-
tion, il y a encore un grand nombre qui ne savent pas lire, ou qui sa-
chant lire le français, ne peuvent lire l'anglais; pour ceux-là, quand
bien même ils voudraient se faire naturaliser, c'est impossible, la loi ne
leur permet pas.
Puisque la presse française aux Etats-Unis, est si chatouilleuse,
quand on parle colonisation, sur le serment d'allégeance qu'elle a renié
une fois déjà, ne reste-il pas un grand nombre de compatriotes qu'un
gouvernement un peu libéral pourrait, presque sans effort, ramener au
Pays? Des millions ont été versés par les Gouvernements du Canada
pour faire venir des émigrants d'Angleterre, d'Ecosse, d'Irlande et de
Russie, (combient sur ce nombre sont passés aux Etats-Unis), ne pour-
rait-on pas affecter quelques milliers de piastres pour faire venir des
Canadiens des Etats-Unis, cent fois meilleurs colons que ces étrangers?
Mais je m'arrête, j'abuse de votre patience et je m'aperçois que je
m'écarte de la ligne que je m'étais tracée. Je ne doute pas, d'ailleurs,
que dans votre prochain ouvrage, vous traiterez cette question de
manière à faire comprendre combien il serait utile, pour le Canada de
s'occuper un peu plus et d'une manière active des Canadiens émigrés.
36 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Espérant que votre livre aura tout le succès possible, et que ces quelques
pages pourront être de quelques utilité pour vous, je vous prie d'excuser
ma franchise et me croire, avec considération,
Votre dévoué serviteur
Dr R. G. Janson-La-Palme.
Lawrence 10 mai, 1888
N.B. Veuillez prendre connaissance des articles de M. L. Garisson de
Boston qu'il va publier bientôt dans les colonnes de l'Etendard de
Montréal; vous y trouverez de nombreux renseignements qui vous
seront très utiles, c'est de la statistique. Je suis en relation constante
avec ce monsieur, et je puis vous assurer que ce qu'il dit est vrai. J'au-
rais bien voulu vous donner un plus grand nombre d'articles de jour-
naux que je collectionne depuis plusieurs années et qui avaient rapport
aux renseignements que vous me demandiez, malheureusement ils ont
été anéantis au mois de janvier dernier. Je vous promets cependant de
vous envoyer tous ceux qui pourront être pour vous de quelqu intérêt.
Dr J. L. P.
IV
Eloges des disparus
Abbé Roland J. Massé, ptre
(1904-1952)
Fall-River, . Massachusetts
(T. R. P. Thomas-Marie Landry, o.p.)
Le dimanche 20 janvier dernier, la Société Historique Franco-
Américaine perdait un autre de ses membres distingués en la personne
de feu l'abbé Roland J. Massé, ptre, vicaire à la paroisse Notre-Dame
de Lourdes de Fall River, Mass.
La veille, en la demi-obscurité du soir tombant, M. Massé, appa-
remment en hâte de quérir une automobile à un poste d'essence situé
non loin du presbytère, par mégarde était tombé dans un de ces puits
de restauration (grease-pit) que nous avons tous déjà vus. Chute
pénible, faite alors qu'il était seul et dont personne ne se rendit compte
que beaucoup plus tard. Enfin transporté à l'hôpital Ste-Anne ,avec
fracture de plusieurs côtes et souffrant de graves lésions internes, l'abbé
Massé ne devait pas se remettre. Malgré les meilleurs soins que l'hô-
pital pût lui prodiguer, il devait expirer le lendemain à la grande
consternation de toute la population catholique et franco-américaine
de Fall River. Il n'avait que 48 ans. Et c'est ainsi qu'un accident
baroque, sûrement involontaire de sa part, mais en soi enrageant, nous
prive des services d'un excellent prêtre qui meurt avant d'avoir achevé
sa carrière, alors que notre peuple franco-américain a si grand besoin
de prêtres, de ses prêtres. . . .
M. l'abbé Roland J. Massé était né à Fall River, fils de feu Dieu-
donné Massé et de feu Clara Frédette. Issus de parents profondément
chrétiens; il était membre d'une famille nombreuse qui devait donner
trois prêtres à Dieu et à l'Eglise. L'un d'eux vit encore.
Après ses études primaires à l'école paroissiale de Notre-Dame de
Lourdes et ses études classiques à Québec, l'abbé Roland entre au
Séminaire St. Mary's de Baltimore. C'est là qu'il reçoit sa formation
philosophique et théologique. Le 30 mai 1931, en l'église cathédrale
St. Mary's de Fall River, il reçoit l'onction sacerdotale des mains de
Son Excellence Mgr James E. Cassidy. Sa première assignation l'a-
mène, comme vicaire, en la paroisse du T. S. Sacrement de Fall River.
En 1935, son évêque l'assigna à la paroisse St- Jacques de Taunton.
Puis, de 1937 jusqu'en juillet 1951, l'abbé Massé exerce un ministère
très continu et très fructueux en la paroisse des prémices de son sacer-
doce, la paroisse du T. S. Sacrement de notre ville. C'est là qu'il
38 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
donne la pleine mesure de son talent et de son zèle. Il est alors trans-
féré en sa paroisse natale et six mois après il y meurt en pleine maturité.
L'abbé Massé avait été doué d'un esprit vif, d'un coeur sensible,
d'une santé robuste. Tout ceci devait l'aider en son ministère et
donner à celui-ci une empreinte particulière.
Prêtre animé d'une foi et d'une piété profondes, il se fit remar-
quer par la dévotion avec laquelle il accomplissait les fonctions sacrées.
Il se fit remarquer aussi par la chaleur de son verbe en chaire, ce qui
ne faisait que traduire la profondeur de ses convictions chrétiennes et
sacerdotales. Son zèle portait la marque distinctive de l'universalisme
évangélique: il se faisait "tout à tous". Et c'est ainsi que les enfants,
les jeunes gens et jeunes filles, les adultes, les vieillards, les malades et
les pauvres surtout, les gens du monde comme les religieux et les reli-
gieuses, tous bénéficient tour à tour de ses bons offices.
Rien de plus touchant comme témoignage, sous ce rapport, que
l'éloge si spontané jailli à la fois du coeur et de la plume de ce parois-
sien anonyme de Notre-Dame, au lendemain de la mort de l'abbé
Massé, et que l'Indépendant devait publier deux fois en la même se-
maine. Rien de plus senti et de plus vécu que les paroles tombées des
lèvres de son ami et confrère de ministère, M. l'abbé Hervé Jalbert,
au jour des obsèques solennelles et qui peignent admirablement la phy-
sionomie spirituelle de ce bon prêtre que fut l'abbé Massé. Rien de
plus significatif enfin que ce mot de son évêque. Son Excellence Mgr
James L. Connolly, qui, apprenant ce décès inattendu, se serait écrié:
"j'aurais tant voulu lui dire merci pour tout ce qu'il a fait."
Aussi bien, la Société Historique Franco-Américaine se fait-elle
un pieux devoir d'exprimer ce soir sa peine très sincère de la dispari-
tion malencontreuse de ce digne prêtre de chez-nous et d'offrir à sa
famille ainsi qu'à ses nombreux amis l'assurance de sa sympathie la
plus profonde.
Paix à l'âme de ce prêtre au coeur ardent et zélé que fut l'abbé
Roland J. Massé!
le 21 mai 1952
Abbé J. Charles Cormier
1899-1952 Brockton, Mass.
{M. l'abbé Georges J. C. Duplessis)
M. l'abbé J. Charles Cormier, dont j'ai l'honneur de faire l'éloge
funèbre devant vous ce soir, est décédé le 15 mars dernier à Brockton,
Mass. Il était membre de la société historique depuis 1940. Car tout
ce qui touchait au problème franco-américain lui était sympathique.
Il est mort pieusement et sans peur, comme il avait vécu. Il avait
toujours été un prêtre pieux, dévoué, charitable. Aussi, avait-il mérité
ELOGES DES MEMBRES DISPARUS 39
le titre si enviable de "bon Père Cormier". II se savait frappé mortelle-
ment depuis un certain temps et il vit la mort avec courage et résigna-
tion quoiqu'encore dans la force de l'âge. Ainsi en est-il toujours pour
le bon soldat du Christ qui toute sa vie a combattu le bon combat.
L'assistance à ses funérailles fut nombreuse, recueillie et fort peinée,
parce que un bon prêtre était disparu.
M. le curé Cormier était un franco-américain authentique et de
bonne trempe, comme il s'en trouve de moins en moins aujourd'hui.
Il était né le 15 juin, 1899, à Marlboro, Mass., de feu Amédée L. Cor-
mier et de feue Célina Rochefort. Sa famille compta huit enfants,
dont deux prêtres et deux religieuses. Famille profondément chré-
tienne chez qui s'étaient conservées les meilleures traditions religieuses
et ethniques des bonnes familles franco-américaines d'autrefois. Enfant,
il fréquenta l'école St-Antoine de sa paroisse, puis fit ses études classi-
ques au séminaire St-Hyacinthe, au Canada. En 1918, toujours animé
du désir de se faire prêtre, il entra au séminaire diocésain de Boston,
où il poursuivit ses études philosophiques et théologiques.
Il fut ordonné prêtre le 23 mai 1924. Le jeune Charles Cormier,
collégien et séminariste, fit preuve d'une intelligence solide, d'un bon
jugement et d'une piété toujours soutenue. Au moral il avait beaucoup
d'entregent et une belle humeur qui le rendaient agréable et recherché.
Il exerça son ministère successivement à St-Louis-de-Gonzaque, de
Newburyport, à St-Antoine, de Shirley, à St-Louis-de-France, de Lowell.
Partout il laissa le souvenir d'un prêtre dévoué, zélé, empressé à faire
le bien. Dans sa prédication, il visait uniquement à convaincre et à
convertir. En août 1940, il fut promu à sa première cure, la seule
qu'il devait occuper, et dans laquelle il y mit son coeur. C'était au
Sacré-Coeur, de Brickton, Mass. C'est là que, pendant douze ans tout
près, qu'il donna son plein rendement: curé entièrement consacré au
bien des âmes, administrateur avisé et soucieux des biens paroissiaux.
Pendant son séjour à Brockton, il éteignit une dette considérable, em-
bellit les propriétés paroissiales et laissa un joli montant d'argent en
banque à son décès.
L'abbé Cormier, dans sa carrière sacerdotale, occupa des postes
qui lui permirent de toucher du doigt, à sa grande peine et à son grand
découragement, l'infiltration anglicisante chez les nôtres — la dispari-
tion du français dans les familles, les sociétés, les clubs, l'engouement
pour r"American way of life". Comment espérer encore en la survi-
vance des nôtres, pensait-il, quand ils se laissent aller si facilement au
fil du courant, si fort soit-il. Car, lui était un franco-américain authen-
tique, parlant bien le français et l'anglais, qui avait fréquenté des insti-
tutions canadiennes et américaines et qui conservait encore la convic-
tion qu'on pouvait être en même temps bilingue et américain de bon
aloi.
40 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Combien de Francos partagent encore cette conviction? On en
est rendu dans nos écoles et collèges à avoir recours à toutes sortes de
trucs pour encourager les enfants et adultes à parler français comme si
c'était une tâche tellement difficile et gênante qu'elle méritât d'être
récompensée. N'est-ce pas le signe évident du manque de respect, de
goût, d'attachement et de fierté pour le français, qui est général aujour-
d'hui et devient de plus en plus prononcé.
Le fait français existera toujours historiquement et géographique-
ment. Mais oij en est-il aujourd'hui dans les moeurs, le parler et la
culture? — malgré nos paroisses, nos écoles, nos journaux, nos sociétés.
Je crois au maintien d'une culture française aux Etats-Unis, mais il
n'est pas sûr qu'elle soit toujours soutenue par une majorité franco-
américaine. Elle sera le partage d'une élite américaine tout court qui
en apprécie la beauté et même l'utilité pratique, mieux que les nôtres.
Ainsi pensait l'abbé Cormier devant le nombre grandissant des mariages
mixtes de nationalités, des enfants qui se présentent à l'école ne parlant
que l'anglais, des professionnels, des prêtres, du peuple en général
dont la langue habituelle est l'anglais.
Le "melting pot" fait son oeuvre du point de vue langue comme
autrement. Qui va l'empêcher? La presse franco-américaine? Qui
se donne la peine de la lire et de l'épauler? Les sociétés nationales?
Leurs membres sont déjà trop fortement atteints. La paroisse? Elle
fut fondée avant tout pour la conservation religieuse, pour conserver
la foi chez un peuple qui au début ne comprenait pas l'anglais. Et
malgré tous ses efforts par le verbe français et la fondation d'écoles
bilingues, à quoi avons-nous abouti aujourd'hui? La famille reste le
dernier refuge. Mais, les familles franco-américaines d'aujourd'hui
parlent de préférence l'anglais au français au foyer.
Réagir Nous tâchons de le faire depuis cent ans. Ten-
tative inutile et trop coûteuse? Non. L'américanisation complète
n'est pas avantageuse. La culture américaine n'égale pas la française.
Le peuple s'en rend-il compte? Faut-il nous soumettre graduellement
à une situation insoluble? Peuple bilingue? Oui, oii plus d'une langue
est officielle et obligatoire dans les écoles. Mais pas dans un pays uni-
lingue officiellement, comme le nôtre. Le polonais, l'Italien, le séné-
galais se francisent en France à son avantage culturel. Aux Etats-Unis,
le non-anglophone s'américanise à son détriment. Sorte de loi natu-
relle par laquelle l'élément le plus fort absorbe le plus faible. Et tous
les peuples de l'Europe, à commencer par la France, ne sont-ils pas le
résultat de la fusion de plusieurs races en celle qui a su s'imposer par
sa langue et sa culture?
Voilà les considérations que la carrière sacerdotale de l'abbé Cor-
mier m'a inspirées et sur lesquelles lui-même a sûrement souvent médité.
ELOGES DES MEMBRES DISPARUS 41
Arthur-Edmond Moreau
Manchester, New Hampshire
1885-1951
(Juge Emile Lemelin)
C'est le soir du quatre juillet 1951, au moment même ovi le grand
public célébrait avec éclat le 175e anniversaire de la Déclaration d'In-
dépendance de sa patrie bien-aimée, que l'honorable Arthur-Edmond
Moreau, à la suite d'une crise cardiaque, rendit son âme à Dieu.
Homme d'affaires consommé, politique averti, mutualiste compé-
tent, philanthrope discret et chrétien exemplaire, Arthur Moreau, selon
moi, mérite d'être placé presque au premier rang du trop petit nombre
de Franco-Américains dignes d'être cités comme modèles aux généra-
tions présente et futures. De fait, son succès extraordinaire dans le
commerce semble indiquer que toute sa vie durant il a compris le con-
seil de Corneille: "Vous devez un exemple à la postérité".
Né le 5 mars 1885 à Manchester — où il jouera plus tard un
rôle prépondérant pendant plus d'un quart de siècle — né, dis-je, du
mariage de Joseph J. Moreau et de Marie E. Houde, il reçut son édu-
cation à l'école primaire Ste-Marie, au Central High School et au
Hesser's Business Collège.
Dès 1903 il devient l'associé de son père dans le commerce de
quincaillerie; en 1906 il en est le gérant, puis, en 1918, le propriétaire.
Son intelligence, son talent pour le commerce, son ambition et sa per-
sévérance, sans compter une capacité prodigieuse pour le travail, ne
tardèrent pas à se faire sentir. Et c'est grâce à ses efforts, si en peu
d'années, la maison J. J. Moreau et Fils, d'un tout petit magasin devint
la firme la plus considérable du genre au nord de Boston. S'entendant
comme peu au négoce et à la légitime réclame, ses intérêts commer-
ciaux et financiers dépassent enfin les limites de ses grands magasins
et en font un des grands propriétaires d'immeubles de Manchester. Pas
surprenant, n'est-ce pas? qu'il fut membre du Bureau de direction de
trois banques, directeur de la Public Service Co. of New Hampshire,
président ou membre de nombreuses associations commerciales et indus-
trielles, y compris la N. E. Hardware Dealers' Association et le N. E.
Industrial Council.
Mais il y a plus. Aux jours sombres de la grande crise économique
de 1933, la ville de Manchester est menacée d'une terrible catastrophe
par la banqueroute de l'Amoskeag Manufacturing Company, alors la
plus grande industrie textile au monde. C'est le désarroi dans les
milieux ouvriers, financiers, commerciaux et industriels de Manchester.
Toutefois, Arthur Moreau, maintenant devenu son principal commer-
çant, ne désespère point et c'est à lui que revient l'insigne honneur
d'avoir trouvé une solution. Il suggère l'acquisition des pouvoirs d'eau
42 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
et des propriétés immobilières de la compagnie en faillite. Au prix de
cinq millions de dollars avancés par certaines banques et hommes d'af-
faires, sa suggestion se réalise au moyen de la fondation de l'Amoskeag
Industries, Inc., et la ville de Manchester est non seulement sauvée du
désastre mais est mise en mesure de se réhabiliter sur des bases plus
solides que jamais. La réussite des démarches d'Arthur Moreau dans
cette affaire lui valut une renommée nationale en plus d'un degré de
Maître-ès-Arts, honoris causa, du Collège Dartmouth.
Toutes ces activités et réalisations auraient sans doute suffi à
l'homme moyen. Mais Arthur Moreau n'était pas un homme moyen.
Il ne fut jamais "serf de ses négoces". Au contraire, il sut trouver le
temps de s'intéresser à la chose publique et civique.
En politique, il fut tour à tour membre de la Garde du gouverneur
du New Hampshire avec titre de major; commissaire des incendies de
sa ville; conseiller du gouverneur; syndic de l'Hôpital Industrielle;
maire de Manchester de 1925 à 1931; membre de la commission de
police et syndic de l'Université du New Hampshire. A son décès il
occupait encore ces deux derniers postes.
Membre de nombreux clubs civiques, tels le Rotary, le Jolliet, le
Lafayette, le Cercle National, il faisait ausi partie de l'Ordre des Fores-
tiers Catholiques, de l'Union St- Jean-Baptiste d'Amérique, de l'Asso-
ciation Canado-Américaine, de l'Ordre des Knights of Columbus et
des Elks.
En 1939 il accepta gracieusement de servir comme premier direc-
teur et membre de l'Exécutif de l'Association Canado-Américaine.
Pendant six ans il accomplit les multiples devoirs de cette tâche avec
sagesse et prudence et je me fais un plaisir et un honneur à la fois
d'exprimer publiquement ma profonde reconnaissance pour les im-
menses services rendus à l'Association durant cette période.
Arthur Moreau fut aussi un excellent chrétien. Toujours fidèle
à ses devoirs religieux, il donnait l'impression d'avoir constamment à
l'esprit la pensée de Montaigne: "Tous les jours vont à la mort, et
le dernier y arrive". Ceci explique peut-être le secret et la discrétion
dont étaient entourés ses généreux dons à nombre d'individus et insti-
tutions. De ces dernières, l'Hôpital Notre-Dame, l'Orphelinat St-
Pierre, la paroisse Ste-Marie et la paroisse St-Georges doivent être
comptés parmi les principaux bénéficiaires de ses largesses.
Toujours bon compagnon, Arthur Moreau possédait la plupart
des qualités et quelques-uns des défauts des Gaulois. Généralement
gai, d'humeur égale, il se faisait souvent taquin, parfois malin, mais
jamais mesquin. En somme, c'était le type du bon copain.
Homme de coeur, toujours humble et modeste, ne parlant jamais
de lui-même ni de ses succès, tendre époux et bon père de famille,
Arthur Moreau n'a jamais rougi de sa race et les siens ont aujourd'hui
maintes raisons d'être fiers de lui.
ELOGES DES MEMBRES DISPARUS 43
Devant sa tombe inclinons-nous avec respect en nous rappelant
ces paroles de Bossuet: "L'univers n'a rien de plus grand que les
grands hommes".
William L. Bourgeois
Southhridge, Massachusetts
(Juge Edouard ]. Lampron)
La Société Historique Franco-Américaine n'échappe pas plus
qu'aucun autre groupe aux effets de la grande moissonneuse. A cha-
que réunion, ou à peu près, nous devons rappeler aux pieux souvenirs
des membres la disparition d'un des nôtres.
Le 6 décembre dernier, à l'âge de quarante-sept ans, William-
Louis Bourgeois, nous quitta pour aller recevoir du Souverain Educa-
teur son dernier degré, celui décerné à un chrétien qui passa sa vie
à l'enseignement de la jeunesse.
Né à Fall River, il fut diplômé du Collège de l'Assomption en mil
neuf cent vingt-six. Il poursuivit ensuite des études spécialisées à
l'Ecole d'Education des Universités de Harvard et de Boston ainsi qu'à
celle du Connecticut. En vertu d'une bourse obtenue du gouverne-
ment français il suivit des cours à la Sorbonne.
Après un stage comme professeur à l'école Boston Latin il occupa
le poste de Surintendent des Ecoles à Jewett City ainsi qu'à South-
hridge.
Toujours avide d'augmenter ses connaissances il préparait sa thèse
de doctorat au Boston School of Education lorsque la mort le frappa.
Notre société lui est aussi redevable des services qu'il lui a rendus
comme secrétaire de mil neuf cent trente-quatre à trente-six.
Nous partageons avec son épouse, née Pauline Cartier, ses parents
et ses amis, la douleur de cette mort qui nous semble si prématurée.
Wilford E. Lamarine
(1878-1950)
Joseph Adolphe Bonvouloir
(1870-1951)
Central-Falls, Rhode-Island
(R. de Blois La Brosse)
Durant le cours des deux années qui viennent de s'écouler, nous, les
Franco-Américains de Central Falls et Pawtucket, avons perdu deux
de nos plus importantes lumières dans le monde de la finance et de
l'industrie.
44 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Le 28 juin, 1950, mourait à Central Falls, Wilford E. Lamarine,
millionnaire, fondateur et gérant de la Bonin Spinning Co. de Woon-
socket. Né à Central Falls, le 11 novembre 1878, fils de F. X. Lama-
rine et de Tarsile Lévesque.
D'humble origine, par son industrie et son sens des affaires, il
arriva, passant par tous les échelons, au pinacle de sa sphère indus-
trielle.
Ce fut toujours une personnalité prête à se dépenser pour ses
concitoyens. Durant toute la dernière guerre il fut président du "Draft
Board" de Central Falls, position sans aucune rémunération et ingrate
au plus haut degré, à laquelle il se dévoua sans ménager ses fatigues.
C'est surtout comme Président de l'Hôpital Notre-Dame de
Central Falls que nos Franco- Américains se le rappelleront; pendant
les dernières vingt-deux années il s'y rendait tous les jours pour gérer
à son administration, s' occupant même de maints détails.
Le 14 décembre 1951, la veille de son départ projeté pour une
croisière aux Antilles, Joseph Adolphe Bonvouloir quittait soudaine-
ment et paisiblement cette terre où il s'était réellement préparé à la
mort par l'assistance quotidienne à la messe et à la communion et par
des retraites fermées régulières. Syndic de la paroisse Notre-Dame du
Sacré-Coeur depuis 1935, il était un des fondateurs et maintenant le
seul propriétaire des actions de la Central Falls Manufacturing Com-
pany, une industrie de construction où les aînés de nos Franco-Amé-
ricains dans le travail du bois se donnaient libre cours et son commerce
vendait toutes les matières de construction. C'était une maison
importante valant dans les quelques cent milles dollars.
Né le 2 janvier 1870 à Ste-Brigide, Québec, fils de Pierre Bonvou-
loir et de Maria Nadeau.
Depuis longtemps au Bureau de Direction de notre même Hôpital
Notre-Dame, il succéda à M. Lamarine comme président et avec les
deux autres membres de son comité exécutif. Messieurs Edgar L. Jodoin
et J. Orian Duchesneau, l'administra jusqu'à sa mort.
Démocrate de vieille souche, il assistait aux conventions nationales
de son parti pour la nomination des candidats à la Présidence depuis
plusieurs années. Il fut aussi longtemps inspecteur de la construction
pour la ville de Central Falls.
Ni l'un ni l'autre ne laissèrent d'enfants et leurs industries passè-
rent à des neveux.
Tous deux avaient vu naître, des sous des écoliers, notre Crédit
Union Central Falls en 1915 et M. Lamarine comme son Vice-Prési-
dent depuis 1920, et M. Bonvouloir comme Président de son Comité
de Prêts depuis sa fondation, ont largement contribué à son accrois-
sement jusqu'à ses 8 millions d'à présent. Tous deux étaient aussi
membres fondateurs et actifs du Foyer Franco-Américain et M. Bon-
vouloir était en plus Président de son Syndicat des bourses scolaires.
ELOGES DES MEMBRES DISPARUS 45
Il était aussi très actif dans nos sociétés paroissiales et fraternelles, ayant
été longtemps président de notre Société paroissiale St- Joseph et mem-
bre de l'Union St- Jean-Baptiste d'Amérique, et des Artisans Canadiens
Français, Intéressé au beau, il assistait régulièrement aux réunions de
notre Société Historique.
Leur rôle dans notre élément sera difficile à combler et l'estime
dans laquelle nous les tenons les gardera longtemps en notre mémoire.
Paul Mongeau
(Indian Orchard, Massachusetts)
1882-1952
(Abbé Adrien Verrettc)
Un septième deuil venait assombrir les cadres de la Société au
cours de l'exercice avec la disparition du très estimé confrère, M. Paul
Mongeau, pharmacien de Indian Orchard, Massachusetts, le 16 jan-
vier à l'âge de 60 ans.
Depuis nombre d'années déjà, les compatriotes de St-Louis-de-
Gonzague étaient familiers avec la figure sympathique de ce distingué
franco-américain qui avait conservé pour les siens un culte fraternel
très prononcé. Il portait en lui une âme vraiment française.
Il dirigeait son établissement en face de l'église. C'est dire que
tout le monde appréciait ses services dans l'atmosphère accueillante de
l'endroit le plus fréquenté d'un village, la pharmacie.
Né à Ashland, Massachusetts, le 20 octobre 1882, il était le fils
de Joseph Mongeau, maître menuisier et de Aurélie Gatineau. Après
ses études et quelques années de pratique, il venait s'établir à Indian
Orchard.
Mutualiste, il était membre de l'Union St- Jean-Baptiste d'Amé-
rique, de l'Ordre des Forestiers Catholiques et de l'Alliance Nationale.
Très sympathique à nos oeuvres il était encore un ami du journal ré-
gional "La Justice de Holyoke". Son succès dans les affaires lui avait
mérité un directorat à la "Ludlow Savings Bank".
Durant plusieurs années il fut membre actif de la société.
Un brave serviteur disparaît en la personne de ce collègue et la
société lui conserve un souvenir fidèle. Paix à ses cendres.
Troisième Congrès de la Langue française
Les assises du Troisième Congrès de la Langue française à Québec,
du 18 an 25 juin, ont provoqué au sein de la société un vif intérêt.
C'est le docteur Ubalde Paquin, alors président, qui remettait la mé-
daille "Grand Prix" à Mgr Camille Roy, P.A., président du Deuxième
Congrès en 1937. Cette fois le président de la société était le président
même du congrès et les membres s'en réjouissaient. La médaille "Grand
Prix" fut décernée le 19 novembre 1951 à l'abbé Paul-Emile Gosselin,
secrétaire du Comité de la Survivance française en Amérique.
A la réunion du 21 mai, à l'hôtel Lenox de Boston, la société s'em-
pressa de formuler son adhésion au congrès dans le texte suivant:
"Comme en 1912 et en 1937, la Société Historique franco-améri-
caine est très heureuse de participer aux grandes assises du congrès en
juin prochain.
Elle accepte avec empressement l'invitation du Comité du Con-
grès et s'inscrit à titre de Membre Bienfaiteur du Troisième Congrès
de la Langue française. Elle délègue en plus son secrétaire, M. le
docteur Gabriel Nadeau, de Rutland, Mass. à la représenter aux assises.
L'importance de cette convocation ne peut échapper à la recon-
naissance des Franco-Américains. Voilà encore une occasion splendide
qui devra resserrer nos liens culturels de chaque côté de la frontière.
Elle-même consacrée, depuis plus de 50 ans à préciser la partici-
pation française à la vie américaine, notre société veut occuper une
place importante dans ces délibérations. Elle veut retirer de cette
enquête sur les conditions actuelles de notre comportement culturel
sur le continent une nouvelle ferveur pour continuer son travail de con-
servation dans les cartables de notre histoire.
Le Troisième Congrès est un appel à une nouvelle croisade au
pays de nos pères. La Société veut être présente pour recueillir les
échos et les leçons de cette grande réunion de famille en y apportant
son hommage et sa promesse de fidélité."
Gabriel Nadeau
Secrétaire
21 mai 1952.
VI
Centenaire de l'Université Laval *
Les fêtes du centenaire de l'Université Laval, au cours de l'année,
et particulièrement les journées du 19 au 22 septembre, ont projeté
sur toute l'Amérique française un éclat réconfortant et précieux. La
franco-américanie qui se reconnaît tant de liens de famille avec cette
vénérable institution de haut savoir, d'où sont sortis tant de ses fils
illustres, ne fut pas oubliée dans le faste de cette évocation. Le prési-
dent de la société assistait aux fêtes centenaires.
Pour exprimer elle-même son affection et sa reconnaissance à
l'endroit de ses fils dispersés, l'université choisit une circonstance heu-
reuse. A l'occasion de la réunion du 21 novembre, au Club Univer-
sitaire de Boston, Mgr Alphonse-Marie Parent P.D., vice-recteur, ac-
compagné de l'abbé Robert Dolbec, secrétaire de l'université, apportait
le témoignage de son admiration aux Franco-Américains.
Après avoir rappelé brièvement l'histoire et le rayonnement de
Laval en Amérique, Mgr Parent établissait comment l'université veut
servir les intérêts franco-américains surtout en accueillant nos jeunes
étudiants à la faculté de médecine, aux sciences sociales et aux cours
d'été.
Comme gage de son inaltérable encouragement, l'Université Laval
remettait par son vice recteur, aux représentants de six des principaux
organismes de vie catholique et française aux Etats-Unis, sa "Médaille
du Centenaire" soit à l'abbé Adrien Verrette, président de la Société
Historique Franco- Américaine, à M. Adolphe Robert, président de
l'Association Canado-Américaine, à M. le juge Eugène Jalbert, avocat
conseil de l'Union St-Jean-Baptiste d'Amérique, à M. Louis Israël
Martel, secrétaire du Comité d'Orientation Franco-Américaine, à M.
Wilfrid J. Mathieu, président de l'Alliance des Journaux Franco-Amé-
ricains et à Mlle Elise Rocheleau ,officier de la Fédération Féminine
Franco- Américaine.
Issue du Séminaire de Québec fondé en 1663 par Mgr François de Montmoren-
cy Laval, premier évêque du Canada, l'Université Laval est la plus ancienne
institution Catholique et française en Amérique. Les Pères du Premier Con-
cile du Canada en 1851 décidaient la fondation de l'Université. Le 8 dé-
cembre 1876, le Pape Pie IX proclamait Laval université pontificale. Aux
quatre premières facultés, théologie, droit, médecine et arts, venaient s'ajouter
dans la suite six autres facultés, la philosophie, les sciences sociales, les sciences,
l'agriculture, l'arpentage et le génie forestier. Elle compte aussi les écoles des
Gradués, de Commerce, de Musique, des Sciences Domestiques, de Pédagogie,
des Pêcheries, des Sciences hospitalières, de Service social, de Pharmacie, et
les Instituts d'Histoire et de Géographie et de Philosophie. Trente-deux col-
lèges classiques sont affiliés à la faculté des arts.
VII
Rapports des Réunions
Réunion du Bureau — 5 avril 1952
A l'hôtel Vendôme de Boston sont présents les officiers Verrette,
Carignan, Nadeau, Clément, Lemelin et Lampron. Le bureau reçoit
les rapports du secrétaire et du trésorier, celui-ci avec un actif de
$1,344.88. La société s'inscrit à titre de "membre bienfaiteur" du
Troisième Congrès de la Langue française et le bureau choisit le doc-
teur Gabriel Nadeau pour le représenter officiellement.
La séance du printemps est fixée au 21 mai, à l'hôtel Lenox de
Boston. Le docteur Ulysse Forget et Mlle Yvonne LeMaître y présen-
teront des travaux. Le président nomme le comité des nominations
pour le renouvellement du bureau: le docteur Ulysse Forget, M. F.
Raymond Lemieux et Me R. de Blois La Brosse. Les éloges de sept
membres disparus seront prononcés par différents membres. Le bulle-
tin de 1951 sera bientôt distribué.
Réunion générale du 21 mai 1952
A l'hôtel Lenox sous la présidence de M. l'abbé Verrette. 58
membres et invités présents. Parmi les invités on remarque M. Delisle,
consul du Canada, et M. Pierre Vieillotte, correspondant de La Presse
de Montréal. On remarque aussi Mgr Boutin, qui vient d'être élevé
à la prélature, le professeur Alexandre Goulet et le Dr Marins Peladeau,
de Brattleboro, Etat du Vermont.
Les éloges des membres suivants, décédés depuis la dernière réu-
nion du printemps, sont prononcés:
L'abbé Charles Cormier, par l'abbé G. Duplessis
M. Arthur Moreau, par le juge Emile Lemelin
M. Adolphe Bonvouloir, par M. Deblois-LaBrosse
M. W. Lamarine, par M. Deblois-La Brosse
L'abbé Roland Massé, par le P. Thomas Landry, O.P.
M. William Bourgeois, par le juge Lampron
Le Dr Ulysse Forget donne commnuication d'un travail sur la
"Démographie de la paroisse de Warren, Rhode Island". Ensuite
M. le Président donne lecture du travail de Mlle Yvonne Le Maître,
empêchée d'assister à la réunion.
M. Alexandre Goulet propose ensuite, dans le but de faire mieux
connaître la Société historique et les Franco-Américains en général,
de faire traduire en anglais le Catéchisme d'histoire de M. Josaphat
Benoit. Cette proposition est bien accueillie par l'assemblée.
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Diner de la Société Historique franco-américaine, 27 novembre, University
Club de Boston, Mass.
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RAPPORT DES REUNIONS 49
M. le Président invite ensuite le Consul du Canada à dire quelques
mots. M. Delisle félicite la société du but qu'elle poursuit et parle de
son influence et de son rayonnement aux Etats-Unis et au Canada.
Cinq nouveaux membres sont admis:
Mlle Paulette Cyr, 95 Lorraine Avenue, Somerset, Mass.
Mme Ovila Saint-Denis, 683 Middle St., Fall River, Mass.
M. Robert-G. Lacroix, 127 Cleaver St., Biddeford, Maine.
M. Richard-J. Potvin, 67 Perkins Avenue, Brockton, Mass.
Me René Brassard, 98 Front St., Worcester, Mass.
Le comité des élections, composé de MM. Ulysse Forget, Ray-
mond Lemieux et Deblois Labrosse, fait le rapport de son choix pour
le prochain bureau: réélection du président, du vice-président, du
secrétaire, du secrétaire-adjoint et du trésorier, et élection des con-
seillers suivants pour trois ans: MM. Damase Brochu, Lauré-B. Lussier
et le Dr Oscar Perrault. Ce choix est adopté à l'unanimité.
Réunion du Bureau, 18 octobre 1952
A l'hôtel Sheraton de Worcester. Sont présents les officiers
Verrette, Carignan, Nadeau, Clément, Cartier et Lemelin. Le tréso-
rier établit son avoir à $1,448.96. La réunion annuelle est fixée au
21 novembre au Club Universitaire de Boston. Mgr Félix- Antoine
Savard, P.D., doyen de la faculté des lettres de l'Université Laval sera
le conférencier invité. Le bureau choisit le docteur Georges A. Bou-
cher, de Brockton comme titulaire de la médaille "Grand Prix". Ancien
vice-président, le docteur Boucher vient de publier son recueil "Chants
du Nouveau Monde". La société se réjouit de l'élévation récente à
la prélature de deux de ses membres dévoués, Mgr F.-X. Larivière et
Mgr Joseph Boutin. Pour fin de propagande le bureau distribuera
aux institutions ses publications.
Réunion générale du 19 novembre vteb
A l'University Club, de Boston, sous la présidence de M. l'abbé
Adrien Verrette. 89 membres et invités présents. On remarque à la
table d'honneur: Mgr Félix Savard, P.D., conférencier; Mgr Alphonse
Parent, vice-recteur de Laval; M. Jean Lapierre, consul de France;
M. Jean-Louis Delisle, consul du Canada; Mgr Joseph Boutin; Mgr
William Drapeau et le Dr Georges Boucher. Dans l'assistance se trou-
vaient M. l'abbé Robert Dolbec, secrétaire général de Laval, et Mmes
Jean Lapierre et Jean-Louis Delisle.
Conférence de Mgr Savard sur Problème d'orientation littéraire.
Le conférencier est remercié par M. l'abbé Verrette qui lui présente le
diplôme de membre d'honneur de la Société.
50 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Mgr Parent décerne ensuite la médaille du Centenaire de l'Uni-
versité Laval, avec l'Album du Centenaire, aux six associations cultu-
relles et patriotiques suivantes de la Nouvelle- Angleterre :
La Société Historique franco-américaine
L'Association canado-américaine
L'Union Saint- Jean-Baptiste d'Amérique
La Fédération féminine franco-américaine
L'Alliance des journaux
Le Comité d'orientation
M. le Président présente ensuite la médaille Grand-Prix de la
société au Dr Georges Boucher, et fait l'éloge du récipiendaire.
M. Verrette annonce à l'assistance que le Dr Ulysse Forget vient
de publier l'histoire de la paroisse Saint- Jean-Baptiste de Warren,
Rhode Island, et recommande à chacun de se procurer cet excellent
ouvrage.
Quatre nouveaux membres sont admis:
M. Louis-Israël Martel, 693 Beech St., Manchester, N. H.
Le Dr Elzéar Asselin, 38 Atlantic St., Lynn, Mass.
M. et Mme Frédéric Deschambault, 31 Crescent St., Biddeford,
Maine.
Un vin d'honneur avait été servi, avant la séance, par le consul
du Canada, à Mgr Savard et aux directeurs de la Société.
VIII
Modem Language Association of America
North American French Language
(French VIII)
La Modem Language Association of America tenait sa 67e
réunion annuelle à l'hôtel Statler de Boston du 27 au 29 décembre.
Cet organisme continental réunit les professeurs et universitaires qui
s'occupent de l'enseignement et du rayonnement des langues.
Le secteur North American French Language and Literature
(French VIII) était au programme samedi, le 27 décembre, dans la
salle des Bals, sous la présidence de Mlle Marine Leland du Collège
Smith, qui remplaçait la présidente, Mme Virginia Nyabongo. Le
professeur M. E. Joliat, de l'université de Toronto, remplaçait le
secrétaire, William Locke, du Massachusetts Institute of Technology.
Quatre travaux étaient présentés dans l'ordre suivant: "Réaction
des Poètes Franco-Canadiens devant les invasions américaines" par
M. Léopold Lamontagne, professeur au Collège Militaire Saint- Jean
de Québec; "Notes pour servir à une bibliographie franco-américaine"
par le docteur Gabriel Nadeau, secrétaire de la Société Historique
Franco- Américaine ; "Résumé d'un inventaire franco-américain" par
M. Adolphe Robert, président de l'Association Canado- Américaine ;
"Quelques aspects du Troisième Congrès de la Langue française" par
l'abbé Adrien Verrette, président du Conseil de la Vie Française en
Amérique.
Après la discussion qui se déroula sous la direction de Mlle Leland,
les congressistes prenaient le diner au University Club. Messieurs les
consuls Francis Charles-Roux et Jean-Louis Delisle assistaient avec plu-
sieurs membres et invités du secteur.
Vu que les Franco-Américains étaient surtout présents à ce sym-
posium et afin de donner une plus grande publicité aux travaux pré-
sentés, le bulletin a cru offrir l'hospitalité à ces études. Le secteur
French VIII fut constitué en 1941, et depuis, plusieurs travaux furent
présentés au symposium annuel. Au nombre des présidents du secteur,
se succédèrent les professeurs Edward B. Ham, Mlle Marine Leland,
M. Joseph M. Carrière, William N. Locke, M. David M. Dougherty
et Mme Virginia S. Nyabongo.
52 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
(I)
Les Poètes Franco- Canadiens
devant les invasions américaines
par
(Léopold Lamontagne, Ph.D.)
directeur du département de français
au
Collège Militaire Royal de Saint-Jean (Que)
Au Canada français, la poésie, née de parents très pauvres au
milieu du XVIII siècle, a mené une vie plutôt rachitique jusque vers
1860, alors qu'elle a pris une vigueur tardive et produit des fruits
relativement nombreux et robustes.
Hélas, c'est de cette existence poétique plutôt terne d'autour de
1800 que j'ai choisi de traiter, vous laissant le plaisir et la surprise
d'étudier d'autres périodes. Et encore, comme pour circonscrire le
mal, j'ai voulu restreindre mon examen à un aspect fort particulier
de cette poésie. Dédaignant l'amour et ses jeux, la bergère folâtre et
les longues satires morales et moralisantes si fort dans le goût de ce
siècle, je me bornerai à répercuter en quelque sorte les accents mâles
des poètes qui ont défendu à leur manière leur patrie attaquée et meur-
trie. Ces échos bien lointains vont peut-être donner un son étrange
en ce milieu bostonnais considéré alors comme ennemi; cependant, le
recul du temps, l'amitié qui unit les deux peuples et le souci exclusive-
ment littéraire qui nous occupe nous permettent d'analyser, en toute
liberté, les réactions des poètes franco-canadiens aux invasions améri-
caines.
Avant 1760, (nous passerons bientôt au déluge) nos poètes n'ont
guère écrit que des chansons de guerre, la plupart du temps dirigées
contre les Anglais si acharnés à la conquête de la Nouvelle-France.
Ils ont célébré à l'envi les victoires de la Monongahéla, d'Oswego, du
fort William Henry et de Carillon. Pour s'entraîner au combat, ils
composaient des chansons de ce genre:
"Le Français comme l'Anglais
Prétend soutenir ses droits.
Voilà la ressemblance;
Le Français par équité,
L'Anglais par duplicité.
Voilà la différence!" (\)
Et tous ces couplets trouvent une multitude de ressemblances anodines
mais de différences malicieuses entre les deux races.
(1) LaRue, H. — Le Foyer canadien — "Nos chansons historiques Vol. III,
p. 17.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 53
Après la cessation du Canada, la paix semble enfin descendre sur
nos rives et les Muses commencent à risquer quelques sourires enga-
geants à ces guerriers qui viennent de rentrer dans leurs foyers. Elles
restent encore bien effrayées par les luttes orageuses que le vaincu
livre au vainqueur en vue de conserver sa religion, sa langue et ses
droits. Cependant, comme on disait alors, "la discorde a éteint son
flambeau" et Pallas offre son "pacifique rameau." Dans une ode
composée en l'honneur de Carleton, un poète peint même en rose le
tableau de l'époque:
"Déjà les arts en liberté
Paraissant avec allégresse
Dans le palais de la sagesse
Y sont reçus avec bonté."
Il trace même aux dieux cruels une ligne de conduite non-équivoque:
"Affreux compagnons de Vulcain
Cessez, Cyclopes détestables.
Par vos foudres trop redoutables
De consterner le genre humain."(2)
Hélas, il ne se passe pas quinze ans que le territoire canadien est de
nouveau envahi.
Les sentiments canadiens sont alors assez partagés. Le conqué-
rant lui a imposé une constitution militaire, puis l'acte de Québec,
régimes difficiles à accepter. Par contre l'envahisseur lui a promis
liberté complète, si bien que lorsqu'il se présente sur les murs de Québec
en 1775, il vient sur le point d'emporter la capitale, tant il s'est acquis
de sympathies chez la population anglaise et française. Toutefois, la
majorité des Canadiens-français, fidèles à la voix de ses pasteurs, se
range sous les ordres de son gouverneur pour défendre le pays.
Voici dans une poésie intitulée: "L'Invasion américaine chantée"
un tableau à peu près complet de la campagne américaine :
En Canada est arrivé
Une chose à remarquer
Les Canadiens vivaient tranquilles
Les Bostonnais ont décidé
De les soumettre à leur contrée
Partant de la vill(e) de Boston
Ont pris le fort de Carillon
Et tout{es) les autr{es) place{s) ensuite
Et tout {es) les provisions
Mortiers, boulets, bomb{es) et canons.
(2) Id.Ibid., "Ode à l'honorable Guy Carleton", (18 janvier 1770) p. 18.
54 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Le fort Saint-Jean en vérité
A pour sûr le mieux résisté,
Et malgré toute leur vaillance
Les Bostonnais l'ayant bloqué
Il a fallu capituler
Montgomery, leur général,
En arrivant à Montréal,
Sur le champ fait sommer la ville
Qu'elle (e) doit se soumettre au congre (sic)
Il a fallu capituler.
Montgomery après cela
Poursuit Carleton à grand pas
A entré par la Basse-ville
Pour prendre Québec par assaut
C'est là qu'il trouve son tombeau (3)
Les Canadiens-français ont opposé une résistance sérieuse à l'inva-
sion américaine et c'est en grande partie grâce à eux si l'expédition a
échoué. Par contre plusieurs Anglais, surtout des commerçants sont
sortis de la ville pour éviter le siège. Voyez comment un cavalier de
Pégase les fustige:
"J'entends quelquefois des faquins
Qui méprisent les Canadiens,
Mais ce sont des vipères;
Quand il a fallu batailler
Ils n'ont cherché qu'à reculer
Demi-tour en arrière;
Et tous ces braves citadins
Sont fanfarons et bons à rien
Bon, bon, bon.
Le bruit du canon
Leur vaut un bon clystère."
La fin du troisième couplet offre une variante plus propre sans
qu'elle ne soit plus douce:
" Bon, bon, bon.
Le bruit du canon
Les chasse en Angleterre."
Et je ne puis m'empêcher de vous citer la recette tactique que
nos généraux pourraient encore utiliser avec profit:
" Bon, bon, bon.
Canon et flacon
Conduisent à la victoire."{A)
(3) Bulletin des Recherches historiques 1920 p. 242.
(4) LaRue H. — Le Foyer canadien — "Les chansons historiques" Vol. III
p. 40-41.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 55
Mais les poètes ont aussi tiré sur les Américains leurs traits les
plus acérés, comme dans cette chanson Yankee Doodle:
"Les premiers coups que je tirai
Sur ces pauvres rebelles
Cinq cents de leurs amis
Ont perdu la cervelle.
Yankee Doodle, tiens-toi bien
Entends bien c'est la musique
C'est la gigue du Canadien
Qui surprend l'Amérique (5)
En somme, la résistance poétique à l'invasion américaine de 1775,
si elle ne s'est guère montrée ardente, est restée loyale à la couronne.
Entre la Royauté qui venait de lui accorder le privilège de garder
sa religion, sa langue et ses lois et la République qui lui promettait
une liberté beaucoup moins sûre, le Canadien s'en est tenu au pro-
verbe: Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.
Une fois l'envahisseur rejeté hors des frontières et l'épée remise au
fourreau, le poète a repris sa lyre. Le climat politique est de plus en
plus favorable. L'Angleterre vient de voter la loi constitutionnelle
accordant aux Canadiens la responsabilité de gouvernement. Com-
ment alors ne pas chanter Vive Georges III "le plus chéri des Rois"
et r"auguste nom" de ces "fiers Anglais" qui font "régner la raison".
Heureux, s'écrie le poète possédé du démon (daim on) de la recon-
naissance :
"Heureux celui qui peut comprendre
Quel est le prix de vos bienfaits". {Çt)
Cette admiration pour l'Anglais se complique d'un phénomène
historique qui intéresse l'univers de l'époque: l'ascension inquiétante
du caporal dompteur de peuples: Napoléon. Je vous laisse à trouver
les raisons pour lesquelles les poètes canadiens-français se sont rangés
sous la bannière d'Albion contre l'empereur français, et qu'ils sont
même allés jusqu'à célébrer le courage de Nelson:
"Des Français il dompte la rage
Rien ne résiste à vos guerriers.
Conservons notre monarchie.
Respectons le trône des rois;
Détestons l'affreuse anarchie
Qui réduit la France aux abois." (7)
C'est, en 1799, Les Châtiments contre Napoléon le Grand, 54
ans avant Les Châtiments contre Napoléon le Petit.
La guerre, du moins sur notre continent, semble bien finie et le
poète canadien va se tourner probablement vers la vie des champs
comme le fait en France l'abbé Delille qui publie ses Jardins en 1 792,
~(5) ïd.Ibid. p. 39 (1775)
(6) Huston — Répertoire national Vol. I p. 72 (chanson de 1799)
(7) Id. Ibid.
56 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
son Homme des Champs en 1800 et ses Trois règnes de la nature en
1809. On chante en tout cas la paix et ses bienfaits:
"Sous l'aile d'Albion, sous les lois qu'elle donne,
Nous .jouissons de cent bienfaits divers.
Fortunés habitants, chantons dans nos concerts
La Déité qui les couronne.
Fille des deux, aimable paix
Qui sur ces bords as fixé ton empire
A nos désirs daignes sourire
Et ne t'en éloignes jamais." {Q)
Le voeu pacifique que chante cet hymne ne sera-t-il pas exaucé?
Mars viendra-t-ii toujours enlever son sceptre à Cérès? Voilà que de
nouveau Bellone menace nos moissons.
En effet, le 18 juin 1812, les Etats-Unis déclarent la guerre à la
Grande Bretagne déjà passablement occupée contre la France de Napo-
léon. (Etrange revirement des choses: les Américains se battaient
alors pour conquérir le Saint-Laurent qu'ils se défendent si ardemment
aujourd'hui de vouloir partager.)
Le canon remplit les airs de ses bruits infernaux au milieu desquels
on entend les chants de guerre et de victoire:
"Déjà nos vaillantes cohortes
S'avancent au champ de l'honneur
Montréal n'a besoin ni de murs ni de portes
Défendu par des bras qu'anime la valeur." {9)
Ici je serai plus à l'aise car nos hôtes ne seront plus en cause. En
effet, l'histoire vous l'apprend, lorsque le Congrès des Etats-Unis a
ordonné le recrutement de cent mille hommes en vue de l'agression
qu'il méditait contre le Canada, le Massachusetts et le Connecticut
ont refusé de fournir leur contingent. La Nouvelle-Angleterre est
même allée plus loin en expédiant des vivres aux Canadiens.
Pour compléter le climat historique de ces années terribles, rappe-
lons succinctement que trois généraux américains envahissant le
Canada: Dearborn le 20 novembre 1812 avec 1,500 hommes, Hamp-
ton le 21 octobre 1813 avec 8000 hommes et Wilkinson le 30 mars
1814 avec 8,226 hommes. C'est à Châteauguay, sur la route de Mont-
réal, que le Colonel Salaberry, âgé seulement de 33 ans, à la tête de
300 Voltigeurs et de quelques centaines d'Indiens repoussa le général
Hampton et ses 8,000 hommes. Je ne puis résister ici au plaisir de vous
rapporter un fait peu poétique il est vrai mais illustrant l'utilité de la
langue française. Au capitaine Daly, le colonel Salaberry crie ses
ordres en français et prescrit à son subalterne de se servir de cette
langue "afin de n'être pas compris des envahisseurs."
Ces quelques détails d'ordre historique nous permettront de mieux
situer cette poésie si florissante de 1812. Benjamin Suite, un poète
(8) Ma Saberdache Vol. P "A la paix" 1788 (par Joseph Quesnel)
(9) Id. vol. 2 p. 217 "Stances sur la guerre de 1812". (Daulé, ptre)
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 57
amateur de l'époque ultérieure indique les thèmes généraux que vos
bardes ont chantés:
"Ce jour {de Chateauguay) est immortel .
Ils combattaient pour Dieu, le pays et les belles.
Et tout nàivement ils savaient s'illustrer." {10)
Ils combattaient pour Dieu. — En effet, ayant échappé à l'in-
fluence irreligieuse de la révolution française, nos pères avaient con-
servé une foi très forte et ils craignaient le conquérant américain qui
en établissant l'égalité des cultes leur apportait une liberté dont ils ne
voulaient pas. C'est pourquoi en tête des caractéristiques de la poésie
guerrière de l'époque se place l'inspiration religieuse. Les exemples
ne manquent pas mais je voudrais vous citer au moins un quatrain
d'une cantate qui rappelle d'assez près certaines stances de Racine
(je veux dire Louis) :
"Dieu protecteur de l'innocence
Que ton bras s'élève, .pour nous.
Tous nos fiers ennemis resteront sans défence.
Un seul de tes .regards les dissipera tous."{l\)
A cet égard il faudrait lire au complet YHymne aux Canadiens de
Mermet dont la deuxième strophe est assez éloquente. A la voix de
Mgr Plessis "les chrétiens. . . vont s'armer, vaincre ou mourir". Rete-
nez ce distique tout à fait cornélien:
"Ah! dès qu'à la valeur la piété s'allie.
Que peut notre ennemi? Qu'il tremble et s'humilie! {12)
Religieuse, cette poésie est aussi patriotique. A la différence des
poètes de 1775, ceux de 1812 sont unanimes en faveur de l'Angleterre
contre les Etats-Unis et Napoléon qui les favorise. Cette fois plus
d'hésitations, pas de neutralité, pas de sympathie du côté de l'Améri-
cain. Une chanson célèbre de l'époque l'indique clairement dans son
refrain:
"On dit que l'Américain
Menace la Province
Et qu'il veut d'un coup de main
Déposséder un Prince.
Mais je suis soldat, moi;
Fidèle à ma Patrie
Et pour elle et pour mon Roi
Je donnerai ma vie." {13)
Cette image de Dieu qui plane au-dessus de toutes ces chansons,
cette évocation du roi, cette fidélité à la patrie, ne rappellent-ils par
la foi robuste et le patriotisme ardent des chansons de gestes? On
retrouve de ces traces épiques même dans les expressions. Par exem-
(10) Taché L. H. — La poésie française du Canada p. 223.
(11) Ma Saberdache, vol. 2 p. 217 "Stances sur la guerre de 1812'
(12) Ma Saberdache, vol. 4. "Hymne aux Canadiens."
(13) LaRue H. — Le Foyer canadien vol. III p. 65.
58 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
pie, on utilise souvent la comparaison descendant de l'homme aux
animaux :
"Yankees {ce n'est pas un terme de la comparaison)
Yankees, si vous bronchez là-bas.
Ils iront rencontrer vos pas;
Pas canadien, c'est pas de grue,
Pas de Yankees, pas de tortue . . .(14)
Cette rudesse verbale provenant d'une conviction toute fruste se
retrouve dans cette bravade qui semble bien sortir d'une armure du
moyen âge:
"Vous sentirez, cannibales.
Si la mort a des attraits." {\ 5)
Chateauguay serait facilement devenu notre Roncevaux et Sala-
berry, notre Roland. Mais il y a une légère différence . . . d'ordre
historique. C'est que Chateauguay pour nous a été une brillante vic-
toire de trois cents Canadiens contre huit mille Américains. Pour un
auteur qui a des lettres, et nos poètes n'en manquaient pas, la compa-
raison s'établissait d'elle-même:
Oui! trois cents sur huit mille obtinrent la victoire
"Ici, les Canadiens se couvrirent de gloire;
Passant, admire-les . . . Ces rivages tranquilles
Ont été défendus comme les Thermopyles;
Ici Léonidas et ses trois cents guerriers
Revinrent parmi nous cueillir d'autres lauriers." (16)
Tout le récit de cette "Victoire de Chateauguay" de Mermet
emprunte d'ailleurs la trompette épique. Le poète apparemment
affectionne cette évocation antique puisqu'il la reprend à l'occasion
d'une visite qu'il fait à son héros à Chambly. Il nous en a laissé ce
portrait multiface, fort érudit:
"Au camp Léonidas, aux champs Cincinnatus,
Thémistocle au conseil, à table Lucullus. . ."(17)
On pourrait difficilement souhaiter davantage!
Cette poésie teintée de merveilleux chrétien et chantant les héros
de la patrie trouve maintes raisons de défendre le sol des aïeux, le
foyer, la famille. Mères, filles, épouses s'unissent en une prière ardente
pendant que
"L'époux doit s'arracher des bras de la tend? esse;
Il bénit au berceau l'enfant qui le caresse.
Adieu, dit-il, adieu! je vais vous secourir;
Pour vous, je vais vaincre ou mourir.
Je suis époux et père et je dois vous défendre." (18)
(14) Id. Ibid.
(15) Taché, L.H. — La poésie française au Canada p. 10.
(16) Huston — Le Répertoire national — "La Victoire de Chateauguay
Vol. I. p. 95.
(17) Id. Ibid.
(18) Ma Saberdache, vol. 4, "Hymne aux Canadiens".
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 59
Même dans les malheurs qui affligent leur patrie et
leur famille, ces poètes restent français: ils conservent aux plus som-
bres moments leur gaieté proverbiale. En effet, cet "Hymne aux
Canadiens" chanté plutôt sur un mode mineur adresse à l'Américain
ce trait vainqueur:
"On chante sur nos bords quand sur les tiens on tremble." (19)
Le poète trouve en effet d'autres cordes que la corde d'airain et
il sait rire à l'occasion, lorsqu'il visite Salaberry par exemple qu'il ra-
conte l'engagement de Sackett's Harbour:
"Point de retraite
Comme à Sackett
Honte qui montre aux combats
Ses pays bas!" (20)
A ces thèmes généraux on peut ajouter la description des maux
qu'apporte la guerre. A cet égard, rien de particulier à noter puisque
les poètes ont déploré à l'envi les horreurs et les ruines qu'entraîne
"la pompe homicide."
Enfin la paix revint entre les deux pays et nos Apollons abandon-
nèrent la trompette d'airain pour le rustique chalumeau. Dans le
Spectateur du 16 mai 1815 on trouve un poème curieux intitulé:
"Soliloque d'un enfant de Cérès sur la saison et les affaires présentes
du Canada" ; il commence par un souvenir de rancune:
"L'Américain jaloux en vain dans sa folie
A-t-il voulu troubler une si douce vie. . ."(21)
L'enfant de Cérès continue sur ce ton à déplorer les méfaits du "fier
dieu des combats." D'autres poètes conseillent de se tourner vers des
oeuvres de paix:
"Dignes soutiens de la patrie
Vous qu'on voyait dans les combats
Hasarder mille fois la vie
Et braver même le trépas.
Canadiens à vos amantes
{Vous leur devez ce juste prix)
Donnez vos mains encore fumantes
Des flots de sang des ennemis." {22)
Il faut croire alors que le sang de ces féroces Américains était
agréable aux jeunes amantes Canadiennes puisque les guerriers allaient
à elles sans laver leurs mains . . . "des flots de sang ennemi".
Un autre exemple assez curieux de notre poésie des débuts du
XIXe siècle et qui plaira sûrement aux amateurs de littérature com-
(19) Id.
(20) Id. vol. 5 p. 100.
(21) Le Spectateur, 16 mai 1815.
(22) Id. 7 mars 1815 "Couplets sur la paix".
(23) Id. 9 mai 1815 "Tableau de la cataracte de Niagara après la bataille
du 25 juillet 1814.
(24) Id.
60 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
parée est une description des chutes Niagara par Joseph Mermet à
rapprocher du court tableau en prose qu'en fait Chateaubriand.
La description de notre poète est écrite après la bataille du 25
juillet 1814, soit donc treize ans avant la publication du Voyage en
Amérique, mais douze ans après le Génie du christianisme qui abonde
aussi en descriptions américaines.
L'oeuvre canadienne commence par un récit animé de la bataille.
Du vacarme des combats le poète passe naturellement au bruit de la
cataracte altière:
"Emus, nous admirons ces pyramides d'eau.
Les sommets écumeux d'un déluge nouveau;{23)
c'est là qu'on voit les soldats canadiens suspendre leurs combats pour
admirer les chutes; le poète les compare d'une façon assez inattendue
aux Grecs, près des murs d'Ilion, reposant leurs armes pour s'extasier
sur les rives du Xanthe, devant l'Ida sourcilleuse. Ces souvenirs de
l'antiquité païenne de la Grèce et de l'Egypte sont suivis d'une superbe
profession de foi:
"Ici, c'est de Dieu seul que je vois le chef-d'oeuvre
Cet aspect merveilleux m'inspire un saint effroi;
Pour être tout à lui, je ne suis plus à moi! {24:
Le poète "frémit avec l'eau et tremble avec le roc". Puis, c'est la
nuit qui vient et "la frappante beauté se transforme en horreur".
Devant ce spectacle grandiose, sous les étoiles, au milieu de "ce calme
que fatigue un murmure éternel, le poète est ému et avoue que "Tout
ici parle à l'âme et la met dans les deux".
En somme, ces deux descriptions de Mermet et de Chateaubriand
sont bien de leur époque et manifestent la recherche de Dieu dans les
phénomènes de la nature. Il est indéniable cependant que pour une
fois la prose l'aura emporté en poésie sur la versification.
Jusqu'à présent, toutefois, les poètes canadiens ont semblé épar-
gner Boston; ils ont attaqué l'envahisseur américain, mais le Massa-
chusetts peut aisément se disculper pour n'avoir pas fait partie de
l'entreprise. Pourtant les Bostonnais ne s'en tireront pas à si peu de
frais et je relèverai au moins deux oeuvres qui osent s'en prendre à
eux.
La première est une satire de Michel Bibaud contre l'intolérance,
la rage fanatique et la persécution. Elle évoque le tragique décès de
Suzanne Martin, mère d'une nombreuse famille, que vous devez con-
naître mieux que moi. Mais, dit le poète, au déshonneur du peuple
de Boston, "pour crime de sorcellerie, elle finit ses jours sur le bûcher.
Vaut-il la peine d'essayer de prendre le poète en erreur? Après tout,
ce n'est pas un historien et il saura toujours se retrancher derrière les
licences poétiques. Cependant, disons que pour la bonne réputation
de nos hôtes, Suzanne Martin n'était pas de Boston, mais d'Amesbury,
licence assez considérable, qu'elle subit deux procès à Salem, l'un en
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 61
1669 OÙ elle fut acquittée et l'autre en 1692 où elle fut condamnée.
L'un des faits semble correspondre exactement chez le poète et chez
l'historien. Le premier dit:
"A l'entière cité Suzanne était aimable ." {2b)
Le second confirme par la bouche d'un témoin au procès: "Suzanne
Martin, un dimanche soir, s'est introduite dans ma chambre par une
fenêtre et elle s'est étendue sur moi pendant près de deux heures, sans
que je puisse ni parler ni bouger . . ." (26) Le pauvre homme! Et
quelle sorcière!
L'autre licence poétique tient à un détail peut-être insignifiant
pour nous mais important pour Suzanne. Au lieu de monter glorieu-
sement sur le bûcher comme Jeanne d'Arc, elle est ignominieusement
descendue d'un échafaud le 19 juillet 1692. C'est moins poétique!
Quoi qu'il en soit, les Bostonnais se sont lavés encore facilement
de cette accusation de fanatisme. Mais j'ai gardé pour la fin le venin.
Cette fois, ils ne peuvent nous échapper et l'on va enfin connaître les
réactions des poètes canadiens-français à l'égard des citoyens de la
capitale du Massachusetts:
"Après un grand dîner qu'on donnait à Boston,
Chacun se trouva pris du hoquet à la mode.
Chacun de l'air le plus commode
Exhalait ses vapeurs, rendait le même son.
Les dames même en faisaient leur chanson.
Pris d'un combat naval on raconta l'histoire.
On disputa, mais sans cesser de boire;
Et le ho-quet coupait les arguments:
C'était des mais, des si . . . c'était un bruit de foire;
Oui! s'écria l'un d'eux, nous eûmes la vic-toire,
La mer - est le plus beau - de tous les . . . élémens;
Nous y trouvons . . . la fortune et ... la gloire.
Morbleu, dit un Français, c'est bien facile à croire,
Puisqu'à vos tables même, on dispose des vents." (27)
Avait-on servi ce jour-là ces fameuses "Boston Beans"?
Et voilà! Nous en avons assez relevé sur le dos de ces pauvres
Américains. Si l'on se tournait un peu maintenant vers ces poètes
mêmes pour voir si à leur tour ils ne méritent pas quelques reproches.
D'abord, quels sont leurs titres à la poésie? Nous ne parlerons
pas de chansonniers, versificateurs d'occasion. Parmi les autres, Joseph
Quesnel était marchand de village, Joseph Mermet, officier de car-
rière, Michel Bibaud, professeur et historien. Bédard était politicien,
et Turcotte, industriel. Plus tard les Muses dédaigneront ces humbles
métiers et n'habiteront plus que chez des notaires ou des avocats.
(25) Bibaud, Michel — Epitres, satires, chansons 1830 — "Le fanatisme".
(26) Burr, G.L. — Narrative of the Witchcraft Cases, 1648-1706.
(27) Ma Saberdache, vol. 5 p. 161.
62 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Ces poètes ont écrit autres choses que des chansons, des hymnes
et des odes militaires; mais vous avez déjà reconnu les défauts de ces
sortes d'exercices d'écoliers: enflure, pédanterie, préciosité, goût de la
cheville et de l'inversion, l'emploi d'une mythologie vieillotte si pro-
fondément en désaccord avec l'âme ardente de cette jeune nation
canadienne. Ecoutez le son étrange de ces vers en pleine forêt de
Chateauguay :
"Mars apprête son casque et Pallas son égide." (28)
Il faut une imagination bien sèche pour ne trouver que cette évoca-
tion caduque en face de la masse d'eau immense du Niagara:
"C'est le miroir ardent dont le cristal épais
De l'amant de Thétis réfléchit les attraits. {29)
De telles images abîment cette poésie déjà gâtée par l'abus de péri-
phrases usées. Qui a déjà vu des Naïades dans les ondes du Niagara?
Elles y seraient fort mal à l'aise pour effectuer leurs jeux élégants.
Les canons sont les "bronzes tonnants". Le "fer de Mars" c'est-à-dire
l'épée ne servait plus guère à l'époque de l'artillerie. On a même
cherché à acclimater sur nos bords Pégase, Pomone, Démona. Ils n'y
ont heureusement pas vécu.
A côté de ces défauts, on pourrait relever l'absence de certaines
qualités essentielles à la poésie qu'on est aujourd'hui habitué de con-
sidérer comme un mode de connaissance émotionnelle, par qui le
monde est appelé "à naître une nouvelle fois." (Maulnier) Il lui
manque certes cet "état de transe" dont parle Mounin. On voudrait
aussi plus de souplesse et de variété dans le rythme, plus de richesse
dans le vocabulaire. Cette poésie est lourde; elle tourne autour de
l'idée, l'amplifie par les procédés d'une rhétorique trop raffinée; elle
se hâte trop lentement. Le compte exact des syllabes est là mais
l'inspiration en est absente. La poésie qui pour nous est une combi-
naison d'intelligence, de sentiment et d'art devient chez eux une affaire
de raisonnement, de ressentiment et d'artifices. Il ne faut pas oublier
que ces versificateurs sont les contemporains de l'abbé Delille, de Jean-
Baptiste Rousseau, de Népomucène Lemercier et de Lebrun Pindare,
pour lesquels on n'a jamais été bien tendre en France. C'est ainsi
qu'on les a appelés les petits poètes en les opposant à ceux du siècle
précédent et suivant.
Par contre, lorsque nous aurons décidé de ne pas rechercher de
lyrisme en cette poésie nous trouverons peut-être certains motifs d'in-
dulgence envers ces poètes du début du XIXe siècle. Ils ont produit des
oeuvres militantes, belliqueuses même. Ou bien ils défendent une idée
ou leur territoire, ou bien ils attaquent un ennemi politique ou littéraire.
Ils n'ont pas le loisir de s'étudier et de se raconter.
D'ailleurs, ils vivent au milieu d'un peuple peu nombreux, dont
la population mal instruite n'atteint pas les cent mille. Le siècle qui
"(28) îd. vol. 5 p. 146.
(29) Le Spectateur, 9 mai 1815.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 63
les a vu naître n'était guère propice à l'inspiration ni à la production
poétiques. Ce fut un âge de fièvre et de combat troublé par les pas-
sions politiques^ travaillé par les idées révolutionnaires. Après la guerre
de Sept Ans, c'est la lutte pour la conquête des libertés religieuses,
parlementaire et civile ; puis c'est en deux occasions la reprise des armes
pour la défense du territoire. A cette époque les discours seuls rete-
naient l'attention. On écoute Papineau; on n'entend guère Bibaud.
Ce petit peuple abandonné sur les bords du Saint-Laurent se demande
avec anxiété qui va l'emporter dans la partie oii se joue son existence
nationale.
Les sources de cette poésie sont si desséchées que vingt ans plus
tard on chantera encore les braves Voltigeurs:
"Demi-dieux par le coeur et géants par la taille.
Ils tordaient dans leurs bras l'Amérique en arrêt!" (30)
et leur vaillant colonel qu'on n'a pas encore oublié:
"Sur ton front où Bellone avait tracé des rides
Et l'immortalité." (31)
On parle bien de Bellone encore mais on sent qu'il y a quelque chose
de nouveau dans ces vers; ces "demi-dieux par le coeur" et "géants par
la taille" indiquent l'emploi nouveau d'une image ancienne. Ce rejet au
second vers de "Et l'immortalité" manifeste bien que sur les bords du
Saint-Laurent comme sur les rives de la Seine on essaie de briser ce
grand niais d'alexandrin. D'ailleurs, en ce rapprochement du "coeur"
et de la "taille", en ce "tordaient dans leurs bras l'Amérique. . ." en
cette juxtaposition des "rides" et de "l'immortalité", on reconnaît sans
peine l'auteur qui publiant en France cette même année 1835 ses
Chants du Crépuscule. C'est le romantisme qui s'introduit enfin dans
la citadelle de Québec et qui changea la face de l'art poétique français
au Canada. .
La poésie des années 1800 se serait donc perdue en des disserta-
tions morales très laborieuses, en des épitres et des satires à la Boileau,
bref en des sujets abstraits et en des vers plus abstraits encore, sans la
visite armée des Américains qui ont ainsi eu l'honneur, comme les Sar-
rasins en France, d'avoir éveillé la poésie dans la Nouvelle-France.
(30) Huston — Le Répertoire national. J. Phelan "A Salaberry" 1835.
Vol. I p. 342.
(31) Id. Ibid.
64 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
(II)
Noies pour servir à une Bibliographie
franco-Américaine *
(Gabriel Nadeau)
Le bibliographe bien connu Edward-Larocque Tinker, exposant
les raisons qui l'avaient amené à compiler un répertoire des écrits
louisianais, s'exprimait ainsi: "Comme l'usage d'écrire en langue fran-
çaise a réellement cessé en 1900 dans la Louisiane et que cet usage ne
reviendra plus, le moment est venu de faire l'inventaire des restes
littéraires «de ce pays»." ( 1 )
S'il fallait attendre que la langue française fût disparue en Nou-
velle-Angleterre pour inventorier nos restes à nous, c'est à une autre
génération que cette tâche serait dévolue. Mais est-il essentiel qu'une
langue soit morte pour faire le détail de ses productions? Je ne le
crois pas, car autrement ce serait se priver de moyens d'enquête très
utiles. Une bibliographie exige des recherches soignées et minutieu-
ses; c'est pendant que la langue se parle et s'écrit encore qu'il faut
s'occuper d'assembler les matériaux d'une oeuvre aussi importante.
Définition
Mais que je définisse d'abord ce que j'entends par bibliographie
franco-américaine. Le mot de "franco-américain" prête à confusion,
je l'admets volontiers, et on l'emploie dans des sens bien différents.
Appliqué à la bibliographie, le plus souvent il englobe les ouvrages
américains se rapportant à la France, les ouvrages français se rappor-
tant aux Etats-Unis et les ouvrages américains traitant des groupements
français d'Amérique. M. Médard Carrière et ses collaborateurs, par
exemple, intitulent Franco-American Studies un des chapitres de la
recension bibliographique qu'ils publient chaque année, et ils donnent
à cette rubrique son sens le plus étendu. (2) Pour d'autres, un impri-
mé franco-américain peut vouloir dire aussi bien un ouvrage du Cana-
da français qu'un ouvrage français de la Nouvelle-Angleterre. Prenons
un titre comme Franco-American Review et son équivalent de Revue
franco-américaine. En 1908, Joseph-Léon-Kemner Laflamme fon-
dait la Revue franco-américaine qui parut jusqu'en 1913. (3) En
1936, paraissait aux presses universitaires de Yale une autre revue qui
s'appelait, elle, Franco-American Review et portait en sous-titre Revue
franco-américaine. (4) Or ces appellations identiques désignaient des
choses différentes. La revue publiée par Laflamme s'intéressait uni-
quement aux Canadiens-français et à leurs descendants des Etats-Unis,
* Travail lu au Congrès de la Modem Language Association tenu à Boston en
décembre 1952.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 65
tandis que celle de Yale avait pour objet l'histoire des relations cultu-
relles et politiques qui rattachent la France et les Etats-Unis.
Pour l'instant il ne semble pas possible de trouver un titre qui,
clair et concis à la fois, serrerait mon sujet de plus près. Le mot de
Franco-Américanie, créé récemment pour désigner la population de
sang français vivant en Nouvelle-Angleterre, deviendra-t-il d'usage
assez courant pour justifier le sens particulier que j'emploie? Il est
impossible de le prévoir.
Par Franco- Américains donc j'entends les Américains dont l'as-
cendance canadienne-française ne va pas au-delà des premiers jours de
l'émigration. Ils sont établis surtout en Nouvelle-Angleterre, dans
l'Etat de New- York, dans l'Ouest mitoyen. Se trouvent en dehors de
cette définition les Louisianais, les Français venus directement de
France, les Suisses romands, les Wallons, et une bibliographie franco-
américaine dans le sens que j'ai indiqué laissera de côté les écrits rela-
tifs à ces groupes-là. Un tel inventaire ne s'occupera pas non plus
de la participation de la France à la Guerre de l'Indépendance ni des
établissements français dans l'Ouest et le long du Mississippi qui remon-
tent à la période coloniale.
Travaux déjà parus
La bibliographie au sens restreint que je viens de lui donner n'est
pas un domaine tout à fait inexploré. Des essais ont été tentés qu'il
convient de signaler.
1 - Les répertoires généraux. Parmi ceux-là peu sont dignes de
mention. Jacques Ducharme en a publié un sous le titre de Biblio-
graphy of Franco-American Literature dans son ouvrage The Shadows
of the Trees, paru à New-York en 1943. (5) . Mais cette liste, simple-
ment énumérative, est dépourvue de tout appareil scientifique. Ce
n'est pas même ce qu'on appelle en anglais un check-list.
La compilation de la Soeur Marie-Carmel Therriault en 1946
pour sa thèse sur la Littérature française de Nouvelle-Angleterre, bien
que mêlée de titres étrangers, est plus complète. (6) La thèse du pro-
fesseur Alexandre Goulet, parue à Paris en 1934 sous le titre d'Une
Nouvelle-France en Nouvelle-Angleterre, contient une bibliographie
générale de quelques pages dont une partie seulement concerne le sujet
qui nous occupe. (7) Il en est de même de celle de Josaphat Benoit,
L'Ame franco-américaine, parue comme l'autre à Paris en 1935. (8)
Mentionnons pour mémoire la thèse encore manuscrite de Mme
Frédéric Dupré, de Worcester, thèse présentée à McGill en 1935 en
vue de la maîtrise sous le titre de la Survivance française en Nouvelle-
Angleterre. Elle comprend une liste de franco-americana.
En 1944, dans les pages du Canado- Américain, M. Adolphe
Robert, président général de l'Association canado-américaine, avait
entrepris un inventaire de la Collection Lambert, qui malheureusement
66 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
n'a pas été mené à bonne fin. (9) Cet inventaire énumérait des auto-
graphes, des manuscrits, des imprimés, des albums de photographies.
Les imprimés comprenaient des programmes de théâtre, des menus de
banquets, mais surtout une liste de journaux et de revues. Comme la
Collection Lambert contient un grand nombre d'ouvrages exclusive-
ment canadiens, le travail de M. Robert n'était pas à proprement parler
•-- "» bibliographie franco-américaine; mais il aurait été quand même
des plus utiles et on doit regretter qu'il n'ait pas été mené au-delà des
revues et des journaux.
2 - Les répertoires spéciaux.
a - Les journaux. Parmi nos imprimés ce sont les journaux et
les revues qui ont surtout intéressé les chercheurs. Le premier à en
dresser la liste fut Alexandre Belisle dans son Histoire de la presse fran-
co-américaine, parue en 1911 et qui sera toujours consultée avec profit.
(10) Mlle Lienne Tétrault reprit le sujet sur un autre plan en 1935
pour sa thèse de doctorat qu'elle intitula Rôle de la presse dans l'évo-
lution du peuple franco-américain de la Nouvelle- Angleterre. (11)
On trouve dans cet ouvrage une liste chronologique des journaux pu-
bliés dans les états de l'Illinois, du Michigan, du Minnesota, de New-
York et de la Nouvelle-Angleterre.
Dans la Justice de Holyoke, M. Maxime Frenière, à diverses épo-
ques, a fait paraître des études assez fouillées sur nos journaux, études
qui auraient dû être recueillies en volume parce qu'elles sont introu-
vables aujourd'hui dans les colonnes de cet hebdomadaire. (12)
Pour finir mentionnons trois autres répertoires. Le premier a
paru à Ottawa en 1913 sous le titre de French Newspapers of Canada
and the United States. C'est une plaquette de 93 pages. (13) Le
deuxième, d'une consultation indispensable celui-là, fut publié en 1937
par Winifred Gregory sous la direction d'un comité formé par la
Bibliographical Society of America et il a pour titre: American News-
papers, 1821-1936. A Union List of Files Available in the United
States and Canada. (14) Dictionnaire très volumineux, cet ouvrage
énumère par état ou province les journaux de chaque ville, et chaque
article comporte un court historique du journal et désigne les endroits
oii les collections sont conservées. Si ces collections sont incomplètes,
les manques avec leurs dates sont indiqués. Le dernier répertoire,
d'une importance moindre pour nous, détaille les revues et les pério-
diques. Publié aussi par Winifred Gregory sous la direction d'un
comité de l' American Library Association, il s'appelle Union List of
Sériais in the Lihraries of the United States and Canada. Il a paru en
1927, avec un supplément en 1931 et un autre en 1932. (15)
b - Les auteurs. Il y a quinze ans l'Université de Montréal fon-
dait l'Ecole des Bibliothécaires, dont le diplôme comporte la prépara-
tion d'un travail bibliographique. L'élève choisit généralement un
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 67
écrivain, mort ou vivant, et il établit sa bibliographie, c'est-à-dire la
liste de ses oeuvres et celle des écrits qui les concernent. Une biogra-
phie accompagne ce répertoire qui porte alors le titre de bio-bibliogra-
phie. Il existe au moins trois bio-bibliographies d'écrivains franco-
américaines, exécutées par des diplômés de l'Ecole des Bibliothécaires:
celle d'Edmond de Nevers par Raoul Trudeau en 1944, celle du Dr
Georges Boucher par Thérèse Roch en 1946, celle enfin de Louis Dantin
par Marcel Mercier en 1939. Cette dernière seule a été publiée. (16)
Les deux autres sont conservées aux archives de l'Ecole dont elles
sont la propriété.
Les matériaux
Où découvrira-t-on les matériaux dont la description raisonnée
constituera cette bibliographie franco-américaine? "Je suis allé à l'in-
térieur des terres, écrivait Tinker après avoir complété ses recherches
à la Nouvelle-Orléans, et là, dans les greniers, dans les écuries, dans
les abris qui prenaient eau de tous côtés, j'ai trouvé d'autres matériaux,
en particulier des collections de journaux de paroisses imprimés en
langue française, qui étaient exposés à devenir la pâture des termites
omnivores". (17)
Tinker, comme Philéas Gagnon et d'autres encore, s'était fait col-
lectionneur pour devenir bibliographe. A ces recherches préparatoires
il consacra douze années. Je ne crois pas qu'une enquête poursuivie
par la Nouvelle-Angleterre, dans les caves et les greniers, rapporterait
bien des fruits, même dans le Vermont où les Canadiens sont d'extrac-
tion plus ancienne. Les presbytères de nos vieilles paroisses rendraient
peut-être quelques raretés. En tout cas, je conseillerais une méthode
moins pénible d'assembler ses matériaux.
a - Les dépôts de livres. Les premières sources à explorer, il va
sans dire, sont les bibliothèques. Nous n'en possédons aucune qui se
spécialise uniquement dans les ouvrages franco-américains. Les collec-
tions de l'Institut canado-américain de Manchester et celles de la
Bibliothèque Mallet de Woonsocket se composent d'ouvrages à la fois
canadiens-français et franco-américains. Ces deux bibliothèques ce-
pendant sont très riches en jranco-americana, livres, brochures et jour-
naux. Elles sont assez connues pour que je me dispense d'en parler
plus longuement. L'Institut, fondé, comme l'on sait, par l'Association
canado-américaine, n'a pas de catalogue imprimé. Le catalogue de la
Bibliothèque Mallet qui appartient à l'Union Saint- Jean-Baptiste d'A-
mérique fut publié dès 1917. M. Georges Filteau, secrétaire actuel de
l'Union, l'a fait rééditer en 1935. (18)
On pourrait s'attendre à trouver dans nos collèges des collections
au moins élémentaires de jranco-americana. La plupart cependant
n'ont rien ou quasi rien. La collection la plus considérable est peut-
être celle de Rivier, qui se monte à quelques 80 ouvrages. (19)
68 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Chez les Américains, certaines bibliothèques, constituées par des
sociétés historiques, méritent de retenir l'attention du chercheur.
Mentionnons, par exemple, celle de l' American Antiquarian Society
de Worcester, qui recueille tout imprimé se rapportant à l'histoire des
Etats-Unis.
b - Les collections particulières. Il arrive parfois qu'un collec-
tionneur possède sur un sujet déterminé plus d'imprimés que les biblio-
thèques spécialisées. C'était le cas de Tinker pour les écrits de la
Louisiane, de Gagnon pour les canadiana. Nous avons en Nouvelle-
Angleterre quelques collectionneurs parmi lesquels je me permets de
nommer l'abbé Adrien Verrette qui passe maintenant ses acquisitions
à l'Institut canado-américain auquel il a fait don de sa bibliothèque,
le juge Arthur Eno, le Dr Roland Cartier, enfin M. Maxime Frenière
qui a enrichi sa collection de celle de son père.
c - Les librairies d'occasion. Après les bibliothèques les librairies
d'occasion constituent les sources d'information les plus importantes
pour le bibliographe. Certains libraires sont de véritables encyclopé-
dies. Feu Gonzague Ducharme de Montréal, que tous les collection-
neurs du Canada et des Etats-Unis connaissaient, était de ce nombre.
Il gardait une fiche descriptive de chaque imprimé qui lui passait par
les mains. A la fin de sa vie ce fichier avait acquis une telle valeur
que le service des archives d'Ottawa considéra de le faire microfilmer?
d - Les catalogues de libraires et d'éditeurs. Une méthode bi-
bliographique exacte exige de ne décrire que les imprimés qu'on a vus,
de ses yeux vus. Cependant il faut parfois s'écarter de cette règle.
Des ouvrages sont devenus rares, même introuvables. La seule ressour-
ce alors c'est d'en faire la description sur la foi des catalogues de librai-
res ou d'éditeurs, ou sur celle des journaux et des revues datant de
l'époque où ces imprimés ont paru. Ces sources secondaires fournis-
sent aussi des indices qui mettent sur la piste d'ouvrages recherchés.
Gonzague Ducharme a publié un catalogue général de 22685 titres
parmi lesquels on relève des centaines de franco-americana. (20)
e - Les journaux et revues. Je viens de parler du profit qu'on
trouve à dépouiller les anciennes collections de journaux et de revues.
Quelques exemples vont le démontrer. En 1899, Eugène Brault faisait
paraître un recueil de vers intitulé Amicis, petit in- 12 de 60 pages.
Malgré tous mes efforts je n'ai jamais pu mettre la main sur cet ou-
vrage. C'est par une note du Bulletin des recherches historiques que
j'en connais l'existence. (21)
Prenons maintenant le célèbre conte de Bonin, qui aurait été im-
primé à 500 exemplaires au moins ,dont il ne reste plus un seul. Adé-
lard Lambert en possédait un, disparu aujourd'hui de sa collection.
Dans son Journal d'un bibliophile, il nous raconte que cet ouvrage avait
pour titre Les trois voyageurs, qu'il avait été publié à Springfield vers
1884, enfin que l'auteur s'appelait Jules Bonin. (22) La plupart de
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 69
ces indications sont fautives. Mlle Tétrault le décrit ainsi: Le Petit
livre de trois voyageurs, plaquette de 29 pages ,marquée à 30 centimes
et publiée à Willimantic, Connecticut, en 1878. (23) Et voici ce que
j'en lis dans le Travailleur de Ferdinand Gagnon, à la date du 4 avril
1878: "Adressez-vous à Louis Bonin, P.O. Box 629, Willimantic, Conn.
... Ce petit livre vous racontera l'histoire de trois voyageurs arrivée le
mois de janvier 1878 . . . Un livre d'histoire."
Autres exemples, tirés du Travailleur toujours. Le 16 octobre
1874 ce journal fait mention d'une brochure portant le titre suivant:
Constitution et règlements de la Société Saint- Jean-Baptiste de Ware,
Mass., avec préface de l'abbé Charles Boucher, préface que le journal
reproduit en première page. Voilà un franco-americana que personne
ne connaît, dont il ne semble plus exister un exemplaire. Le 18 avril
1878 le journal publie la réclame suivante: "Nous venons de faire
imprimer une vie de Joseph Lepage, avec quelques courtes considéra-
tions morales". Le titre de cette plaquette qui se vend 10 cents se
trouve en page 3: La Vie de Joseph Lepage, ses meurtres! sa conver-
sion! sa mort! Je n'ai jamais vu cette brochure nulle part. Dernier
exemple. Le 7 septembre 1883, le Travailleur annonce que J. B.
Rolland et Fils, libraires de Montréal, publieront prochainement l'Al-
manach des Associations Saint- Jean-Baptiste du Canada et des Etats-
Unis pour 1884. Si cet almanach a paru, il est introuvable aujour-
d'hui.
Mais, dira-t-on, ces imprimés que le temps a emportés ne méri-
taient sans doute pas de survivre et leur perte n'appauvrit pas la litté-
rature. Pourquoi en faire l'exhumation? A quoi il faut répondre que
le bibliographe ne se soucie aucunement de la valeur littéraire ou histo-
rique d'un écrit. Ne faisant pas oeuvre de critique, il doit attacher la
même importance à une plaquette qu'à un gros tome et les décrire
l'un et l'autre avec une minutie égale.
Les cadres de la bibliographie
franco-américaine
Il faut maintenant diviser en catégories les imprimés qui ressortis-
sent à la bibliographie franco-américaine. Deux groupes se les par-
tagent surtout, en marge desquels se placent d'autres ouvrages d'un
classement discutable.
1 - Dans le premier groupe nous réunirons les ouvrages écrits par
des Franco-Américains. Peu importe le lieu de parution, que ce soit
Worcester, Montréal ou Paris, ces ouvrages feront partie de notre
inventaire.
2 - Dans le deuxième, qui comporte bien des subdivisions, pren-
dront place les ouvrages écrits par des étrangers et concernant les
Franco-Américains in toto ou in partibus. Entrent ici les écrits prove-
nant d'auteurs américains, comme ceux de Robert-Cloutman Dexter,
70 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
par exemple, comme la thèse de Bessie-Bloom Wessel, An Ethnie Survey
of Woonsocket, Rhode Island, comme le livre de Jonathan Daniels,
A Southerner Discovers New England; les écrits sortis de la plume
d'auteurs canadiens, canadiens-anglais ou canadiens-français; enfin
quelques ouvrages d'auteurs européens, comme par exemple le mé-
moire de J. B. Geniesse paru à Rome en 1912, Pour aider à la solution
de Questions qui s'agitent aux Etats-Unis et au Canada.
A ce deuxième groupe appartiennent aussi des écrits qui ne se
rapportent souvent que d'une manière indirecte aux Franco-Améri-
cains. Ceux qui concernent la question du rapatriement, par exemple,
la question de l'émigration, celle de la colonisation, le mouvement
annexioniste de 1849; ceux aussi qui traitent du protestantisme, car le
prosélytisme protestant dans la province de Québec est intimement lié
à celui qui s'est poursuivi au sein des groupes franco-américains.
3 - Considérons maintenant quelques ouvrages dont le classe-
ment peut se discuter. Prenons le cas d'un ouvrage écrit par un
Franco-Américain qui a quitté les Etats-Unis pour le Canada. Je cite
deux exemples. Le Dr Joseph Thériault, après avoir exercé sa pro-
fession à Concord dans le New-Hampshire pendant près de 40 ans,
s'en va finir ses jours au Canada. A Montréal en 1929 il fait paraître
un recueil de poèmes. Loisirs et vacances. Au cours d'un séjour en
France, vers 1929, un autre médecin, le Dr Philippe Sainte-Marie de
Springfield, publie à Paris un volume de poésie qui a pour titre En
passant. Quelques années plus tard ce médecin versificateur va s'éta-
blir au Canada. Ces deux livres, celui de Thériault et celui de Sainte-
Marie, appartiennent-ils à la bibliographie franco-américaine? Je
tiendrais pour l'affirmative.
Mais la question peut devenir plus compliquée. Que dire d'un
Franco-Américain qui passe de bonne heure au Canada pour y rester
définitivement? Le poète Robert Choquette, né à Manchester, vit à
Montréal depuis nombre d'années et toute son oeuvre y a vu le jour.
Le P. Ephrem Longpré, né à Woonsocket, a écrit ses livres en dehors
des Etats-Unis. Il en est de même de l'historien Francis Audet, né à
Détroit; de l'abbé Couillard-Després, autre historien, né à Saint- Albans.
Ces écrivains nous appartiennent-ils? Pas du tout, dira-t-on sans
doute. Alors les Américains ont tort de réclamer un romancier comme
Henry James qui, dédaigneux de la culture de son pays, s'exile en
Angleterre pour y exercer son métier d'homme de lettres. Ils ont tort
aussi de compter parmi les leurs le poète T. S. Eliot qui proclame
l'Angleterre pour sa patrie véritable. C'est à Londres qu'il vit; c'est
dans cette ville qu'il écrit.
Et que dire des religieux qui passent du Canada aux Etats-Unis,
des Etats-Unis au Canada selon les volontés de leurs supérieurs? Cer-
tains, une fois ici, y demeurent toute leur vie, comme Henri d'Arles;
d'autres font la navette entre les deux pays. Doit-on, pour notre objet,
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 71
recenser seulement les écrits qu'ils ont fait paraître pendant leur séjour
aux Etats-Unis ou établir leur bilan littéraire total, c'est-à-dire inven-
torier tous les écrits sortis de leur plume? Et ce que je viens de dire
des religieux s'applique aussi à plusieurs de nos journalistes, à Asselin,
à Beaugrand, à Caty, à Turcotte.
4 - Le cas des Franco-Américains qui écrivent en anglais. Leurs
oeuvres, c'est certain, n'appartiennent pas à la littérature franco-amé-
ricaine; mais il ne s'en suit pas qu'elles doivent être rejetées d'une bi-
bliographie franco-américaine. Je donne comme exemples: Jacques
Ducharme, Emile Gauvreau, le juge Albéric Archambault, John
Kerouac.
5 - Le cas d'un Français ou d'un Belge assimilé, devenu franco-
américain. Les écrits de ces Francos d'adoption feront partie de notre
inventaire. Citons Jules Savarin, Louis Tesson, Emile Tardivel, Yvon-
ne Corporon, Henri de Vitry, Henri Perdriau, Jules Jéhin de Prume
(Jehin-Prume), Lucien Carissan.
6 - Le cas d'un ouvrage écrit en anglais par un auteur américain,
mais illustré par un artiste franco-américain. Par exemple : Five Little
Peppers and How They Grew, de Margaret Sidney, illustré par George
Giguère.
7 - Le cas d'un éditeur franco-américain. Ce serait tomber dans
une faute qu'on a reprochée à certains bibliographes que de pousser
la recension jusqu'aux éditeurs et éditeurs-imprimeurs. D'ailleurs,
comme leurs publications la plupart du temps relèvent par leur nature
de la bibliographie en question, une nomenclature à part devient super-
flue. Les ouvrages sortis de la Caron Press de Worcester par exemple.
Quelques-uns cependant ont imprimé des livres que j'appellerais étran-
gers. Il me semble que ces éditeurs peuvent entrer dans notre inven-
taire. A titre d'exemple je nomme ici Achille Saint-Onge de Worcester
qui se spécialise dans les éditions miniatures.
8 - Le cas des ouvrages que des auteurs du Québec font paraître
aux Etats-Unis, ouvrages ne concernant en rien les Franco-Américains.
Exemple: Dumh-Bell, roman d'Anna-B. Montreuil de Québec, publié
à Boston en 1929. Aussi quelques thèses publiées à Washington par
les presses de la Catholic University of America, comme Le Premier
concile plénier de Québec et le code de droit canonique, de l'abbé
Bruno Desrochers.
9 - Le cas des faux franco-americana. Ce sont des ouvrages
d'auteurs canadiens, pas nombreux d'ailleurs. Citons La Voix d'un
exilé de Louis Fréchette, qui porte Chicago comme lieu de parution
mais qui a été publié au Canada. Sous le même chef relevons un cas
inverse, celui d'un Franco-Américain qui donne un lieu d'édition fictif
à son livre: Louis Dantin, Chanson javanaise, 1930, Samarang, Java.
En réalité publié à Sherbrooke.
72 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
10 - Une bibliographie franco-américaine bien faite devrait com-
prendre dans le corps de l'ouvrage ou en appendice une liste des pseu-
donymes.
11 - Les non-parus. Il est souvent utile de connaître ce qu'un
auteur se proposait d'écrire. Quelquefois c'est un manuscrit presque
achevé qui est resté sur le métier; souvent l'ouvrage n'a pas été mené
au-delà d'un brouillon, d'un plan général. Edmond de Nevers, le Dr
Girouard, Bossue dit Lyonnais et d'autres encore ont laissé des manus-
crits.
La méthode
Je n'ai pas le temps de m'étendre sur la méthode à suivre en biblio-
graphie, méthode connue des spécialistes d'ailleurs. Des règles scien-
tifiques rigoureuses la gouvernent, aussi rigoureuses que celles qui pré-
sident à la préparation d'une généalogie. De fait, la bibliographie est
la généalogie des livres.
Un inventaire bibliographique doit comprendre tous les imprimés :
livres, brochures, tirés à part, mémoires, feuillets, feuilles volantes,
articles de journal et de revue.
La description de ces imprimés doit porter sur le nom de l'auteur,
celui de l'éditeur, celui de l'imprimeur, sur le nombre de pages et le
format, sur la date et le lieu de publication, sur le tirage enfin. Pour
les imprimés rares ou anciens, pour les collections de journaux surtout,
l'endroit où on les conserve doit être indiqué. Enfin ces renseigne-
ments seront complétés d'une courte biographie de l'auteur.
Beau programme qui va être difficile d'exécution. Le P. Hugolin
Lemay, auteur d'une vingtaine de bibliographies sur la température,
sur les Récollets, sur les Franciscains, ouvrages qui sont des modèles du
genre, écrivait en parlant de ceux qui voudraient continuer son oeuvre :
"Je souhaite à ces futurs compilateurs, avec beaucoup de constance,
beaucoup de succès. Mais je n'ambitionne point leur tâche. Elle sera
ingrate et je les plains. Ils auront à mettre, sous un nombre considéra-
ble d'écrits anonymes ou signés d'un pseudonyme ou d'initiales très
souvent trompeuses, les noms des auteurs. Puissent-ils y réussir! Et
s'ils n'y réussissent pas, les auteurs inconnus — mais non méconnus —
ne devront s'en prendre qu'à eux-mêmes de l'obscurité dans laquelle
ils seront laissés. Pourquoi n'ont-ils pas signé leurs écrits? oui, pour-
quoi?" (24) Ces paroles du P. Hugolin s'appliquent à celui qui aura
la témérité d'entreprendre une bibliographie franco-américaine.
J'ai parlé plus haut d'une liste des pseudonymes. La recherche de
la paternité en bibliographie générale constitue souvent un problème
ardu. Des chercheurs s'y sont attelés, nous laissant, pour la France
par exemple, une compilation comme le Dictionnaire des ouvrages
anonymes et pseudonymes de Barbier et Billard. En bibliographie
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 73
franco-américaine les livres parus sans nom d'auteur, illégitimes donc,
si on pourrait dire, ne manquent pas. L'identité de celui qui les a
créés et mis au monde est aussi entourée de mystère que l'endroit et la
date de leur naissance. Qui a écrit par exemple Cinquante ans d'acti-
vité paroissiale - Sainte-Anne de Fall River, Mass.? Et la plaquette
Aux Etats-Unis et dans l'Ontario, signée Un Etudiant en médecine,
qui en est l'auteur? La liste de nos imprimés pour lesquels la même
question se pose est interminable.
Un auteur peut avoir ses raisons, quelquefois parfaitement légiti-
mes, de ne pas signer ses écrits ou de se dissimuler derrière un psou-
donyme : chez un religieux la modestie, en politique la peur des repré-
sailles, parfois la simple couardise. Mais ces motifs ne valent plus
pour le bibliographe qui a droit de regard sur tout ce qui concerne un
livre.
L'état civil de nos imprimés est souvent défectueux sous d'autres
rapports. C'est le nom de l'éditeur ou de l'imprimeur qui manque, ou
bien la date et le lieu de parution ne sont indiqués nulle part. Deux
exemples entre plusieurs: La Jeune Franco-Américaine, roman paru
sans indication d'éditeur ou d'imprimeur; Notre Vie franco-américaine,
brochure du Comité d'orientation, sans nom d'imprimeur.
Si vous faites remarquer à un auteur qu'une indication bibliogra-
phique manque à son ouvrage, vous vous attirerez parfois une réponse
comme celle-ci: "Je n'ai pas cru ça important parce que tout le monde
le sait". Ce qui me rappelle la réponse de l'habitant à un étranger qui
cherchait le bedeau : "Comment, cher monsieur, vous savez pas ous-ce
qu'est la maison du bedeau! Mais tout le monde sait ça!"
Références
1 — Les Ecrits de langue française en Louisiane au XIXe siècle. Essais bio-
graphiques et bibliographiques, Paris, 1932, 8.
2 — Voir The French American Review, organe de l'Institut français de
Washington.
3 — Publiée à Québec puis à Montréal de 1908 à 1913. En 10 volumes.
4 — Parue jusqu'au printemps de 1938. Deux volumes.
5 — Chez Harper & Brothers. La bibliographie s'étend de 245 à 258.
6 — ■ Parue chez Fides. La bibliographie va de 287 à 314.
7 — Deux éditions dont une édition de thèse qui ne contient pas la préface
de M. Lauvrière.
8 — Parue en deux éditions aussi : une édition de thèse à Paris et une destinée
au commerce, à Montréal, la même année.
9 — Livraisons de janvier-février, de février-mars et de mai-juin.
10 — Publiée à Worcester, Massachusetts, aux ateliers de VOprnion publique.
11 — Deux éditions, dont une de thèse hors commerce.
12 — Signalons les études suivantes:
La presse franco-américaine à Holyoke (12 mars 1931)
Les journaux de langue française aux Etats-Unis (4 mai 1933)
Nos Journaux. Le Jean-Baptiste (15 mars 1934)
Inventaire chronologique des journaux publiés en français dans l'Etat
du Vermont (24 janvier 1934)
Les jounaux de Holyoke (fin septembre 1934)
Les journaux de New- York (novembre et décembre 1934)
Les journaux franco-américains du Connecticut (mars 1936)
74 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
13 — Je n'ai pas eu ce catalogue sous les yeux. II faisait partie de la biblio-
thèque de M. Victor Morin (Cat. 3, février 1951, #2102).
14 — H. W. Wilson Co., New-York
15 — H. W. Wilson Co.
16 — Edition d'auteur, imprimée à Saint-Jérôme. Avec portrait de Dantin.
17 — ■ Op. cit., 8. Tinker est aussi l'auteur de Bibliography of the French
Newspapers and Periodicals of Louisiana parue dans Proceedings of the
American Antiquarian Society d'octobre 1932. Aussi tirage à part en
1933.
18 — Première édition imprimée à la Tribune de Woonsocket, 187 pages.
Deuxième édition à l'Imprimerie Deschamps de Salem, Mass., XVI-303
pages.
19 — Liste fournie par la R. S. Marie-Marguerite de l'Eucharistie que je
tiens à remercier ici.
20 — Catalogue formé de 12 fascicules parus entre 1928 et 1931. A part ce
catalogue général M. Ducharme en a publié un grand nombre d'autres.
21 — Bull. rech. hist., 1900, 232. L'ouvrage de Brault parut à l'Imprimerie
et librairie française et anglaise de Woonsocket.
22 — Pp. 99-100.
23 — Bulletin de la Société historique franco-américaine, 1946-1947, 79-80.
24 • — ■ Bibliographie franciscaine . . . , Supplément, Québec, 1932, 15.
N.B. — La référence suivante, qui se place sous la rubrique des journaux, m'avait
échappé en décembre dernier: Georges-J. Joyaux, French Press in Michigan:
A Bibliography, article paru dans Michigan History, septembre 1952, 260-278.
(III)
"Résumé d'un inventaire franco-américain" *
Adolphe Robert
L'immigration
L'on peut faire remonter la période de l'immigration à un peu
plus d'un siècle, c'est-à-dire à l'époque de la rébellion de 1836-1837,
dans le Bas-Canada, contre la Couronne anglaise. Au dire des histo-
riens, environ 400 familles quittèrent les bords du Saint-Laurent pour
passer aux Etats-Unis. Par la suite, le courant migrateur sera plus ou
moins intense, mais toujours continu et cela jusqu'après la guerre
mondiale de 1914-1918. On peut ramener à quelques données essen-
tielles les causes de cette émigration. D'un côté, les familles cana-
diennes-françaises étaient nombreuses en enfants et ceux-ci ne pouvant
s'établir sur des terres neuves à cause d'une politique de colonisation
à courte vue, ces familles passèrent aux Etats-Unis et trouvèrent dans
l'industrie le pain quotidien qu'elles ne pouvaient ou ne voulaient
demander à la culture du sol. D'autre part, les industriels américains
de la Nouvelle-Angleterre appréciaient cette main d'oeuvre peu coià-
teuse, assidue au travail, foncièrement honnête et d'une morale rigou-
* Texte résumé d'une conférence donnée le 16 avril devant l'Association Cana-
dienne française d'Education d'Ontario, a Ottawa.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 75
reuse. Tous les moyens furent mis en oeuvre pour l'attirer, avec le
succès que l'on sait. Refoulés d'un côté, attirés de l'autre par l'appât
de forts salaires et d'une vie plus aisée, les Canadiens français émigrè-
rent en masse jusqu'à la fin de la guerre de 1918, le courant migrateur
cessant presque complètement vers 1924 pour reprendre un peu plus
tard, mais dans une proportion beaucoup moindre.
Flottements
Une période de flottements, d'hésitations, d'incertitudes, de tâton-
nements a marqué les premières années de l'immigration canadienne-
française aux Etats-Unis.
En général, on ne venait pas ici avec l'intention d'y rester. Le
but de chaque famille était d'amasser le plus d'argent possible, dans le
moins de temps possible, puis de s'en retourner sur la terre ancestrale,
et, avec l'argent mis de côté, établir les fils sur des terres neuves, acheter
du matériel de ferme, libérer l'héritage de quelques hypothèques en-
combrantes. On ne voulait pas bâtir une maison, afin de n'avoir pas
à payer les impôts. On ne voulait pas prendre ses lettres de natura-
lisation, afin qu'en cas de guerre, les fils ne soient pas appelés sous les
drapeaux. Bref, on voulait bien de la vie américaine, mais sans accep-
ter les obligations civiques qu'elle comporte. C'était se vouer d'avance
à une éternelle situation de parias et de tribus errantes. Ajoutons à
cela que les pouvoirs publics au Canada, justement alarmés de cet
exode, fondaient des sociétés de colonisation, entreprenaient des cam-
pagnes de rapatriement et exerçaient une pression continuelle et métho-
dique pour ramener au pays les fils dispersés.
Un homme surgit, qui prit figure de précurseur. C'était Ferdi-
nand Gagnon.
Il résolut de tirer ses compatriotes de la condition sociale inférieure
dans laquelle ceux-ci s'étaient volontairement plongés. Par la parole
et par la plume, mais surtout par la plume, car il était journaliste et
il avait fondé un journal qui s'appelait Le Travailleur, il combattit les
préjugés de ses frères à l'endroit des institutions américaines. Il s'ap-
pliqua surtout à prêcher la naturalisation. "L'élément canadien-fran-
çais, disait-il, ne sera comparativement aux autres nationalités que fort
peu de choses, si ceux d'entre nous qui désirent faire ici leur domicile
perpétuel ne s'empressent point de prendre leurs papiers de naturali-
sation."
La paroisse
A l'appel de Gagnon, les Canadiens français commencèrent à se
fixer définitivement aux Etats-Unis, à faire les démarches nécessaires
76 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
pour devenir citoyens, à édifier une structure sociale. En fait d'orga-
nismes sociaux, l'Eglise était pour eux la base. Ils bâtirent donc les
églises.
Depuis sur un total de 1,416 paroisses, dans les neuf diocèses de
la Nouvelle- Angleterre, les Franco- Américains en ont érigé 427, soit
30.1 p.c, dûment constituées en paroisses nationales, en paroisses mixtes
à majorité franco-américaine ou tout simplement mixtes. Ces paroisses
sont desservies par 970 prêtres franco-américains sur un total de 4,944
prêtres réguliers et séculiers, soit une proportion de 19.6 p.c. (Relevé
de 1949). Lorsque l'on saura qu'une seule de ces églises a coûté
environ $1,500,000, cela donnera une idée de la valeur en tant que
propriété immobilière, des édifices du culte érigés par les Franco-Amé-
ricains. Dans ces églises, les sermons du dimanche, ceux des retraites
surtout, s'inspirent des maîtres de l'éloquence sacrée en France et en
Amérique. Les annonces au prône se font en français, de même les
instructions aux confréries d'hommes et de femmes. Nous avons con-
servé nos prières et nos cantiques. Il sera donc à l'honneur des Franco-
Américains d'avoir eu le souci, dès les premiers jours de l'immigration,
de la conservation de leur foi et de s'être imposé à cette fin les sacri-
fices nécessaires pour la fondation des paroisses, l'érection des églises
et l'entretien de leurs prêtres.
L'école
Mais pour eux la conservation de la langue maternelle devait
marcher de pair avec la conservation de la foi. L'école publique?
On n'y songeait guère, parce qu'on n'y enseigne pas le catéchisme.
Enfin, il n'y avait pas à compter sur les octrois de la municipalité ou
de l'Etat pour le maintien de l'école séparée, contrairement à ce qui
se passe ici dans l'Ontario. D'où la nécessité de fouiller plus au fond
dans le porte-monnaie, de travailler un peu plus, de jouir un peu
moins et l'école s'élèvera à côté de l'église. La province de Québec
fournit les premiers manuels et nous envoya ses religieux et ses reli-
gieuses enseignants. Et c'est ainsi que s'érigea le système éducationnel
des Franco-Américains, lequel comprend aujourd'hui 264 maisons
d'enseignement sur un total de 958 institutions catholiques pour la
Nouvelle-Angleterre seulement ,soit un pourcentage de 27.5. Le per-
sonnel enseignant est de 3,305 instituteurs et la fréquentation scolaire
de 88,097 sur un total de 378,017, soit 23.3 p.c. (Relevé de 1949).
L'enseignement y est toujours dans les deux langvies, anglaise et fran-
çaise, à des degrés divers pour celle-ci. Bien que le bilinguisme soit
considéré par certains comme une absurdité pédagogique, nous en fai-
sons quand même notre affaire.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 77
L'économique
Après avoir pourvu à la conservation de la foi et de la langue
par le moyen de la paroisse et de l'école, les Franco-Américains son-
gèrent à la protection de la famille en cas de maladie, d'accident et
de mort. Ce fut la raison des premières Sociétés Saint- Jean-Baptiste.
Il répugnait à nos compatriotes de faire appel en temps d'épreuve à
l'assistance publique, communément désignée sous le nom de "pauvre
maison". Finir ses jours à la "pauvre maison" était en quelque sorte
une marque de déshonneur. Le rôle des Sociétés Saint- Jean-Baptiste
fut donc de se substituer à l'assistance publique en cas de besoin. Le
moment vint où ces sociétés furent assez nombreuses pour tenir un
congrès; le premier eut lieu à New York, en 1865. Serait-il présomp-
tueux de revendiquer pour la franco-américanie l'honneur d'avoir été
la première à inaugurer la série de ces congrès nationaux qui,
en 1865 à 1901, se sont renouvelés à différents intervalles pour
nous conduire jusqu'au premier Congrès de la Langue française
en 1912, au deuxième Congrès de la Langue française en 1937
et enfin au troisième Congrès de la Langue française en 1952! A partir
de 1896, ces Sociétés Saint- Jean-Baptiste établirent entre elles un lien
fédératif, donnant ainsi naissance à deux de nos principales sociétés
de secours mutuels, groupant plus de 100,000 adhérents, avec une en-
caisse d'environ $17,000,000. Ajoutez à cela une trentaine de caisses
populaires avec un avoir d'environ $30,000,000. Comme couronne-
ment aux oeuvres d'assistance et d'hospitalization, l'établissement de
28 hôpitaux, hospices et orphelinats. En marge de leur comptoir
d'assurance, nos sociétés nationales estiment que la culture française
est, dans l'ordre naturel, la plus propre à affiner l'âme et à lui faire
produire toutes ses valeurs. Elles travaillent donc à la conservation
de la langue française, expression de cette culture.
La presse
Dans la nomenclature des organismes culturels, la presse de lan-
gue française aux Etats-Unis occupe le rang de doyenne. Elle est
antérieure à toutes les autres fondations, puisqu'elle remonte à la
Gazette Française, publiée à Détroit en 1825. La chronologie établit
que plus de 300 journaux ont été fondés par nous aux Etats-Unis.
Il en reste deux quotidiens et dix-neuf autres publications hebdoma-
daires et mensuelles. Ces organes, en outre de fournir à leurs decteurs
l'information à caractère d'universalité, s'appliquent à donner surtout
la nouvelle locale et entre les nouvelles locales, la préférence et l'espace
sont accordés à la vie franco-américaine.
78 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Littérature et vie sociale
Les organismes de base, paroisses, écoles, sociétés, journaux sont
complétés par d'autres organismes dont quelques-uns de fondation ré-
cente: la Société Historique, le Comité d'orientation, la Fédération
féminine, l'Union Internationale des Raquetteurs, l'Alliance des Jour-
naux, l'Alliance radiophonique française, le Comité Permanent de la
Survivance française en Amérique, l'Alliance française, France-Amé-
rique, etc. Certains de ces groupements alimentent la vie sociale
franco-américaine. Les réunions mondaines de ces groupes attirent
généralement une assistance respectable, de bonne tenue. Il est à
noter qu'en matière de relations sociales, c'est la politique du chacun
chez-soi qui semble prévaloir.
La famille
Dans la famille, les pratiques religieuses continuent d'être en hon-
neur. On ne voudrait pas manquer la messe du dimanche. On ne
recule pas devant les plus lourds sacrifices financiers pour embellir le
temple paroissial. On travaille d'arrache-pied, la journée finie, à
organiser les manifestations devant rapporter quelques deniers pour les
oeuvres de charité. Il n'est guère de foyer franco-américain qui
n'exibe dans ses différentes pièces des insignes de piété : crucifix, statues,
images, lampions. L'assiduité aux retraites, les communions en corps,
le grand nombre d'hommes, femmes, jeunes gens, jeunes filles apparte-
nant à diverses confréries sont autant de signes de la vitalité du senti-
ment religieux. Six maisons de retraites fermées alimentent la vie
spirituelle de la famille franco-américains.
La politique
A l'exception de la présidence et de la vice-présidence des Etats-
Unis, de même que la Cour suprême des Etats-Unis, il n'est pratique-
ment pas une fonction à laquelle nous n'ayons accédé. Sénateurs et
congressmen à Washington, gouverneurs et lieutenants-gouverneurs
d'Etat, secrétaires et trésoriers d'Etat, juges de la Cour suprême d'Etat,
et de comtés, maires, échevins, percepteurs d'impôts, maîtres des postes,
prévôts, tous ces postes, nous les avons occupés successivement.
Un peuple
D'après ce qui précède, on est en lieu de conclure que, dans l'en-
semble, les Franco-Américains constituent un peuple distinct au sein
de la nation américaine. Ils sont, en effet, un peuple distinct parce
qu'ils possèdent certains attributs qui les différencient dv^s autres peu-
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 79
pies comme, par exemple, la langue française, laquelle est la marque
distinctive et la raison d'être de leur comportement, la clef de voûte
de leur édifice culturel. Ils possèdent en outre une fête nationale,
un folklore, un capital humain, des institutions, une presse, une litté-
rature, des organismes propres, une identité de culture, de moeurs,
de souvenirs historiques propres, de foi, de sang et un vouloir-vivre
collectif, le tout finalisé par le bien commun de la nation et leur bien
particulier.
Le capital humain
J'ai mentionné au début que l'on évalue à quelque trois millions
d'âmes la population d'origine française aux Etats-Unis, soit un million
et demi pour la Nouvelle-Angleterre et un million et demi pour le
reste du pays. Comme une chandelle qui brûle par les deux bouts,
ce capital humain est aujourd'hui entamé de deux manières. D'abord,
l'immigration canadienne-française ne se fait plus dans une proportion
suffisante pour alimenter et prolonger la survivance franco-américaine.
Il est en outre une population à noms français qui, par suite des ma-
riages mixtes de langue ou de religion, est complètement détachée du
rameau franco-américain. Ces noms français ont fait souche et se sont
transmis de génération en génération. Mais on ne peut les compter
comme foyers f ranco-américains ( parce qu'on n'y parle plus français.
C'est dire que notre capital humain ne peut plus espérer pour son
développement que sur son accroissement naturel par le moyen des
naissances.
L'esprit vs la matière
Les esprits avertis qui suivent l'évolution du peuple franco-améri-
cain sont les témoins inquiets d'un duel entre l'esprit et la matière, dont
l'enjeu est la jeunesse. Notre mystique spirituelle l'emportera-t-elle
sur r"American way of life?" Ici même au Canada, vos sociologues
sont pris de la même inquiétude. Ils constatent que la civilisation
française autonome de 1760, de 1890, cède graduellement le pas devant
le matérialisme américain, donnant ainsi naissance à un nouveau type
d'homme continental. Or, si cela est vrai pour vous, à combien plus
forte raison cela l'est-il pour nous qui vivons plongés corps et âme dans
le maëlstrom d'un grand pays. Ce n'est pas un problème ordinaire que
de se glisser dans le creuset américain avec la volonté d'y conserver
son âme originelle. Cette expérience nous l'avons tentée et réussie
jusqu'ici, parce qu'il s'agissait d'une première et deuxième générations.
Mais que sera la troisième? Née aux Etats-Unis, elle est menacée
d'ignorer ses ascendances françaises. Entre les deux routes, celle de
l'abdication et celle de la survivance, elle sera naturellement tentée de
s'engager dans la première, parce que son inclination de naissance l'y
80 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
pousse et parce que tous les vents soufflent de ce côté-là. Heureuse-
ment que la route de la survivance comporte deux sentiers parallèles
que l'on peut suivre: l'un, dans notre vie propre, au foyer, à l'école,
à l'église, dans les sociétés, dans la presse; l'autre, dans notre vie com-
mune avec tous nos concitoyens, dans les sciences et les arts, la politi-
que, les professions, l'industrie, le commerce, le travail, le sport.
Raisons de croire
C'est pourquoi j'ai des raisons de croire que la jeunesse d'aujour-
d'hui et celle de demain prolongeront notre survivance. Ces raisons
sont d'ordre personnel, d'ordre historique, d'ordre utilitaire et elles
sont en outre basées sur une réalité d'actualité.
Au cours de 44 années de vie franco-américaine, combien de fois
n'ai-je pas entendu ce pronostic: dans 10 ans, dans 20 ans, one ne
parlera plus français aux Etats-Unis. Les années ont passé, les jours
s'écoulent et l'on continue de parler, écrire, chanter et prier en français.
Dans l'ordre historique, peut-on citer le cas d'un peuple de 3
millions d'habitants qui, bien que vivant au sein d'une civilisation
homogène, a perdu ses traits originels? Je ne connais pas de cas
semblables. Au contraire, tout le monde sait que même en France où
subsiste une très vieille civilisation, Bretons, Normands, Picards, Berri-
chons n'ont rien abdiqué de leur idiome provincial et de leurs qualités
natives. La langue d'un peuple est un élément de cohésion, non de
dispersion. Eparpillé sur toutes les plages du monde, le peuple acadien
a reconstitué son unité, avec tout ce que cela comporte de vocables
anciens, de prières, de légendes et de chansons.
Enfin, la réalité des faits nous rappelle qu'en cette année 1952,
malgré un siècle de vie américaine, avec tous les dangers qui s'y ratta-
chent et les défections que l'on déplore, un authentique Américain de
descendance canadienne-française a été jugé digne de présider les
solennelles assises du Troisième Congrès de la Langue française. Il
serait paradoxal de songer qu'un congrès qui a pour objet la conver-
sation d'une langue pourrait être présidé par le représentant d'un
peuple qui voudrait sa disparition.
Et je ne vois guère de meilleur indice de la fidélité franco-améri-
caine à notre commun héritage culturel.
(Reproduit de "Vie Française", Québec).
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 81
(IV)
Quelques aspects du Troisième
Congrès de la Langue française
(Abbé Adrien Verrette)
Le secteur French VIII de la Modem Language Association devait
tout naturellement s'intéresser aux échos du Troisième Congrès de la
Langue française, tenu à Québec, en juin dernier.
C'est sans doute parce qu'à titre de président du Conseil de la
Vie Française en Amérique j'ai eu à diriger ces importantes assises que
l'on me fait l'honneur, en cette séance, de résumer quelques aspects de
cet important congrès.
J'apprécie vivement cette invitation et je me permets tout d'abord
de rendre hommage à ce secteur de la MLA qui s'emploie à faire
mieux apprécier en Amérique, surtout dans les milieux anglophones, la
culture et la langue françaises.
Pour nous, fils authentiques de cet héritage que nous portons dans
nos veines, il est toujours fort agréable de constater le zèle de nos
concitoyens à pénétrer la pensée française et d'en suivre le chemine-
ment sur ce continent. Nous vous disons toute notre joie et notre
reconaissance.
Si nous comprenons bien les buts de votre secteur, c'est l'étude
sérieuse de la langue et de la culture telles que nous pouvons les ren-
contrer en Amérique dans toutes leurs manifestations au cours de trois
siècles. Ces enquêtes, en plus de révéler l'évolution de ce comportement
et de fournir une information technique ou philologique, permettent
encore aux chercheurs de suivre le mouvement de l'influence française
partout où elle a pris racine, et en définitive peut-être favoriser des rela-
tions plus intimes et utiles entre les tenants des grandes civilisations qui
se partagent le rayonnement intellectuel sur ce continent.
Les études et les recherches de votre secteurs depuis 1941 ont
produit des résultats précieux et nous voulons bien leur ajouter le
fruit de notre modeste communication.
On l'a répété tant de fois et sur tous les tons, le congrès fut
une grande réunion de famille au berceau de la race. Des représen-
tants des six millions de parlants français y avaient été conviés.
En plus des heures de profonde réjouissance et de fraternelles
étreintes, on y ferait aussi un inventaire sérieux sur l'état de santé de
l'héritage commun dans toutes ses manifestations, avec l'espoir de
trouver les ferments qui lui donneraient un nouveau rebondissement.
82 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Naturellement cette convocation allait revêtir une atmosphère
de joie profonde avec des déploiements religieux, académiques et
populaires comme rarement la province de Québec en fut témoin.
Des heures émouvantes se déroulèrent et toute la famille, d'un océan
à l'autre, en ressentira une remuante consolation.
Il nous a semblé cependant que l'aspect qui intéressait surtout
la présente réunion serait plutôt un rapide tour d'horizon sur les
assises mêmes du congrès, ses heures d'étude et de résolution.
Le congrès compta cinq sections d'études, à savoir la langue parlée,
la langue écrite, la refrancisation, la survivance et l'éducation patrioti-
que soit une cinquantaine de travaux. Celui de 1937 en avait enre-
gistré plus de 120.
Résumons ensemble ce que les congressistes ont laissé de plus
durable au cours de leurs délibérations.
Disons d'abord que l'une des conséquences très heureuses du
congrès fut la création récente d'une chaire de Civilisation Canadienne
française à l'université de Montréal dont les cours seront inaugurés
le mois prochain, sous la direction de M. Esdras Minville, doyen de
la faculté des Sciences Sociales.
C'est la Société Saint Jean-Baptiste de Montréal à la suite des
succès de son "Ecole de pensée nationale" qui en suggéra l'établisse-
ment en assumant les frais de son administration.
A l'occasion de la signature de l'entente, le notaire Athanase
Fréchette, le principal instigateur disait: "// est à souhaiter que la
création de cette chaire de civilisation nous conduise à l'établissement
d'un secrétariat national, qui serait un centre de documentation et de
recherches indispensables pour la défense de notre peuple sur tous les
fronts et l'expansion de notre civilisation sur le continent américain."
Pour souligner l'importance que l'on veut donner à cet enseigne-
ment, citons le préambule du document qui explique les raisons:
"Afin d'enrichir son âme nationale, au bénéfice de la patrie et
de la foi, le Canadien français se doit de prendre une vue claire et
profonde des valeurs essentielles de civilisation dont découlent son
histoire, son droit et son ordre social et les manifestations principales
de sa vie collective.
"Seule une étude approfondie des principes de cette civilisation
et des raisons qui en justifient la permanence au 20^ siècle peut per-
mettre à nos élites d'en imprégner vigoureusement la vie sociale, éco-
nomique, politique et même religieuse du Canadien français.
Voilà croyons-nous une entreprise, qui, avec les ans, apportera
des lumières d'orientation précieuses à tous ceux qui cherchent à se
renseigner sur le comportement de cette civilisation française qui mar-
que la vie de tant de foyers de chaque côté de la frontière. Elle four-
nira sûrement des élites solides.
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 83
Un enseignement de même portée a aussi été établi à l'université
Laval, à la faculté des Lettres, ce qui devrait fournir un apport consi-
dérable de la part des deux universités françaises de Québec.
Après quinze années de labeurs, le Comité de la Survivance fran-
çaise en Amérique, devenu le Conseil de la Vie française en Amérique
était le premier à reconnaître qu'il n'avait pu exécuter tous les voeux
du congrès de 1937. Aussi c'est avec empressement qu'il accueillait
la présente résolution à savoir:
"Considérant que les voeux émis en détail par le Congrès de 1937
conservent encore leur actualité, particulièrement ceux qui ont trait
à la langue parlée ou écrite au Canada et en Franco- Américanie . . .
le Troisième Congrès de la Langue française émet le voeu:
Que les membres présents et futurs du CVFA gardent sous leurs yeux
les résolutions adoptées par les congressistes de 1937, et qu'ils s'appli-
quent à en assurer la réalisation et la parfaite exécution selon les cir-
constances des temps et des régions."
Les congressistes saluaient avec enthousiasme le projet de la créa-
tion d'un Office de la Langue française au Canada. C'est Mgr Félix
Antoine Savard, doyen de la faculté des lettres, à l'université Laval,
qui le demandait au nom de la Société du Parler français dont on
célébrait le cinquantenaire.
En précisant les buts d'un tel office, Mgr Savard évoquait un
voeu semblable proposé en 1937 par le linguiste éminent, M. Jean-
Marie Laurence.
L'office aurait donc pour but d'unifier la langue, en consacrant
l'usage de certains termes, certaines locutions, particulièrement dans le
vocabulaire des affaires, de l'administration publique, de la finance;
de fournir aux marchands, industriels, techniciens, instituteurs, journa-
listes, etc., l'aide dont ils ont besoin pour vaincre les difficultés aux-
quelles ils se heurtent soit dans la traduction, soit dans la correction
des impropriétés des termes; d'intervenir auprès des corps publics
pour obtenir la rectification d'erreurs que les imprimés, les règlements,
les lois propagent dans le public; de travailler infatigablement à
l'épuration de la langue française au Canada en offrant son concours
bénévole à tous les individus et à toutes les sociétés qui pourraient le
solliciter.
La création d'un tel office s'impose plus que jamais. Le gouver-
nement de Québec a semblé prêter une oreille sympathique à ce voeu
réitéré. Le Conseil de la Vie française en est saisi et une réponse
favorable ne peut pas tarder malgré les frais que peut exiger l'admi-
nistration d'un pareil centre d'information. La Société du Parler
Français semblerait être l'organisme désigné, si nous pouvons lui four-
nir les moyens de fonctionnement.
La Société du Parler Français au Canada avait accepté de pré-
parer les travaux et de diriger les séances de la section de "la langue
84 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
parlée". Une dizaine d'études sérieuses et de facture éprouvée mettait
en pleine lumière le status actuel de notre parler dans tous les domaines.
Ce fut un inventaire sévère. Des maîtres en linguistique ne ménagè-
rent pas leur brillante collaboration afin d'améliorer notre langue.
Les séances de cette section furent probablement les plus mouve-
mentées. A ce sujet, toutes les sections furent fréquentées par des assis-
tances nombreuses et très attentives.
Les titres des travaux et les noms de leurs auteurs en disent suffi-
samment pour attester que les assises du congrès entendaient bien n'être
pas exclusivement des réunions de parlote complaisante.
Certaines affirmations de M. Marius Barbeau au sujet du parler
français en franco-américanie soulevèrent des réactions vigoureuses,
signe qu'il existe tout de même une certaine vitalité chez les Franco-
Américains, malgré toutes les déficiences que nous connaissons.
Celui qui déclancha les réactions les plus animées ce fut M. Pierre
Daviault, linguiste et traducteur à Ottawa. Bien que le texte officiel
de sa communication ne soit pas encore connu, il semblerait que notre
éminent puriste, au cours de son étude sur les "Anglicismes et emprunts
à l'anglais" ait jeté un glas sur la survivance de notre parler français
en Amérique.
Chose inévitable, la presse anglaise s'empressa, "La Gazette"
(Montréal), en tête, d'affirmer que les Canadiens-français avaient
décrété la mort de leur langue.
Bien qu'ayant raison sur bien des points, hélas, M. Daviault n'en-
tendait certainement pas ensevelir la langue qui lui a donné tout son
prestige. Ses déclarations cependant firent sensation et lui donnèrent
les manchettes, peut-être convoitées, de la presse. En tout cas à la
séance académique des pays de langue française, le Très Honorable
Louis Saint-Laurent crut opportun et de son devoir d'affirmer que
"le français n'était pas une langue morte au pays."
La langue parlée demeure toujours une grande préoccupation
chez nous. Il ne faut pas s'en effrayer car notre parler est exposé à
tant d'infiltrations. Mais il est réconfortant de constater que des
mesures sont à l'étude pour obtenir une amélioration sensible dans le
parler populaire en tenant compte des canadianismes et des franco-
américanismes acceptables.
D'ailleurs ce n'est pas à des fervents de la MLA que l'on puisse
apporter de nouveaux mystères sur le problème de la linguistique. Et
quel peuple parle sa langue parfaitement! Il ne faut pas circuler très
loin même au pays pour constater que la langue anglaise n'est pas
précisément pure sur toutes les lèvres.
Il semblerait qu'une formule très pratique serait d'imposer les
mérites de la langue parlée et d'en faire une matière de scolarité se
rattachant à l'obtention du diplôme depuis le primaire et surtout à
l'école normale. Ce projet est à l'étude et le Conseil voudrait bien lui
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 85
donner quelque suite. Nous croyons que les minorités françaises en
Amérique se rallieraient à un tel programme.
En tout cas, il faut reconnaître le travail très utile que poursuit
la Société du Bon Parler de Montréal qui compte des centaines de
foyers de diction et qui entretient une ferveur croissante autour de notre
parler. Malgré tout, il semble exister une nouvelle détermination pour
améliorer notre langue parlée n'en déplaise à ceux qui s'attardent à la
légende douloureuse du patois .
D'ailleurs, le célèbre linguiste de la Sorbonne, M. Charles Bru-
neau n'affirmait-il dans sa lumineuse étude sur "les rapports entre
les parlers provinciaux de la langue commune" , "qu'il n'est pas de
langue, si modeste soit-elle, qui n'ait subi une évolution. La langue
française d'aujourd'hui est l'aboutissement, d'ailleurs provisoire d'une
longue histoire, qui se continue chaque jour et dont nous n'entre-
voyons pas la fin." Et il ajoutait, "je me réjouis de me trouver parmi
des Canadiens qui parlent le français, qui pensent en français et qui
ont le souci de penser juste et de parler correctement."
La radio française au Canada, maintenant officiellement raccor-
dée dans tout le pays va contribuer considérablement à notre bon et
beau parler. Les quatre postes de l'Ouest en proclament déjà des
bienfaits nombreux.
Le 3e voeu du congrès a voulu indiquer cette préoccupation:
"Considérant que la radio française heureusement implantée dans
la plus grande partie du territoire canadien, impose facilement à nos
populations ,tant rurales qu'urbaines, ses modes de parler et que, de
ce fait, elle peut contribuer grandement à relever le niveau du voca-
bulaire et de l'élocution populaire: Considérant aussi que la télévision
sera bientôt, à son tour, un puissant facteur possible d'éducation popu-
laire, le Troisième congrès émet le voeu:
"Que nos postes de radio s'appliquent de plus en plus à soigner
la langue française, en vue de se constituer eux-mêmes les gardiens
et les propagateurs de la culture française au Canada, de l'Atlantique
au Pacifique; que la télévision de demain, respectant les lois de la
morale, devienne aussi une école de bon goût et de bon langage; que
le même souci de culture française anime les producteurs et les propa-
gandistes du film canadien."
La langue parlée fut aussi inventoriée. C'est M. Jean Bruchési,
président de la Société des Ecrivains qui en dirigea le symposium.
Une quinzaine d'écrivains et de professeurs y exposèrent leurs vues
non sans provoquer des précisions.
M. Victor Barbeau demande que dans l'enseignement, le français
soit une substance vivifiante, germe et semence. Mgr Savard déclare
que l'écrivain doit se rappeler qu'il se livre à un "véritable et difficile
ministère dont la grandeur n'a d'égal que le sérieux." Et M. Bruneau
voulut reconnaître aux Canadiens, le droit au génie et le droit à une
86 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
langue canadienne, dont les écrivains peuvent se servir dans leur litté-
rature à condition de respecter le génie de la langue.
Et la discussion reviendra sur la santé de la langue. On demande
des précisions. M. Daviault ne démord pas — ■ "la langue est morte."
Ses collègues viennent à sa rescousse avec des ménagements. On re-
connaît que la maladie est grave mais qu'il y a tout de même des
remèdes à prescrire. Enfin des franco-américaines ajoutent leur mot
qui suscite un nouvel intérêt, Mme Alice Lemieux-Lévesque et Mlles
Michaud et Quintal.
Pour résumer les impressions, M. de Louvigny avoue qu'il faut
parfois dire les choses un peu rudement pour les faire comprendre.
Le Comte d'Harcourt oui entendit tous ces propos aurait dit: "toutes
les ascensions sont au prix de la dureté envers soi-même" . On comprend
que M. Daviault ait voulu maintenir ses positions!
En somme, personne croit à la mort de la langue et tout le monde
comprend qu'il faut travailler sérieusement à son épuration ... et
c'est un peu pour cela que le congrès a lieu.
Aussi le symposium a l'avantage de soumettre des résolutions
sévères et pratiques. On demandera que l'enseignement de la lan-
gue française soit donné avec plus de compétence et que des sanctions
sévères accompagnent la correction des examens sous le rapport de la
langue française.
On ira même plus loin en exigeant une amélioration dans l'ensei-
gnement du français dans tous les collèges classiques en refusant le
titre de bachelier à quiconque ne peut écrire une page en bon fran-
çais ... et pourquoi pas deux. . . .
C'était faire échos aux déclarations du recteur de l'Université
Laval, Mgr Vaudry, qui, au banquet de l'ACELF déplorait amère-
ment la médiocrité de trop de bacheliers qui parlent un mauvais fran-
çais et qui ne l'écrivent pas avec soins.
Tout cela indiquait que le congrès avait provoqué certainement
des réveils salutaires.
Les poètes ajouteront leur témoignage parmi les vivants. A son
déjeuner à la Bastogne, la Société des Poètes, par son président Charles
Harpes, rendra hommage au docteur Georges Boucher, de Brockton,
qui vient de lancer ses dernières harmonies: "Chants du Nouveau
monde."
Le secteur "La Survivance" comportait à son tour de graves exa-
mens, car il ne faut pas oublier ici que la culture française est pour
tous les congressistes une formule de vie et que la langue française est
le véhicule de cette vie.
Tous les groupements français parurent sur la scène pour sou-
mettre un inventaire sans fard. Le procès était sérieux.
MODERN LANGUAGE ASSOCUTION 87
Le T. R. p. Thomas-Marie Landry, o.p. fit lui aussi sensation
dans son étude "Y aura-t-il demain une vie franco-américaine en
Nouvelle-Angleterre"?
Son réquisitoire était sévère et la polémique se poursuit encore.
D'aucuns trouvent le doux religieux trop pessimiste . . . d'autres louent
son courage. Il aurait réveillé des énergies!
Ce que l'éminent religieux affirme est vrai. Nous savons fort
bien que nous vivons dangereusement en Nouvelle-Angleterre. Mais
lui pas plus que les autres artisans sérieux de notre survivance vou-
draient la voir disparaître. Nous connaissons trop bien les nombreux
services que le P. Landry rend au sein de la franco-américanie et au
Comité d'Orientation F. -A. pour douter de son entêtement à faire
fleurir notre fait franco-américain.
Il reste cependant qu'il affirmait: "Hélas! il faut bien avouer,
au train où vont les choses, qu'à la longue, dans le sens où la vie fran-
çaise chez nous semble s'engager, elle finira par ne plus être."
A ce cri d'alarme, il faut bien espérer que des moyens seront con-
sentis pour conserver et améliorer notre situation. Nous avons con-
fiance quand même et le P. Landry aussi.
Mais il ne faudrait cependant pas oublier de noter qu'un nouveau
courant s'accentue au sein de certaines de nos institutions, c'est le
maintien de la culture française sans l'usage de la langue dans nos vies!
Le manifeste "Notre Vie Franco- Américaine" préparé par le
Comité d'Orientation a pourtant établi péremptoirement que la lan-
gue est en fonction de la culture et la culture en fonction de la vie."
Ce document qui a été appelé la charte culturelle des franco-
américains devrait être connu de tous ceux qui étudient le fait fran-
çais aux Etats-Unis.
M. Paul Gouin, conseiller technique auprès du Comité Exécutif
de la Province de Québec dirigea les séances de la "refrancisation",
un domaine qui lui est familier et cher.
Des études remarquables apportaient un nouvel intérêt à ce
problème toujours si nécessaire, de conserver au Québec son visage
français. Aussi importe-t-il de faire pénétrer cette préoccupation dans
tous les domaines et pas seulement dans l'affichage.
Des conférenciers comme MM. Lacourcière, Gauvreau, Morisset,
Léveillée, etc, étaient bien choisis pour faire ressortir les richesses qui
demandent à être exploitées dans le folklore, l'artisanat, les arts déco-
ratifs, l'architecture et la tradition.
Le Congrès avait choisi un thème assez général "notre héritage
culturel"; il comptait surtout intéresser la jeunesse à cette oeuvre, en
fixant son orientation patriotique, un aspect vital dans toute oeuvre
de survivance.
L'ACELF (Association Canadienne des Educateurs de Langue
française) avait été chargée de cet important secteur, "l'Education
88 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
patriotique". Tous les aspects de la formation devaient trouver place
dans cet inventaire. Les séances furent remplies de rapports solides
apportant des solutions et des correctifs efficaces dans le domaine sco-
laire pour se clôturer avec la grandiose manifestation de la jeunesse
au grand colisée, où le chanoine Groulx résumait les conditions de
l'option que doit faire la relève.
Exactement 23 travaux remplirent les huit séances consacrées au
sujet. Si nous relevons des noms comme MM. Minville, Parent, Sa-
vard, Boulanger, Guénette, Cormier, Gauthier, Aube, Barbeau, etc,
c'est pour faire ressortir la qualité de l'effort qui fut déployé et la
justesse des résolutions qui sortirent de leurs propos.
M. Esdras Minville apportera un concours très réaliste lors-
qu'il déclara que l'économique doit contribuer sa part "par une
saine exploitation du milieu naturel pour être en accord avec les exi-
gences permanentes de la vocation humaine et de la culture nationale
canadienne française. A son tour ,cependant, l'éducation patriotique
doit former un foyer intense d'hommes forts, compétents, conscien-
tieux dont le bien commun profitera." Les Canadiens français ont
peut-être trop négligé dans le passé ce double aspect dans leur orien-
tation culturelle.
A dessein, nous avons voulu nous borner à ce bref résumé des
assises du congrès, car c'est bien par elles surtout qu'il aura des lende-
mains fructueux. Cette vue d'ensemble résume le travail très sérieux,
utile et informateur qui s'effectua durant ces journées intenses.
La publication prochaine de trois volumes (compte rendu et
mémoires) avec un album illustré fournira toute cette documentation
considérable.
Si nous allions choisir les cinq ou six tâches qui pressent et qui
devront retenir l'attention et les labeurs des réalisateurs, nous voudrions
songer 1) à l'amélioration de la langue parlée au moyen de nouvelles
exigences dans la préparation au diplôme à tous les degrés; 2) l'éta-
blissement d'un office central de la langue française aux fins préconi-
sées; 3) le développement de l'enseignement de la civilisation cana-
dienne-française par des chaires universitaires et dans les collèges; 4)
l'orientation patriotique de la jeunesse; 5) l'intensification du pro-
gramme action de l'AJC; 6) l'amélioration de la langue parlée à la
radio et à la télévision.
Voilà assez de besogne pour tenir très occupés tous ceux qui veu-
lent prêter leur concours à l'enrichissement de notre patrimoine cul-
turel, pour le faire rayonner en force et en beauté partout où les nôtres
veulent vivre.
On conviendra qu'un petit peuple qui possède la force de réunir
périodiquement, trois fois en quarante ans, autour de la table de famille,
un nombre aussi imposant et brillant de spécialistes et d'apôtres de sa
culture, est certainement engagé sérieusement dans la voie de son
MODERN LANGUAGE ASSOCIATION 89
amélioration. Et c'est bien le mystère de la vie elle-même et le sort
qui est réservé à toutes les valeurs qui ont droit de se prolonger au
service de la société.
Le travail du congrès vient à peine de commencer. Déjà de nom-
breux échos font voir que la semence est tombée en terre fertile. Tous
les résultats ne jailliront pas par enchantement. Quelques-uns seront
lents à germer, mais le bond a été donné et les ouvriers ne manquent
pas.
En remerciant les membres de French VIII de la ML A qui me
fournissent cette occasion de leur traduire la nature et l'ampleur du
travail que poursuit le Conseil de la Vie Française en Amérique,
laissez-moi les inviter, si possible, à une collaboration plus intime.
Elle leur fournira certainement des aspects séduisants dans leurs sym-
pathiques et académiques labeurs, autour d'une culture qu'ils aiment
par choix et que nous portons dans nos vies comme l'héritage indes-
tructible des ancêtres.
IZ
Echos des Sociétés Historiques
La Société Historique de Québec publiait son 4e cahier d'histoire
à l'occasion du Troisième Congrès de la Langue française. La bro-
chure, in-8,32pp, intitulée "Québec et son évolution" était un sujet
bien choisi pour procurer aux congressistes un intéressant résumé histo-
rique de la cité de Champlain. L'essai avait pour auteur Gérard
Morisset, vice-président de la société et très versé dans les archives de
la ville. Le texte est accompagné de vignettes sur le vieux Québec et
comprend les chapitres suivants: la ville se dégage de le forêt, la ville
se hérisse de murailles et la ville grandit quand même. M. Morisset y
ajoute une esquisse biographie des principaux artistes et artisans qui
ont contribué à la configuration historique de Québec.
La société favorisait encore une autre initiative avec la coopéra-
tion de la Commission des Monuments Historiques, avec le dévoile-
ment d'une plaque de bronze dans la basilique de Québec, pour rap-
peler la mémoire de quatre gouverneurs du régime français enterrés
dans la crypte de l'église, Frontenac, Sallières, Vaudreuil et Jonquière.
Des inscriptions évoquant ces noms avaient été détruites lors de l'in-
cendie de la basilique en 1922. L'Honorable Cyrille Delage, prési-
dent de la société présidait, Mgr Alphonse Gagnon, P.D., curé de la
basilique, prononçait l'allocution et S. E. Gaspard Fauteux, Lieutenant
Gouverneur de la Province de Québec, après avoir dévoilé la plaque
remerciait au nom du gouvernement. Tous les officiels du Congrès
assistaient à la cérémonie, jeudi le 19 juin, dans l'après-midi, sur le
parvis de la basilique Notre-Dame.
L'Institut d'Histoire de l'Amérique Française. (Montréal). A
l'occasion de sa 5e Réunion Annuelle, tenue à Québec, le 17 avril,
sur l'invitation de la Société Historique de Québec, pour s'unir un
peu à l'esprit du Troisième Congrès de la Langue française et au Cen-
tenaire de l'Université Laval, l'Institut a fait voir encore une fois toute
la valeur d'un tel organisme, où se rencontrent désormais les spécialistes,
les techniciens et les amis de notre histoire.
M. le chanoine Lionel Groulx, président de l'Institut, prononçait
une remarquable conférence: "Une petite québecquoise devant l'his-
toire: Mère Catherine de Saint- Augustin, religieuse hospitalière de
l'Hôtel-Dieu de Québec." Le président rendait aussi hommage à
l'université qui sut un jour, reconnaître la place de l'histoire du Canada
en confiant sa chaire à un historien de grande classe, l'abbé J. B. A.
Ferland.
Trois études furent présentées: "L'affaire Jumonville", Marcel
Trudel, secrétaire de l'Institut d'Histoire et de Géographie de Laval;
"Papiers de Contrecoeur et autres documents concernant le conflit
ECHOS DES SOCIETES 91
anglo-français sur l'Ohio de 1745 à 1756"^ Fernand Grenier, professeur
au Petit Séminaire de Québec; "L'Acte de Québec est-il la grande
Charte du Canada français", Maurice Séguin.
La Revue d'Histoire de l'Amérique Française entrait dans sa
sixième année, 1952-53, livraisons en mars, juin, septembre et dé-
cembre, soit 610 pages de texte avec un index général, préparé par
Gérard Malchelosse. En plus des études, on y fait aussi la chronique
de l'Institut avec Documents Inédits et une revue critique des Livres
et Revues. Elle a "d'emblée atteint le plus haut niveau des publica-
tions périodiques de l'ancien continent."
L'Institut compte plusieurs sections ou filiales dont La Société
Historique Franco-Américaine. Au nombre de ses membres corres-
pondants sont: J. M. Carrière, University of Virginia, Burton LeDoux,
New York, R. P. A. Dutilly o.m.i., Lowell, Mass., Marine Leland,
Smith Collège, Northampton, Mass., abbé Adrien Verrette, Plymouth,
N. H., Adolphe Robert, Manchester, N. H., docteur Gabriel Nadeau,
Rutland, Mass., docteur Ulysse Forget, Warren, Rhode Island, Agnès
Bureau, Cleveland, Ohio et S. L. Villeré, Nouvelle-Orléans, Louisiane.
Revue d'Histoire de l'Amérique Française. (Trimestrielle).
Abonnement: $5.00 par année; 261, avenue Bloomfield, Outremont,
Québec.
La Société Historique de Montréal tenait ses réunions mensuelles
dans la salle de la Bibliothèque Municipale sous la direction de son
président, Mgr Olivier Maurault, P.D., recteur de l'Université de
Montréal. La Société prépare la publication du premier Registre de
la Paroisse Notre-Dame de Montréal, "Mémorial sacré de nos origines
montréalaises". Mgr Maurault publiait une plaquette illustrée sur
l'histoire de "L'Université de Montréal", une étude qui paraissait dans
Le Cahier des Dix. L'auteur termine dans les termes suivants: "Ainsi
donc, l'Université, établie à Montréal, en 1876, grâce aux efforts inces-
sants de Mgr Ignace Bourget, émancipée en 1919 et complétée par
Mgr Georges Gauthier et ses collaborateurs, régie depuis 1950 par un
puissant Conseil de Gouverneurs, où siègent l'archevêque-chancelier,
le recteur et dix administrateurs, offre à la population étudiante de
la région de Montréal, du Canada tout entier et de l'étranger des cadres
solides et complets, capables de rivaliser avec ceux des meilleures insti-
tutions du continent. Sa devise est: Fides splendet et scientia. Dieu
veuille qu'elle y soit entièrement et perpétuellement fidèle!"
La Société Historique de Saint-Boniface (1902-1952). Sous la
présidence de l'abbé Antoine d'Eschambault, qui la dirige avec succès
depuis 1933, cette société cinquantenaire célébrait son jubilé d'or le
6 décembre, par une journée d'histoire au Cercle Ouvrier et par une
séance académique au collège de Saint-Boniface. On raconte que ce fut
à l'occasion d'une expédition en vue de tracer ou de retrouver les ruines
du fort Saint-Charles, excursion partie du Portage-du-Rat, le 3 sep-
92 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
tembre 1902, que fut fondée sur un petit vapeur, le "Catherine S" la
société cinquantenaire. Ils étaient sept: Mgr Langevin, archevêque,
qui avait inspiré le projet, le P. Blain, s.j., les PP. Cahill, Beaudin et
Thibodeau, trois Oblats et l'abbé Béliveau, le vénérable archevêque de
Saint-Boniface
Dans une étude "Cinquante années de travaux". Marins Benoist
a fait revivre ces années, qui sont parmi les plus intéressantes dans
l'histoire des nôtres dans cet immense domaine du Manitoba. On y
apprend comment des hommes nobles, rivés au sol des intrépides mis-
sionnaires ont recueilli pour les exploiter et les glorifier les gestes des
pionniers de l'ouest.
Le cinquantenaire fut une journée vraiment émouvante. Au
compte des études présentées: "La Découverte du Fort Saint-Charles"
par le R. P. Lucien Hardy s.j.; "Les Richesses de l'histoire manito-
baine" par Régis Lessard; "Les Soixante-quinze ans de la paroisse
Saint-Jean-Baptiste" par l'abbé Sylvio Garon.
A la séance académique, l'abbé d'Eschambault évoqua "Les fon-
dateurs", soulignant la stature géante de ces hommes d'action. Il
s'attarda aux travaux de Mgr Langevin et du juge Prud'homme au
sein de la société. M. Maurice Prud'homme, greffier de la cité, énu-
mérait les publications de la société; les sociétés historiques métisse et
manitobaine apportaient leur hommage et Mgr Baudoux fixait la
valeur de cette vaillante sentinelle franco-manitobaine qui conserve
jalousement tous les échos des devanciers. Les Cloches de Saint-Boni-
face, (revue ecclésiastique et historique) qui publièrent tant de travaux
de la société étaient encore heureuses de faire écho au cinquantenaire
(Cf. Les Cloches de Saint-Boniface, Vol. LU, No. 1, p. 15-24.
L'on se rappelle comment en 1938, après de longues et patientes
années d'attente, grâce à la persévérance de la société, les franco-mani-
tobains et toute la race française d'Amérique se réjouissaient à l'inau-
guration du "Monument La Verendrye" érigé à Saint-Boniface. En
1877, Mgr Taché avait donné un lopin de terre pour ce monument.
Par la voix de son président, la Société Historique Franco- Améri-
caine félicitait chaleureusement la société jubilaire et la remerciait
d'avoir associé le souvenir des franco-américains, qui avaient participé
à la fondation de la paroisse St- Jean-Baptiste, dont on évoquait les 75
ans. Puisse la société continuer ses inestimables travaux et reprendre
le cours de ses intéressantes publications.
Société d'Histoire du Canada. (The Canadian Association).
Société bilingue, mais surtout de direction et d'inspiration anglaise,
cet organisme de caractère national était fondé en 1922, dans le but
"d'encourager les recherches historiques et d'intéresser le public à
l'histoire et plus particulièrement à l'histoire du Canada, générale et
locale.
ECHOS DES SOCIETES 93
Bien qu'elle n'en soit pas la propriétaire, depuis 1947, la société a
accepté The Canadian Historical Review pour publier ses textes et
rapports. Celle-ci est publiée depuis 1896 par l'Université de Toronto.
Au cours de l'année, la société d'histoire tenait un symposium
dans le but de discuter l'affiliation à son oeuvre des sociétés régionales
des secteurs anglais eet français. Il reste que la société, dans son
ensemble, est surtout d'initiative anglaise bien que des canadiens fran-
çais l'aient dirigée. Sir Thomas Chapais 1925-26; Rodolphe Lemieux
1929-30, G. F. Audet 1934-35, Gustave Lanctôt 1940-41, Abbé Arthur
Maheux 1948-49 et Jean Bruchési 1951-52.
Cette année, la société publiait un "Index du Rapport Annuel"
1922-51, volume gr. in-8, 43p. La société publie donc chaque année
un rapport de son assemblée générale. Celui de la réunion du 4 au 6
juin 1952 à Québec, gr in-8, 94 p compte les études: "L'Enseigne-
ment de l'histoire du Canada" par Jean Bruchési; "Les Canadiens
français et la naissance de la confédération" par Jean Charles Bonen-
fant; "Les Urselines de Québec" par Adrien Pouliot s.j. Le président
est Jean Bruchési et le secrétaire français, Antoine Roy.
Dans une entreprise bilingue, il est difficile de toujours mesurer
la part égale. Il faut tenir compte du nombre de ceux qui s'intéressent
à l'oeuvre. Le symposium du mois de juin a tout de même suscité des
considérations utiles. On y discuta le pour et le contre d'un projet
d'affiliation ou de relations plus étroites entre sociétés régionales et la
société nationale. Les témoignages anglais furent sympathiques. Le
Rapport Massey-Lévesque les avait un peu préparés.
Miss Hilda Neatby, de l'Université de la Saskatchewan, elle-même
membre de la Commission Royale Massey-Lévesque les résumait en
disant: "It is now being increasingly recognized that local and régional
history, apart from their intrinsic interest hâve most important con-
tributions to make to national historical studies. This is particularly
true in Canada. In Canada also, it seems évident that gênerai public
interest in national history can most easily be developed through local
organizations. There is ample évidence that those engaged in local
history need and would welcome doser relations with the national
association. I think that ail will agrée on the desirability of more
effective coopération."
Pour sa part, l'abbé Honorius Provost, de la Société Historique
de Québec favorise le projet. Il trouve que dans la même invitation,
préconisée par l'Institut d'Histoire de l'Amérique française, celui-ci y
gagnerait un prestige "bien mérité" mais que les sociétés régionales n'en
retiraient pas un profit substantiel "puisque l'Institut s'adresse surtout
aux historiens de métier et s'occupe surtout de la grande histoire aca-
démique."
Il est évident qu'une affiliation à la Société d'Histoire du Canada
fournirait aux sociétés régionales de grands avantages. D'ailleurs n'est-
94 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
ce pas un peu la coutume de ces organismes de devenir membres de
nombreuses associations d'un caractère plus vaste. De plus, en his-
toire, les buts sont les mêmes et il y a avantage à frayer avec ceux qui
interprètent les faits avec les concepts d'une civilisation différente.
Mais il reste quand même, que la trentaine de sociétés d'histoire
de langue française en Amérique trouveraient un avantage bien parti-
culier et irremplaçable à s'unir ensemble, pour se mieux connaître et
s'entr'aider dans l'étude de notre histoire. Dans tous ces engagements
bilingues, il faut toujours considérer sérieusement la part profitable
qui nous échoit.
Le temps n'est-il pas venu, de la part de l'une de nos sociétés
aînées de convoquer un symposium de cette nature qui nous permettrait
d'étudier ensemble un plan de collaboration plus étroite et peut-être
un solide organisme bien à nous, ce qui n'empêcherait pas une profi-
table collaboration avec la Société d'Histoire du Canada et même une
affiliation à la American Association for State and Local History.
La Société Historique du Saguenay (Chicoutimi) tient logement
à l'Hôtel de Ville même, et jouit aussi d'un octroi municipal, ce qui
est un bel exemple tout à l'honneur de la population. Au cours de
l'année, elle enregistrait des progrès marquants. Son actif portait
les détails suivants: 1,060 documents, 139 cartes et plans, 11 mémoires
de vieillards, 6,715 pages de notes et d'information, 4 volumes de dé-
coupures de journaux, 12 volumes du dossier du procès relatif aux
frontières du Labrador, 1,184 photographies nouvelles, 22 causeries,
7 représentations de films, 83 articles sur l'histoire régionale, 1,054 ré-
ponses à des demandes de renseignements. Son musée se développe
et compte une centaine d'articles et la société compte 361 membres.
M. le chanoine Victor Tremblay, président, dirige la publication du
bulletin.
La Société Historique du Nouvel Ontario. Le 28 avril, au collège
du Sacré-Coeur de Sudbury, Ontario, où elle conserve ses archives et
son secrétariat, cette active société célébrait son dixième anniversaire
par une séance académique. On y accueillait Mgr Félix Antoine
Savard, p.d., doyen de la faculté des lettres à l'Université Laval dans
une conférence: "Trois Ouvrages" et M. Luc Lacourcière, professeur
titulaire de folklore à Laval et directeur des Archives du folklore,
dans une étude "La Tradition". Les Compagnons du Folklore y exé-
cutaient aussi des Chansons du folklore ontarien. S. H. le juge Alibert
St-Aubin présidait.
Au cours des dix ans on relevait le travail accompli: 40 réunions
régulières, 10 soirées publiques, 55 conférenciers invités, 22 documents
historiques tirés à 40,000 exemplaires, 2 éditions hors-collection, 23
spicilèges et albums, 25 enquêtes folkloriques, 6 monographies en pré-
paration, 400 chansons de folklore régional, 182 membres, 41 membres
à vie et 174 souscripteurs.
ECHOS DES SOCIETES 95
Dans la série: Documents Historiques, le No 23 réunissait trois
monographies paroissiales: Bonfield 1886, Astorville 1902 et Corbeil
1920, préparées respectivement par M. Joseph Chamberland, le R. P.
Jean Archambault, s.j. et Marcel Larocque.
On écrivait: "ces trois paroisses du diocèse de Pembroke, possè-
dent des caractéristiques distinctes. Bonfield est un village voisin de
Pembroke, situé à une vingtaine de milles à l'est de North Bay, sur la
voie du Pacifique Canadien. Là encore vivent plusieurs familles dont
les chefs travaillent à Téminscamingue et à North Bay. Astorville offre
l'aspect d'une région agricole très florissante. Et Corbeil compte d'ex-
cellents maraichers qui écoulent leurs produits à la ville voisine."
Ainsi se continue le travail de cette société qui a pour devise: "Faire
revivre notre histoire."
La Société Historique de Rigaud. Cette société obtenait récem-
ment des autorités fédérales la rectification du véritable nom de l'Ile-
aux-Tourtres et non "Tourtes". Elle terminait aussi ses vingt années
d'existence en continuant ses recherches dans la région Vaudreuil-
Soulanges.
La Société Historique de Kamouraska, avec son secrétariat à
Sainte-Anne-de-la-Pocatière, accomplissait un beau geste en publiant
une monographie paroissiale, celle de Saint- Alexandre de Kamouraska,
in- 12, 260 p, 1952. M. Léo-Paul Desrosiers trouve qu'elle "est bien
ordonnée, bien divisée, écrite simplement et nettement. L'équipe des
collaborateurs mérite les plus grands éloges." (Cf. R. d'H.A.F., 1952,
p 456).
La Société Généalogique Canadienne-Française. (Montréal). La
société annonçait récemment qu'elle a établi à la bibliothèque Saint-
Sulpice, à Montréal, un dépôt d'archives: "qui comprendra tout ce
qui a trait à l'histoire de nos familles: livres, brochures, extraits de
revues ou de journaux, cartes, photographies, actes notariés, livres de
raison, textes de toute nature en originaux ou en copies." La direc-
tion publiait en janvier et en juin, les fascicules 1 et 2 du cinquième
volume des "Mémoires", remplis de textes importants sur nombre de
familles.
On a dit avec raison que la Société Généalogique a provoqué un
réveil fort utile autour de la petite histoire, chez nombre de membres,
qui fournissent un apport utile à nos archives. Le Mois Généalogique,
publié avec les dons de membres, maintient l'intérêt dans les secteurs
en faisant la chronique régulière de la société.
Ne possédant pas encore leur secteur propre, les Franco-Améri-
cains ont bien des raisons de se joindre à cette société d'envergure
nationale. Plusieurs des nôtres y sont déjà inscrits. On devient mem-
bre pour recevoir les publications, à raison de $3.00 par année, en
s' adressant à M. Roland J. Auger, 3818, boul. La Salle, Verdun,
Montréal (19).
96
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Institut Canada- Américain (Manchester, N. H.). Filiale de l'im-
portante société mutuelle, l'Association Canado-Américaine, et dirigé
par sa Commission des Archives, l'Institut Canado-Américain continue
le classement des précieuses archives qu'il possède pour en dresser
l'inventaire prochainement. On y continue également la rédaction
du "Fichier Franco-Américain" sous la direction de M. Armand
Verrette.
American Catholic Historical Society of Philadelphia. L'aînée
des sociétés historiques catholiques aux Etats-Unis, fondée le 22 juillet
1884, publiait son LXIII volume de ses "Records", revue trimestrielle.
Le R. P. William Lucey s.j. y inaugurait une longue rescension critique
des "Catholic Magazines" publiés au pays depuis 1865.
Le Bulletin des Recherches Historiques, sous la direction de M.
Antoine Roy, archiviste de la Province de Québec, entrait dans sa
58e année. Une rubrique intéressante, rédigée par G. B. Marquis,
conservateur de la Bibliothèque du Parlement et intitulée "Les Dispa-
rus", réunit de courtes biographies sur les personalités décédées au
cours de l'année.
Au nombre des principaux articles: "Le Fief Jouette", p5-23,
J. B. Gareau c.s.v. ; "Zouaviana, d'après un manuscrit inédit", p 73-86,
135-149, Mgr Emile Chartier P.D.; "La Famille Delesderniers" , pl27-
134, Robert Lionel Séguin.
Abonnement: $3.00 par année — Le Bulletin des Recherches His-
toriques, 2050, Saint-Cyrille, Québec.
Archives de la Province de Québec. Conformément aux disposi-
tions établies par le parlement de la province, chaque année, l'archi-
viste exhume des archives des documents et travaux qui peuvent servir
à l'étude de l'histoire. Au cours de l'année, l'archiviste Antoine Roy
publiait les "Rapports" 30 et 31 des années 1949-50 et 1950-51, un
volume, gr. in-8, 565 p, imprimé chez Redemptori Paradis, Québec,
Imprimerie de Sa Majesté la Reine, comportant les documents sui-
vants: 1) Correspondance de M. Durand D'Aubigny, président du
roi de France à Liège, 1755-1759; 2) Documents sur Pierre Gaultier
de La Verendrye; 3) Liste des lieux de production ou de fabrication
des principaux articles importés de France au Canada avant 1763;
4) Documents sur la seigneurie de Saint-Sulpice, actes de Foy et Hom-
mages et Aveux et Dénombrements; 5) Histoire des Terres de la
paroisse de Sainte-Famille à l'Ile d'Orléans; 6) Le Canada Militaire
ou l'état provisoire des officiers de milice de 1641 à 1760.
Au compte des autres publications, l'archiviste continuait la publi-
cation de "L'Inventaire des Greffes des Notaires du Régime Français",
volume xvi, gr in-8, 265p, Québec, 1952.
Vie Française (Québec). La revue du Conseil de la Vie Fran-
çaise en Amérique (Comité de la Survivance) publiait son sixième
volume, in- 12, 576p, surtout consacré aux préparatifs du congrès de la
ECHOS DES SOCIETES 97
langue française. On y trouve les textes suivants: "Parlons un peu
de nos affaires", Philippe Armand Lajoie; "Inventaire Franco- Améri-
cain", Adolphe Robert; "La Survivance en Acadie (relation), abbé
Adrien Verrette; "Congrès de l'ACELF" ( Memramcook ) ; "La vie
franco-ontarienne", Louis Charbonneau, J. S. A. Plouffe et Séraphin
Marion; "Histoire de la Louisiane" (continuation), Antoine Bernard,
c.s.v.
"Vie Franco- Américaine, 1951" (La) (Manchester). Quator-
zième rapport annuel versé aux archives du Comité de la Survivance
française en Amérique. • Volume in-8, 454p, illustrations, Ballard
Frères, 1952. Ce documentaire raconte l'histoire vivante au sein de
l'Amérique française: travail du Comité de la Survivance, vie des
minorités, voyage de la Survivance en Acadie, Comité d'Orientation,
fondation et congrès de la Fédération Féminine Franco-Américaine,
etc.
"Histoire du Canada français depuis la découverte" . M. le cha-
noine Lionel Groulx. Vol. III, in-8, 326 p. Vol. IV, 273 p. Index
des volumes III et IV, p-243-268 (vol iv) , L'Action Nationale, Mont-
réal, 1952. En conclusion l'auteur écrit: "Les Canadiens français
croient-ils toujours en leur histoire, en son prolongement possible, selon
la ligne tracée par les ancêtres? .... Indéniablement une transforma-
tion s'accomplit du type canadien-français, et elle s'accomplit au
rythme accéléré. Dans ce monde volcanique où il est plongé, les
traditions se dissolvent, les moeurs s'altèrent, l'âme perd son visage. . . .
Une Renaissance ne sera pas le fruit de l'unique chance. Chaque
génération, depuis 1760^ a dû mériter de rester française. Celle d'au-
jourd'hui ni celle de demain ne le resteront à un moindre prix .... Ce
que nous savons, c'est que, dans le monde d'aujourd'hui, un peuple
de quatre millions d'âmes ne peut se flatter du durer qu'à force de
vivre".
La Société St-Jean-Baptiste de Montréal décernait son "Prix
Duvernay", (neuvième titulaire), au chanoine Groulx comme couron-
nement de son "Histoire du Canada français". Dans la revue Culture:
"Journaux et revues sont unanimes à reconnaître les qualités excep-
tionnelles de cette histoire canadienne dont seul l'auteur, qui médite
son sujet avec amour depuis près d'un demi-siècle, pouvait la doter."
(Cf. p 77, 1953).
"Histoire du Canada par les Textes", gr. in-8, 297 p, Fides, Mont-
réal, 1952, par Guy Fregault, Michel Brunet et Marcel Trudel. Un
précieux instrument de travail. On a écrit que c'était un "recueil
d'une architecture remarquable". Le R. P. Benoit Lacroix o.p. ajou-
tera: "il demeure que ce recueil est tout désigné déjà pour un ensei-
gnement de l'histoire du Canada par les textes: à cause de son unité,
de son contenu, de l'honnêteté de ses compilateurs, pour l'amour des
sources qu'il inspire et le sérieux des études auxquelles il en appelle.
98 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
L'on rêve enfin au temps où un futur bachelier n'aura plus à "inventer"
des discours mais simplement à restituer dans son contexte historique
et doctrinal, l'un ou l'autre de ces textes. Ce jour-là, l'histoire du
Canada sera à tout jamais sauvée! (cf. Revue d'Histoire de l'Améri-
que Française, juin 1952, p 142.)
"Les Forges de Saint-Maurice, 1729-1883". In-8, 200 p. Le Bien
Public, Trois-Rivières, Mgr Albert Tessier, p.d. Grand animateur
de l'histoire en mauricie, l'auteur a remis à jour, dans un récit vivant,
les nombreuses recherches de Benjamin Suite sur les forges disparues
mais dont l'histoire fut entourée de tant de légendes.
"Filles de joie ou Filles du Roi. Etude sur l'émigration féminine
en Nouvelle France." In- 12, 230 p, Montréal, 1952 par Gustave Lanc-
tôt. Un sujet qui a toujours intéressé ceux qui fouillent nos origines.
Dans son appréciation (Cf. Revue d'Histoire de l'Amérique Française,
p 447, 1952), Gérard Malchelosse écrit: "sans laisser d'emprunter à
beaucoup d'autres historiens pour ce qui a trait à l'émigration des
filles en Nouvelle France, est, en somme, un très beau livre, plein de
renseignements nouveaux, présentés et mis au point avec un art con-
sommé."
Le Grand Marquis, Pierre Rigaud de Vaudreuil et la Louisiane.
In-8, illustrations, Fides, Montréal, 1952 par Guy Frégault. Le P.
René Latourelle, s.j. écrit: "un ouvrage de grande classe. On éprouve
à le parcourir, cette impression de solidité, de plénitude, de maturité,
que procurent les meilleurs ouvrages européens. Cf. R d'H A. F., p.
442, 1952).
Sociétés d'Histoire
Institut Canado Américain
52, rue Concord, Manchester, N. H.
Institut Canadien de Québec
37, rue Sainte-Angèle, Québec
Institut d'Histoire de l'Amérique Française
261, avenue Bloomfield, Montréal
Institut Français de Washington
401, avenue Michigan, N.-E.
Washington, 17, D.G.
Les Dix
5759, avenue Durocher, Montréal
La Société Canadienne d'Histoire de l'Eglise Catholique
(Séraphin Marion) Archives Publiques du Canada
Ottawa, Ontario
La Société d'Histoire des Cantons de l'Est
Séminaire St-Charles-Borromée, Sherbrooke, Québec
La Société d'Histoire du Cap-de-la-Madeleine
G. P. 212, Cap-de-la-Madeleine, Québec
La Société d'Histoire Régionale de Rimouski
Séminaire de Rimouski, Rimouski, Québec
La Société d'Histoire Régionale de St-Hyacinthe
Séminaire St-Hyacinthe, Québec
La Société Historique de la Chaudière
Collège du Sacré-Coeur, Beauceville, Québec
La Société Historique de la Côte du Nord
(Gérard Lefrançois), Baie-Comeau, Québec
La Société Historique Franco-Américaine
(Dr Gabriel Nadeau), Rutland, Massachusetts
La Société Historique de Joliette
Palais Episcopal, Joliette, Québec
La Société Historique de Kamouraska
(Abbé Léon Bélanger), Sainte- Anne-de-la-Pocatière, Québec
100 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
La Société Historique et Littéraire Acadienne
Université St- Joseph, St- Joseph, N.-B.
La Société Historique Métisse
(Guillaume Charette) St-Boniface, Manitoba
La Société Historique de Montréal
Bibliothèque de la Ville
1210, rue Sherbrooke-est, Montréal
La Société Historique du Nouvel Ontario
Collège du Sacré-Coeur, Sudbury, Ontario
La Société Historique d'Ottawa
Université d'Ottawa, Ottawa, Ontario
La Société Historique de Québec
Université Laval, Québec
La Société Historique de Rigaud
Collège Bourget, Rigaud, Québec
La Société Historique de St-Boniface
(Abbé Antoine d'Eschambault), Genthon, Manitoba
La Société Historique de Ste-Thérèse de Blainville
(Abbé Edmond Lacroix), Ste-Thérèse, Québec
La Société Historique du Saguenay
Séminaire de Chicoutimi, Chicoutimi, Québec
La Société Historique de Sorel
(Roger Auger), Sorel, Québec
La Société Nicolétaine d'Histoire Régionale
(Abbé Walter Houle), Séminaire de Nicolet, Nicolet, Québec
La Société Trifluvienne d'Histoire Régionale
Séminaire Saint- Joseph, Trois-Rivières, Québec
La Société Généalogique Canadienne française
3818, boul. La Salle, Verdun, Montréal, 19, Québec
La Société d'Histoire du Canada (Bilingue)
(The Canadian Historical Association)
Archives Publiques, Ottawa, Ontario
XI
Titulaires de la Médaille "Grand Prix"
1934 Jean Charlemagne Bracq (Keene, N. H.)
1936 L'Etoile (Lowell, Mass.)
1936 Le Messager (Lewiston, Maine)
1936 L'Indépendant (Fall River, Mass.)
1937 Mgr Camille Roy (Québec)
1939 S. E. le Cardinal Villeneuve, o.m.i. (Québec)
1939 L'Avenir National (Manchester, N. H.)
1944 Jean M. Garand (Springfield, Mass.)
1947 Ubalde Faquin M.D. (New Bedford, Mass.)
1947 Corinne Rocheleau-Rouleau (Montréal)
1950 Adolphe Robert (Manchester, N. H.)
1950 Juge Eugène-L. Jalbert (Woonsocket, R. I.)
1950 Juge Arthur L. Eno (Lowell, Mass.)
1950 Mgr F.-X. Larivière P.D. (Marlboro, Mass.)
1950 Me Henri T. Ledoux (Nashua, N. H.)
1951 Philippe Armand Lajoie (Fall River, Mass.
1951 Yvonne LeMaître (Lowell, Mass.)
1951 R. F. Wilfrid Garneau, f.s.c. (Central Falls, R. I.)
1951 Le Phare (Woonsocket, R. L)
1951 Pierre Herménégilde Huot (New York)
1951 Abbé Paul-Emile Gosselin (Québec)
1952 Georges-Alphonse Boucher M.D. (Brockton, Mass.)
XII
Exercice 1952-1953
Bureau
Gilbert Chinard, Président d'Honneur
Pierre-Georges Roy, Vice-Président d'Honneur
Antoine Dumouchel, M.D., Vice-Président d'Honneur
Adrien Verrette, ptre, Président
Valmore-M. Carignan, avocat, Vice-Président
Gabriel Nadeau, M.D., Secrétaire
Roland Cartier, M.D., Secrétaire-adjoint
Antoine Clément, Trésorier
Conseillers
1950-1953
Emile Lemelin, juge
Fernand Hémond, M.D.
Valmore Forcier
1951-1954
R. P. Thomas-M. Landry, o.p.
Edouard J. Lampron, juge
Lucien SanSouci
1952-1955
Damase Brochu
Oscar W. Perrault, M.D.
Lauré-B. Lussier
Table des Matières
Présentation 3
I Conférence: "Orientation Littéraire" 5
Mgr Félix Antoine Sauard, p.d.
Allocution du président 9
"Exemple de continuité"
II Remise de la médaille "Grand Prix" 15
(Séance du 21 mai 1952)
Réponse du docteur Georges Boucher 18
III Etudes (Séance du 21 mai 1952) 19
(1) La paroisse Saint Jean-Baptiste de Warren 19
Etat du Rhode Island
Dr. Ulysse Forget
(II) Vieilles chansons 25
Yvonne LeMaître
(III) Franco-Américains au Manitoba 30
Abbé Adrien Verrette
IV Eloges des disparus 37
Abbé Roland J. Massé (1904-1952) 37
(T. R. P. Thomas Marie Landry, o.p.)
Abbé J. Charles Cormier (1899-1952 39
(Abbé Georges J. C. Duplessis)
Arthur-Edmond Moreau (1885-1951) 41
(Juge Emile Lemelin)
William L. Bourgeois 43
(Juge Edouard Lampron)
Wilford E. Lamarine (1878-1950) 43
Joseph Adolphe Bonvouloir (1870-1951)
(R. de Blois La Brosse)
Paul Mongeau (1882-1952) 45
(Abbé Adrien Verrette)
V Troisième Congrès de la Langue Française 46
VI Centenaire de l'Université Laval 47
VII Rapports des réunions 48
VIII Modem Language Association of America 51
North American French Language
67e réunion annuelle, 27-29 décembre 1952
Boston, Mass.
(I) Les poètes franco-canadiens devant les invasions
américaines 52
(Léopold Lamontagne, Ph.D.)
(II) Notes pour servir à une bibliographie franco-amé-
ricaine 64
(docteur Gabriel Nadeau)
(III) Résumé d'un inventaire franco-américain 74
(Adolphe Robert)
(IV) Quelques aspects du Troisième Congrès de la
Langue française 81
(Abbé Adrien Verrette)
IX Echos des Sociétés Historiques 90
X Sociétés d'Histoire (Liste) 99
XI Titulaires de la Médaille "Grand Prix" 101
XII Bureau 1952-1953 102
Table des matières 103
1953
BULLETIN
de la
Société Historique
Franco-Américaine
BOSTON. MASSACHUSETTS
1954
1953
BULLETIN
de la
Société Historique
Franco-Américaine
BOSTON, MASSACHUSETTS
1954
Présentation
Avec le présent bulletin, la Société Historique
Franco-Américaine atteste sa vitalité et son désir
bien arrêté de continuer son travail de pénétration
dans les sillons de notre comportement français en
Amérique. Le prestige de la socii'té et son inaltérable
intérêt dans le dépouillement de nos archives lui
confèrent une place particulière dans l'oeuvre de
notre rayonnement commun. Notre présence histo-
rique sur le continent vaudra en autant que nous, les
authentiques porteurs de cette civilisation, nous nous
acharnerons à fixer dans leur véritable perspective
nos gestes du passé. Il importe donc de fournir à cet
organisme les moyens et l'appui de notre encourage-
ment en l'aidant à élargir ses cadres et en lui assurant
nos plus fécondes générosités. C'est là la condition
même de notre permanence culturelle.
Monsieur le docteur J. Ubalde Paquin
Président (1934-1946)
Bulletin de
La Société Historique Franco-Américaine
Fondée le 4 septembre 1899
^dministration Secrétaire: Gabriel Nadeau, M.D., Rutland, Mass.
Trésorier: Antoine Clément, 195 W. Sixth St., Lowell, Mass.
BOSTON, MASSACHUSETTES ANNEE 1953
I
Conférence
Y a-+-il un Avenir?
M. le chanoine Lionel Groulx*
Y a-t-il un avenir? Point de question que ne se posent plus an-
xieusement aujourd'hui, tous ceux-là qui, en face de notre univers
désaxé, ont tant soit peu le goût de philosopher. Les propos eschatolo-
giques sont à la mode. Phénomène particulier à toutes les crises de
l'histoire, depuis le jour oià, sous un ciel déchaîné, au-dessus des cîmes
du Mont Ararat, la fragile arche de Noé portait le destin du monde.
Entre l'angoisse antique et celle de nos jours, les dissemblances sont
pourtant assez considérables: le monde d'aujourd'hui, c'est toute la
planète; et ce monde, même celui des puissants et des grands, ne voit
point l'arche où se réfugier. Et voilà de quoi ne pas rassurer les petits
et les cadets de ce monde. Pour eux de quoi demain sera-t-il fait? Y
a-t-il même un avenir?
Il aura fallu, semblerait-il, la compénétration soudaine des conti-
nents et leur interdépendance pour faire découvrir aux nations mineu-
res, en même temps que la fin de leur isolement, l'extrême fragilité de
leur civilisation. Nos civilisations sont mortelles, disait Valéry. Quel-
ques-unes sont plus mortelles que d'autres, si l'on peut dire, et nous
savons lesquelles. Finie, à jamais finie, ce que nous avons pu croire
l'imperméabilité de nos âmes et de nos vies. Nul peuple ne peut échap-
per désormais à l'endosmose universelle, pas plus que le Saint-Laurent
ou l'Hudson, débouchant à la mer, n'y sauraient préserver l'identité de
leurs eaux. En ces derniers temps, j'ai tâché d'exprimer l'inquiétude du
Canada français. Quelques-uns des vôtres sont venus nous confier vos
anxiétés de Franco-Américains. "Y aura-t-il demain une vie franco-
américaine en Nouvelle- Angleterre?", s'est demandé l'un d'entre vous.
Et la même voix a précisé: "Non! il ne faut pas se cacher la tête dans
* Conférence prononcée le 11 novembre 1953, au University Club de Boston
par le président de l'Institut d'Histoire de l'Amérique française.
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
le sable! Depuis 1937, notre vie française en Nouvelle- Angleterre n'a
cessé de s'atrophier. Nous sommes engagés dans le tourbillon de l'assi-
milation et nous y roulons à une vitesse accrue. Au train où. vont les
choses, c'est au fond de l'abîme américain que nous finirons par som-
brer." Seriez-vous à l'implacable croisée des chemins? Vous serait-il
encore possible d'éviter l'irréparable? Je ne sais trop pourquoi vous
m'avez prié de venir vous le dire, m'avertissant, du reste, loyalement,
que, sur maints aspects du grave problème, vous étiez rien moins que
d'accord: ce qui prouverait que vous êtes restés français beaucoup plus
que vous ne pensez. Mais je n'ai pas moins constaté qu'en l'invitation
qui m'a été faite, vous avez mis une ténacité toute américaine. J'essaie-
rai de vous répondre, sans rien me cacher, je l'espère, de la délicatesse
de mon rôle, qui, pour n'être pas tout à fait celui d'un étranger, est tout
de même celui d'un homme du dehors.
Puisque je m'adresse à une élite, me dispenserez-vous de faire appel
au sentiment à cet ordre de considérations que nous nous servons aux
heures de péril: fidélité aux ancêtres, à une histoire, à des traditions?
Je voudrais même ne pas évoquer l'ambition légitime et si naturelle au
père de famille de ne pas trouver, en ses enfants, une image qui lui soit
étrangère. Filiation culturelle ou spirituelle qui, éteinte ou reniée, jette
le drame parfois en tant de foyers. Toutes choses vénérables que ces
évocations, mais bien impuissantes à déterminer, dans la vie de tout
un peuple, les résolutions héroïques, j'oserais dire les coups de gouver-
nail des grands départs. Autant que possible, je souhaiterais me placer
sur le plan de la froide raison et des faits. Et, prenant pour acquit que
vous avez encore des chances de survie et cjue ces chances vous avez le
devoir de les prendre, je pose ces questions :
Pour une entreprise de cette envergure et de ce caractère, quels
mobiles concrets, pratiques en même temps qu'élevés et profonds, in-
voquer auprès de vos compatriotes, auprès de vos gens et surtout auprès
de votre élite? Et parmi ces mobiles, s'en trouvent-ils d'assez puissants
pour être déterminants?
Je vous prie d'observer, en premier lieu, la singularité de la survi-
vance du fait français en Amérique. En la première histoire du jeune
continent, que de signes lui semblaient présager un avenir catholique.
Les deux nations les plus choyées de l'Eglise et les plus puissantes de
leur époque: celle de Sa Majesté catholique et celle du Roi très chré-
tien y occuperont longtemps le plus d'espace. Les deux n'en ont pas
moins perdu la partie. Mais voici l'étonnant. De ces deux civilisations
catholiques, l'espagnole et la française, plantées dans ce nouveau mon-
de, laquelle, après la débâcle du traité de Paris, allait survivre? Ap-
puyée sur l'Amérique latine dont il n'était, du reste, qu'un prolonge-
ment vers le nord, il eût semblé que le pourtour espagnol sud et ouest
Y A-T-IL UN AVENIR
de rAmérique septentrionale, Floride, Texas, Nouveau-Mexique, Cali-
fornie, eût résisté à la marée anglo-saxonne, plus facilement que l'infime
bordure française du Saint-Laurent, coupée de ses sources culturelles et
de tout voisinage propice. Contre toute prévision, c'est le plus faible et
le plus isolé qui a survécu. L'étonnant ne s'arrête pas là .Quand petit
peuple de rien du tout, à demi perdu dans la masse étrangère, nous au-
rions eu tant besoin de cohésion, comment expliquer notre singulière
et troublante dispersion à travers ce continent-nord? La Providence est
au fond de toute histoire. Nous est-il interdit de scruter son dessein?
Pourquoi cette survivance? Serions-nous les élus d'une mission, les por-
teurs d'un message? Notre expansion missionnaire à travers le monde,
fait assurément extraordinaire, nous apporterait peut-être une première
réponse. Pourquoi n'en pas voir une seconde en notre éparpillement,
ici-même en Amérique, s'il est vrai que leur message, les peuples catho-
liques n'ont pas qu'à le porter sur les continents lointains, mais tout
autant autour d'eux, partout où ils sont? Un des spectacles contempo-
rains les plus affligeants, et pourquoi ne pas dire une des abominations
de notre temps, aura été ces vastes déplacements de personnes et même
de tronçons de peuples livrés à une sorte de charcuterie. Démembre-
ments tragiques qui rappellent les temps féroces des anciens empires et
qui devaient amener les penseurs à en chercher les raisons profondes.
Sans doute, imputent-ils ces crimes à la méchanceté des hommes, à ces
retours en barbarie qui eussent déconcerté un Néron ou un Caligula.
Mais il s'est trouvé aussi des penseurs chrétiens pour nous rappeler ce
passage des livres sacrés sur la déportation d'Israël à Babylone:
Yaveh nous a dispersés parmi les nations qui l'ignorent.
Afin que vous racontiez ses merveilles et que vous leur
fassiez connaître
Qu'il n'y a point d'autre Dieu tout-puissant que lui seul.
(Tobie, XIII, 4).
Aux malheurs des proscrits et des fugitifs qui ont encombré notre
monde, il faudrait donc, selon ces mêmes penseurs, rattacher comme
aux antiques déportations juives, l'idée du message providentiel? Fau-
drait-il la rattacher à nos propres déplacements? Votre exode en ce
pays, le nôtre à travers tout le Canada, l'histoire les imputera d'abord
à l'imbécillité humaine, imbécillité d'une politique imprévoyante et pa-
resseuse, suite trop naturelle de la conquête anglaise. Pendant trop
longtemps un peuple aura si bien perdu l'habitude de gouverner sa
propre vie qu'aujourd'hui encore il n'est pas sûr qu'il l'ait totalement
réappris. A quelle époque de son histoire la province de Québec a-t-elle
jamais eu une véritable politique de peuplement? Le Bon Dieu se se-
rait-il abstenu de poursuivre pour autant ses habituels desseins? Suivez,
observez notre dispersion par tout le Canada, aussi bien qu'en votre
Nouvelle-Angleterre. Je l'ai écrit ailleurs, cet émigrant du Canada, jeté
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
hors de son pays le plus souvent par la misère, est de ceux-là qu'on ne
voit pas abandonner le long des routes, comme des loques honteuses,
leur passé, leurs traditions. Un bagage ne le quitte point, parce qu'il
fait corps avec son esprit, son âme : et c'est sa foi, sa langue, part inalié-
nable du patrimoine des ancêtres, "étincelle du feu sacré", emportée
pieusement de la première patrie. Partout où il s'arrête et s'installe, il
devient un ferment de liberté. Il revendique des droits: droits scolaires,
droits linguistiques, qu'à défaut de droits positifs, il tient pour des droits
naturels. Il revendique en particulier le droit à l'école confessionnelle,
qu'il rattache à la liberté religieuse et au droit des parents sur l'enfant,
droit qu'il proclame supérieur à celui de l'Etat. Où l'Etat lui oppose
ses refus, vous savez encore ce qu'il fait: il se pourvoit lui-même en
marge ou à l'encontre de la loi; il se donne les organismes qu'exige sa
condition d'homme et de chrétien. Et, pour ce faire, il ne recule ni
devant les doubles taxes ni devant les luttes héroïques. Franco-Améri-
cains, vous savez si je raconte en ce moment, une histoire vraie ou fic-
tive. Quelque part qu'on nous ait trouvés sur ce continent, nous n'avons
pas toujours compté parmi les grands riches; les grandes réalisations
matérielles n'ont pas toujours été notre fait. Mais partout et toujours,
nous avons porté avec nous un message. Nous nous sommes faits les
propagandistes, les apôtres de quelques vérités et libertés essentielles
qu'aux meilleures époques de l'humanité, l'on tenait pour des biens
incontestables, des éléments des civilisations supérieures.
Mais j'entends déjà l'objection. Le message est-il essentiellement
lié à notre culture, à la conservation de nos caractéristiques originales?
On nous l'a soufflé quelquefois: ne le porterions-nous pas mieux, en
nous dépouillant de ce qui nous fait étrangers à notre milieu, à notre
entourage, en nous identifiant à lui? Pour répondre à cette question,
permettez-moi de ne point faire de haute métaphysique. J'en appellerai
tout uniment à l'expérience, à l'histoire, à la vôtre comme à la nôtre.
Partout oii nous avons cédé, oià nous avons écouté les sirènes des assi-
milateurs, je vous prie de me le dire en tout franchise, qu'est devenu le
message? Le portons-nous encore? Et si nous le portons, malgré tout, le
portons-nous à même hauteur, avec la même ferveur, la même foi? Cer-
tes, je ne nierai point que d'autres races que la nôtre portent le mes-
sage et le portent vaillamment. Et je n'oserai même pas me demander
si Dieu a véritablement mis, au fond de l'âme française, quelque dis-
position exceptionnelle, au prosélytisme religieux, à l'oeuvre apostoli-
que. Les faits restent pourtant les faits. Et les faits nous disent que la
France, après avoir été longtemps, par sa contribution en hommes et
en fournitures de toutes sortes, à la tête des nations missionnaires, reste
encore l'une des premières, sur la liste, en dépit de son athéisme offi-
ciel et de l'entreprise de déchristianisation menée opiniâtrement chez
Y A-T-IL UN AVENIR
elle depuis au delà d'un demi-siècle. L'autre jour, je lisais, dans le Pro-
blème du christianisme en Extrême-Orient, oeuvre d'un prêtre améri-
cain, André- J. Krzesinski, ces lignes à retenir: "Dans cette armée de
missionnaires, les Français l'emportent en nombre. Après eux viennent
par ordre de supériorité numéricjue, les Italiens, les Irlandais, les Espa-
gnols, les Portugais, les Belges, les Allemands, les Américains, les Polo-
nais, les Hollandais, les Tchèques, les Suisses et autres." Ainsi parlent
les faits et parlent-ils si différemment dans l'histoire de ces fils de la
France que vous,, Franco-Américains et nous, Acadiens et Canadiens
français, croyons être restés?
II
Mais laissons le message de côté. Descendons d'un cran. Plaçons-
nous, si vous le voulez bien, sur le simple plan des civilisations humai-
nes. Y aurait-il opportunité, avantage, pour quelque peuple que ce soit,
à sacrifier son être culturel? Un monde nouveau est en train de se faire
qu'on nous promet unique, grandiose, réalisation suprême du génie hu-
main, reprise triomphante, cette fois, de l'antique Babel. En ce monde
de demain, y aura-t-il encore place pour les variétés culturelles ou na-
tionales? Tout n'est-il pas appelé à se fondre, à se laisser broyer dans
l'immense bloc de ciment? Serait-il vrai que les petites nations enrichi-
raient ce monde à venir en se laissant absorber, en se fondant en lui
jusqu'à l'anéantissement? Et, qu'en nous dévorant l'ogre nous ferait
beaucoup d'honneur? Quelle est, sur ce grave problème de l'unification
des civilisations, l'opinion des penseurs contemporains? Quelle est, en
particulier, la pensée de l'Eglise?
Avant toute chose, comme nous aurions besoin, nous chrétiens, de
rajuster notre optique, de juger les grandeurs de chair selon le mètre de
la foi. Comme il nous importerait de méditer, de temps à autre, cette
parole de saint Augustin: "Un architecte (c'est Dieu) bâtit une maison
durable (la Cité éternelle) à l'aide d'échafauds éphémères" (c'est-à-
dire les civilisations). Faut-il tant nous laisser prendre au prestige des
civilisations contemporaines, quelque colossales qu'elles nous apparais-
sent? Qui nous dit qu'au regard de Dieu, elles ne sont pas de ces écha-
fauds jetés à bas aussitôt qu'en a fini le divin constructeur? La véritable
histoire, ce n'est pas celle que les hommes écrivent, c'est celle que Dieu
écrit depuis toujours et surtout depuis 2000 ans et l'on sait où cette
histoire s'en va. Sous cet éclairage d'en haut, la vérité, c'est que les
civilisations ne se mesurent pas à la puissance matérielle qu'elles peu-
vent étaler; mais à ce qu'elles ajoutent aux dimensions de l'homme éter-
nel, à l'avancement spirituel de l'humanité. La civilisation, a-t-on dit,
c'est "un degré supérieur d'humanité". La vérité, c'est encore que par-
tout où la richesse de ce monde n'est pas évaluée selon la cote du dollar,
de la livre sterling, du mark ou du rouble, partout les vrais civilisés le
reconnaissent: la mort d'une civilisation, même incarnée par la plus
10 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
modeste des nations, est une perte pour l'humanité. Pensée que je re-
trouvais encore, en ces derniers jours, dans Essai sur le mystère de l'His-
toire, de Jean Daniélou, l'un des plus nobles ouvrages publiés ces an-
nées-ci: "L'humanité serait moins belle, insiste le penseur, s'il n'y avait
la Chine, l'Arabie ou le Monde noir. Chaque race et donc chaque lan-
gue exprime certains aspects irremplaçables de la nature humaine. Cha-
que langue en particulier a son génie propre, qui exprime mieux certai-
nes notions." Mais si l'auteur a raison d'évaluer à ce prix toutes les
langues, toutes les cultures, même celles du "Monde noir", que pense-
rons-nous de la nôtre qui n'est, à coup sûr, ni une langue, ni une culture
de primitifs ou de sauvages? Les éducateurs et les humanistes de tous
les mondes qui combattent de ce temps-ci pour le maintien, dans l'en-
seignement supérieur, des disciplines gréco-latines, invoquent à l'appui
de leur thèse, le vide béant fatalement produit dans les esprits, par l'igno-
rance d'une large proportion d'art et de beauté créée sur cette terre ou
encore par la suppression brutale de deux des plus grands moments de
l'esprit humain. Fort bien. Mais n'y a-t-il pas lieu d'appréhender un
vide comparable à celui-là. sinon même plus difficile à combler, si l'on
allait entreprendre de battre en brèche ou de supprimer des cultures
plus modernes, plus vivantes, et peut-être plus riches que tout autre,
parce qu'au butin des cultures antiques, elles auraient ajouté l'apport
chrétien?
Interrogerons-nous maintenant l'Eglise, cette incomparable con-
servatrice de tous les trésors de l'esprit humain? Que pense l'Eglise de
l'unification culturelle du monde? Nous savons le cas qu'elle a fait des
grandes cultures antiques. A-t-elle également respecté la culture des
petits peuples? Observons, pour nous édifier, son attitude à l'égard
des cultures indigènes dans les pays de mission? En 1659, par consé-
quent, il y a trois siècles, voici quelles directives un décret de la Sacrée
Congrégation de la Propagande intimait aux évêques missionnaires de
Chine: "N'essayez pas d'amener le peuple à délaisser les coutumes de
son pays, tant que celles-ci n'entrent pas en conflit avec la foi et la
morale. Il serait pour vous aussi ridicule d'agir de la sorte que d'essayer
de transporter en Extrême-Orient les cultures française, italienne ou
espagnole. Vous devriez plutôt n'y introduire que la foi, qui reconnaît
la légitimité de toute coutume et des traditions culturelles nationales et
qui en prescrit le respect." Avec le temps l'opinion de Rome a-t-elle
évoluée? Plus récemment, en 1922, et 1927, les autorités romaines al-
laient jusqu'à recommander instamment, dans la construction des églises
chrétiennes en Chine, l'utilisation de l'art indigène de préférence à l'art
européen. Les pressions des puissants, vous le savez comme moi, ont pu
parfois s'exercer sur la diplomatie romaine. On a pu même la tromper.
Nulle part, dans l'Histoire de l'Eglise, l'on n'a vu que Rome, dûment
éclairée, ait jamais forcé le chrétien ou le catholique à opter entre sa
Y A-T-IL UN AVENIR
foi et sa culture ancestrale. Pour l'Eglise, Tunité de la foi, la catholicité
n'est pas l'uniformité linguistique ni culturelle. Je retrouve encore cette
idée dans l'ouvrage de Jean Daniélou que je vous citais tout à l'heure:
"La véritable unité (catholique) écrit l'auteur de V Essai sur le mystère
de l'Histoire, c'est celle qui, à l'intérieur de l'unité de la foi, de l'unité
de l'Eglise, de l'unité du dogme, de l'unité de l'Eucharistie, s'exprime à
travers les diversités des mentalités, des cultures, des civilisations." Et
l'auteur de ponctuer un peu plus loin: "L'Eglise est l'Epouse dont parle
le Psaume, vêtue d'une robe bariolée", "assumant toutes les cultures
pour les consacrer toutes à la Trinité." Plus haut d'ailleurs que ce der-
nier témoignage, nous pouvons apporter ici celui du grand Pape ac-
tuellement régnant. Encore qu'il soutienne que les minorités devraient
"loyalement étudier la langue de l'Etat dont elles font partie". Pie XII
n'en a pas moins écrit: "Les Etats devraient accorder aux minorités le
droit d'apprendre la langue maternelle." C'est encore le même Pape
qui a ordonné aux missionnaires occidentaux de ne pas traiter les civi-
lisations asiatiques ou africaines "en petites filles cadettes", mais en
soeurs égales en droit, avec pouvoir de s'exprimer selon leur réalité
propre. Et, notez-le bien, Pie XII ne procède pas ainsi par tactique ou
diplomatie, dans l'espoir légitime de favoriser le succès de l'apostolat
catholique. En son Message de Noël 1945, il a tenu à le dire: les catho-
liques occidentaux doivent se rendre compte que si l'Orient ou l'Afrique
ont quelque chose à recevoir de l'Occident, d'autre part, un échange de
biens doit s'accomplir entre les diverses Eglises, et l'Occident aura aussi
quelque chose à recevoir de la chrétienté chinoise indienne, viet-na-
mienne ou noire.* Qu'allons-nous conclure de tout cela? Au nom de
quoi notre culture et notre civilisation à nous, qui ne sortent ni du bois
ni de la brousse, mais que l'on dit adultes, incarnant, elle aussi, l'un des
grands moments de l'esprit humain, au nom de quoi ne pourraient-elles
prétendre à la même considération, aux mêmes droits que les cultures
indigènes d'Asie ou d'Afrique? Toute la tradition de la véritable Eglise
enseigne, en tout cas et de la façon la plus péremptoire, qu'on ne sau-
rait écraser la plus petite des nationalités au profit d'une soi-disante ca-
tholicité, et encore moins au profit de l'unité politique ou linguistique
d'un pays. Et de même, oserai-je dire, l'on voit mal des croyants se
prêtant à leur propre asservissement ou spoliation ou se faisant là-dessus
les agents de la puissance politique.
— III —
Me permettrez-vous de pousser plus loin cette argumentation? Je
cherche toujours le mobile décisif qui vous imposerait la survivance
culturelle, à quelque prix que ce soit. Et ce mobile, serait-ce illusion que
de l'apercevoir, après ce que je viens de dire, dans le lien, le lien histo-
rique, le lien inséparable entre votre culture et votre foi? Il ne s'agit
* Cité par Daniélou, op. cit., 48.
12 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
pas de raisonner dans l'abstrait, de se demander, par exemple, s'il se
peut, ni même s'il est raisonnable ou excusable qu'il en soit ainsi. Je
n'entends pas, non plus, chercher si d'autres groupes ethniques de foi
catholique, ont pu franchir, en ce pays, sans coupes funèbres, l'étape de
l'assimilation. La question est uniquement de savoir, si, en fait, il en est
ainsi, chez nous. Canadiens français, chez vous, Franco-Américains. Or,
sur ce terrain des faits ou des statistiques, tout esprit loyal est bien obligé
de convenir que, chez nous, au Canada, la consei-vation de la culture
n'est pas indifférente, tant s'en faut, à la conservation de la foi. Des
statistiques récentes nous l'ont douloureusement appris: dans la seule
province de l'Ontario, 60,000 des nôtres ont perdu la foi catholique.
D'autres défections en nombre proportionnel se sont produites en d'au-
tres provinces. Et quand nous cherchons la cause de ces malheurs, nous
arrivons à cette constatation invariable qu'où la langue s'est perdue, la
perte de la foi a suivi. Là oii le Canadien français a trouvé pour l'enca-
drer, une paroisse française et une école française, l'Eglise a pu compter
sur sa fidélité. En revanche, partout où ces soutiens lui ont manqué,
notre pauvre compatriote a manqué à sa foi. Quant à vous, Franco-
Américains, vous n'êtes que d'accord, je le sais, mais si j'en crois les
aveux de vos confrères les plus objectifs, puis-je écarter les mêmes cons-
tatations. Les agglomérations de vie catholique qui survivent chez vous,
et grâce à Dieu, il s'en trouve encore, le doivent-elles, selon vos propres
observateurs, à d'autres soutiens que les nôtres? N'ai-je pas lu, d'ailleurs,
sous la plume de l'un des vôtres, que la courbe de l'apostasie religieuse
suit d'ordinaire la courbe de l'apostasie culturelle? Mais alors, devant
ces faits navrants, pouvons-nous rester impassibles et les bras croisés?
Pour nous détenniner à notre survivance française, nous cherchions
tout à l'heure, le mobile, l'argument décisifs. Pour les croyants que nous
sommes et que vous êtes, ne serait-ce pas celui que je viens d'indiquer:
rester français pour rester catholiques? Et cet argument, n'est-ce pas
celui que vous, les chefs, les responsables, auriez devoir d'exploiter à
fond auprès de votre peuple? Fils de l'Eglise, si nous comprenons bien
la grandeur de ce titre, et si nous admettons qu'il nous engage dans la
plus grande entreprise de l'histoire humaine, la rédemption du monde,
personne n'a le droit d'éteindre le plus modeste flambeau allumé par le
Christ et surtout pas ceux qui portent le flambeau. Il y va de tout notre
message de chrétiens. C'est toute notre raison d'être de peuple catholi-
que. Nous ne pouvons viser moins haut. Et si vous me dites que cette
survivance française paraît impossible, chimérique à tant des vôtres et
qu'il y faudra un effort prolongé, surhumain, héroïque, je vous réponds,
avec l'Evangile qu'il y a des valeurs de foi qui exigent d'être protégées
au prix même de l'héroïsme. Non, mille fois non, ce que vos pères, ce que
vos prêtres, vos religieuses ont semé sur ce sol de la Nouvelle-Angleterre,
on ne me fera pas croire que tout cela, dans les desseins de Dieu, soit
Y A-T-IL UN AVENIR |3
destiné à l'étouffement dans l'ivraie.
Encourageons-nous, du reste, d'un côté comme de l'autre de la
ligne 45**^ par la pensée du grand service que notre survivance catholi-
que pourrait rendre à nos deux grandes patries. Faire survivre, sur
quelque point que ce soit, un foyer de la vraie foi, importe immensément
à tout pays, à tout peuple. Il suffit d'une poignée de sel pour préserver
de la corruption une masse considérable d'aliments. Combien de fois, en
ces derniers temps avons-nous entendu les grands conducteurs de la
civilisation occidentale, se demander anxieusement ce qu'ils pourraient
offrir au monde pour le tirer de son désarroi. Un idéal de simple pro-
grès ou confort matériel, ils s'en rendent compte, ne peut rien contre
une doctrine qui offre la même séduction à ses adhérents, mais qui la
promet, avec la fougue d'une irrésistible propagande et qui la promet à
tous, sans distinction de classes, dans ce nivellement social qui ensorcel-
lera toujours les classes populaires. Aussi arrive-t-il que les chefs de
l'Occident parlent plus que jamais de la nécessité d'un idéal spirituel.
Petits groupes, petits peuples catholiques, nous avons au moins ceci de
grand que, par la grâce de Dieu, nous incarnons l'idéal sauveur .Notre
rôle, ce pourrait être celui de la poignée de sel qui, au moins pour une
part, sauverait les civilisations des deux grands pays qui nous sont chers.
Coîiclusioîi
Au terme de ce discours, vous ne vous attendez pas, j'en suis sûr,
que je m'attarde à vous indiquer les moyens pratiques de votre résis-
tance. D'ailleurs, ces moyens, vous les connaissez et déjà vous les appli-
quez: atmosphère française du foyer, maintien de la paroisse et de
l'école franco-américaines, soutien de vos journaux, formation d'une
élite, soit en France, soit au Canada, nécessité surtout pour continuer la
relève, d'un remembrement de votre groupe, de votre nationalité. Dis-
persés comme vous l'êtes, il vous faut, de toute première nécessité, un
organisme qui vous restitue la conscience de l'unité et de l'étroite com-
munauté de vos intérêts. Avec vous, j'insisterais ensuite sur l'opportunité
de gagner à tout prix la collaboration de la Franco-américaine. Elle
seule pourra souvent suppléer à l'école ou donner à l'enfant une éduca-
tion qu'aucune école ne pourra déformer. Puis, notre sexe, qu'on appe-
lait naguère le sexe fort, doit l'admettre, malgré qu'il en ait: une téna-
cité dépasse celle de l'homme; et c'est la ténacité de la femme quand
elle s'en mêle. Je ne crois pas trop m'aventurer en vous disant que
l'avenir de votre prochaine génération, vous le portez dans votre esprit:
la Franco-américaine le portera dans son coeur Et c'est encore plus fort.
Si j'osais après cela me mêler de vos problèmes, j'ajouterais qu'en-
tre les formules de survivance ou de résistance que vous mettez de
l'avant, je pencherais volontiers pour celle de 1' "intégration": intégra-
tion - — ■ ou si vous préférez un mot moins effarouchant — synthèse vitale
14 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
de votre vie catholique, de votre vie française et de votre civisme améri-
cain. N'est-ce pas un peu rajeunie, remise à date et complétée, la formule
de la citoyenneté américaine jadis préconisée par ce grand apôtre de
votre survivance que fut Ferdinand Gagnon? Une chose ne fait pas de
doute: vous pouvez vous cantonner dans le rôle d'émigrés à l'intérieur ou
d'étrangers dans votre pays. Encore moins et je m'excuse de le dire, ne
peut-il être question, pour vous, de renoncer à votre foi catholique, ou
simplement de la mettre en péril, sous prétexte de survivance française.
Il ne vous reste donc qu'à synthétiser, en leur conservant leur légitime
coordination, vos trois ordres de valeurs ou vos trois formes de vie. Et il
vous reste, me serait-il loisible de l'ajouter, à vous garer contre un piège
ou contre une illusion mortelle et qui serait qu'en cette '"intégration",
vous mesureriez artificiellement ou mathématiquement la proportion de
chacun des éléments de votre vie. Votre catholicisme, vous le savez tout
aussi bien que moi, n'accepte ni mesure ni partage. On est catholique
cent pour cent ou on ne l'est point. Il ne peut s'agir, non plus, d'ctre 50
pour cent Français et 50 pour cent Am'ricain. Ce ne sont point de ces
choses qui se juxtaposent ni ne se compartimentent. Qui de vous, du
reste, n'aperçoit où aboutirait fatalement cette mathématique ou cette
chimie linguistique et culturelle qui n'a rien de commun avec votre
formule d'intégration ou de synthèse. Un élément devra donc se cons-
tituer le catalyseur de l'autre. Et forcément, et tout en tenant compte
des exigences de votre milieu, cet élément, ce sera votre esprit français,
votre parler français, votre vie française. Vous agirez un peu comme
nous, au Canada qui, tout en réservant notre première allégeance spi-
rituelle à notre culture, à notre type de civilisation, à la province-mère,
sommes persuadés de n'être inférieurs à personne sur le plan du patrio-
tisme canadien.
Sur ces bases rationnelles et solides, ayez confiance. Ces conditions
de vie et ces espoirs, je les trouve, en formule condensée, dans la "Pré-
sentation" que vient de faire du Compte rendu du Troisième Congrès
de la langue française, l'un des esprits les plus remarquables parmi vous,
M. l'abbé Adrien Verrette: "Malgré toutes les appréhensions, il reste
que notre race doit vivre; mais elle vivra convenablement dans la me-
sure ovl chacun y apportera son dévouement avec la passion de la soli-
darité qui tiendra soudées bien ensemble toutes les pierres de notre
trésor commun." Oui, ayons confiance. Supposons le pire: les langues
mortes ou demi-mortes ressuscitent-elles? Le monde contemporain nous
offrirait au moins un exemple: celui de l'Etat libre d'Irlande qui a en-
trepris de faire revivre le gaélique des ancêtres, lequel, si je ne me trom-
pe, doit devenir d'ici peu d'années, la langue officielle de la république.
En cherchant quelque peu, il ne serait pas difficile, non plus, de trouver
dans les pays du centre de l'Europe ou dans les anciens débris des em-
pires allemands ou autrichiens de petits groupes ethniques qui, même
Y A-T-IL UN AVENIR
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en ces Etats fortement centralisés, n'ont pas moins conservé le parler
ancestral.
Ne nous laissons pas émouvoir non plus par les opinions des
pseudo-prophètes pour qui le monde d'aujourd'hui, par suite de sa
croissante interdépendance, s'en irait, à grands pas, vers l'unification
rigide des cultures nationales. Vue superficielle que vient démentir l'in-
surrection des grandes masses humaines de l'Extrême-Orient contre ce
qu'elles appellent l'envahisseur occidental; insurrection qui, en ces pays
fiers de leur antique civilisation, vise non seulement ni principalement
la domination politique ou économique de l'envahisseur, mais tout au-
tant son agression d'ordre culturel. Qui ne sait, par exemple, que le plus
grave obstacle aux missions catholiques provient précisément de cet état
d'esprit des Orientaux, pour qui le catholicisme prend trop figure d'une
religion occidentale? Et qui ne sait également que si, aujourd'hui, ces
mêmes Orientaux empruntent, à vive allure, les techniques de l'Occi-
dent, c'est pour se mieux libérer de l'occidentatisme?
Ghers amis franco-américains,
Dans l'effort que vous allez entreprendre, rien de tout cela,
sans doute — je le dis sans gêne à des croyants — ne vous dispensera de
beaucoup de prière. Mais souvenez-vous que partout où il y a une
prière, il y a une espérance. Dieu n'est pas un infidèle. Nous pouvons
manquer à notre avenir. Dieu ne nous manquera pas. Dieu ne fera pas
notre avenir sans nous. Mais il sera toujours là pour le faire avec nous.
Rien ne vous dispensera, non plus, d'un engagement total, à fond,
jusqu'à pleine tension de la volonté. L'espoir est à cet autre prix. Trop
tard! vous crient peut-être les pessimistes. Il n'est jamais trop tard
quand, à la façon de ce quelqu'un de la Première Jeanne d'Arc de Pé-
guy, homme ou peuple, l'on a assez de volonté pour ne jamais prendre
son parti de rien. Il n'est jamais trop tard quand il s'agit de la foi de
vos enfants, de la foi d'une génération, de la foi de tout un peuple. Le
jeune Etat d'Israël, écrivait-on récemment, fut le résultat d'un "pur
acte de foi", oeuvre d'une poignée d'hommes animés "par un idéal
indomptable, courageux, lucide". N'en pourrait-on dire autant de l'Etat
libre d'Irlande? Cette poignée d'hommes serait-il impossible de la trou-
ver parmi ces fils de Français que vous êtes et qui ont derrière eux le
passé que vous savez? Longtemps aussi l'on avait cru chimérique la
conquête des derniers pics de l'Everest. En apprenant ces mois derniers
le victorieux exploit, je me suis rappelé le mot de l'un des devanciers de
ces alpinistes disparu en 1895, dans les gouffres de l'Himalaya: "Là où
il y a une volonté, il y a un chemin." J'ajoute: il y a un avenir!
Lionel Groulx, prêtre
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Message du Président
La Société Historique franco-américaine, qui vous accueille ce
soir avec tant de cordialité, a le bonheur de tenir sa cinquante-quatriè-
me réunion annuelle en un jour qui demeure toujours cher à nos coeurs,
malgré les promesses illusoires de paix et de fraternité qu'il offrait aux
peuples de la terre, il y a trente-cinq ans déjà, au lendemain d'un épou-
vantable carnage.
Il reste cependant qu'en ce jour consacré de l'Armistice, nous ai-
mons à glorifier surtout le sacrifice de ceux qui ont offert sur l'autel de
la patrie le don de leur vie.
Aussi, il semble bien à propos qu'une société dont la mission est de
faire revivre l'histoire, se fasse un devoir de gratitude, d'évoquer en
pareille circonstance le souvenir de tant des nôtres, qui, dans l'éternel
silence de leur grandeur, gardent toujours la cité des vivants. Disons
leur notre inaltérable reconnaissance et profitons du don irremplaçable
de leur vie pour mieux servir la vérité et les structures que nous a mé-
nagées leur suprême renoncement!
C'est ainsi que nous voulons continuer l'oeuvre de notre présence
en Amérique en fortifiant, à la lumière du passé, les meilleures tradi-
tions qui ont forgé nos âmes, afin de donner plus de fraîcheur à nos
efforts de persévérance. A ce travail nous apportons toujours une ardeur
nouvelle, car comme on l'a écrit quelque part: "ce n'est pas la grandeur
de nos oeuvres qui leur donne du prix devant Dieu, c'est l'amour avec
lequel elles sont accomplies."
Aussi c'est avec im légitime réconfort que la Société Historique se
sent constamment appuyée par ceux qui lui consacrent des heures pro-
fitables à chercher, dans le cheminement de notre comportement, les
leçons et les traits qui peuvent embellir nos visages français. Pareils
labeurs ont quelque chose d'exaltant qui vaut bien le vil esclavage de
médiocrité auquel trop souvent nos esprits sont rivés au sein de cet
empire de l'acier et du plaisir qui nous dévore.
Pierre Georges Roy
Au compte des artisans de notre histoire, nous voulons rendre hom-
mage à la mémoire de l'un des officiers d'honneur de la société, Pierre
Georges Roy, historien et archiviste qui vient de mourir à Lévis, à l'âge
de 83 ans.
Chercheur passionné et vulgarisateur infatigable, Pierre Georges
Roy aura été l'un de ceux qui ont le plus chez nous fait aimer la "petite
histoire". C'est ainsi qu'il remua jusqu'à la dernière motte de terre de
sa patrie lévisienne pour en raconter les moindres échos.
Premier archiviste de la province de Québec, pendant plus de
soixante ans, il dépouilla fiévreusement les trésors enfouis de notre his-
MESSAGE DU PRESIDENT |7
toire pour les mettre à l'usage des chercheurs. On a pu prétendre qu'il
exploita toutes ces richesses à son profit. Qui ne l'aurait pas fait à sa
place? Les centaines de publications qu'il laisse, biographies, monogra-
phies, inventaires, rapports, mémoires, généalogies et conférences sont
autant de pièces qu'il a remises en lumière pour éclairer les sentiers de
notre passé.
Fondateur du ^^Bulletin des Recherches Historiques" qu'il rédigea
depuis 1890, jusqu'au moment où la cécité le força à le confier à son
fils, Pierre Georges Roy ramassa encore des masses de documents qui
sont d'une inestimable valeur. S'il n'a rien créé en exhumant les ar-
chives, il les a du moins fait revivre. Il a facilité ainsi la découverte de
bien des mystères qui enveloppaient certains faits de notre histoire.
L'Amérique française doit une profonde dette de reconnaissance à
ce grand travailleur et, aussi longtemps que le Canada se penchera sur
ses archives, il lui faudra évoquer la figure de cet incomparable re-
mueur de "vieux papiers".
La Société Historique avait l'honneur de l'accueillir deux fois à sa
tribune. En 1925, dans une captivante causerie, il nous révélait "les
sources de la petite histoire" , où il excellait lui-même et qui constituent
d'après Michelet la "résurrection de la vie intégrale du passé."
Quatre ans plus tard, il venait nous faire admirer le charme de nos
chères "Légendes Canadiennes", ces poèmes naïfs comme l'écrivait un
jour Chauveau, "que transmet à la jolie jeunesse, avec un saint amour,
la prudente vieillesse". La Société l'avait alors nommé vice-président
d'honneur.
La société s'incline avec respect devant la tombe de ce grand dis-
paru et elle se réjouit de l'avoir compté au nombre de ses précieux
appuis. Elle inscrit pieusement son nom au listel de ses bienfaiteurs.
Il nous revient à la pensée le souvenir de cette froide après-midi
de février, il y a de cela quatre ou cinq ans, alors que nous nous ren-
dions visiter ce vénérable travailleur. Un vent glacial comme seul en
pousse la bise du Saint-Laurent sur la côte de Lévis nous soulevait
presque de terre avec une poudrerie aveuglante.
Un vieillard droit, la barbe fraîchement taillée, nous accueille dans
sa bibliothèque, avec chaleur et affection. Pendant de longs moments,
nous l'écoutions évoquer un long passé hélas qui s'éteint lentement
dans son âme. Il nous semble le voir palpant de ses mains tremblantes
volumes et documents qu'il ne peut plus lire pour nous faire mieux
saisir peut-être tout l'amour qu'il avait déployé à maîtriser les connais-
sances considérables cjui emplissaient son coeur.
C'est la seule fois que nous avons rencontré Pierre Georges Roy et
avec quelques ouvrages autographiés dont il nous avait gratifié, nous
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
emportions l'image d'une soirée délicieuse, celle d'un véritable pèleri-
nage que nous avions accompli à travers les sentiers séduisants de notre
histoire. Piéride Georges Roy a dû laisser bien de ces souvenirs reposants
dans l'âme de ceux qui ont joui du commerce agréable de sa personne.
Hommage à la France
Encore profondément ému de l'honneur que vient de me conférer
la France en me remettant, par son distingué consul général, monsieur
François Charles-Roux la croix de sa "Légion d'Honneur", vous com-
prendrez mon empressement à vouloir dire toute ma reconnaissance au
gouvernement de la République française qui m'enveloppe ainsi de son
affection.
Je me suis souvent réjoui de voir paraître sur la poitrine de mes
compatriotes cette haute décoration de la France, mais je vous avouerai
bien humblement qu'il faut la porter soi-même sur son coeur pour en
apprécier toute la valeur.
Descendant des fondateurs de la Nouvelle-France, après dix géné-
rations de fidélité française sur le sol d'Amérique, de se sentir proclamé
par l'ancienne mère patrie, un modeste mais authentique continuateur
de sa pensée humanisante et chrétienne, voilà une consolation qui se
peut traduire seulement par le même amour que l'on a pu déployer à
se dépenser généreusement au rayonnement d'un héritage culturel qui
nous a été confié avec le don de la Foi.
Après plus de trente ans d'humbles efforts au service de la vitalité
catholique et française auprès de mes compatriotes, je leur laisse cette
pensée qui me réconforte. Dans le domaine des valeurs supérieures, il
n'y a rien au monde qui peut remplacer la satisfaction de demeurer
soi-même et de conserver jalousement dans son âme, et à tous les ins-
tants de sa vie, l'idéal qui nous a été transmis avec la générosité de nos
devanciers.
En cette heure qui m'est bien précieuse, je remercie de nouveau la
France, qui, en m'inscrivant sur la liste de ses témoins officiels, m'invite
aussi à l'aimer et à la servir avec une nouvelle ferveur dans ce qu'elle a
de plus sacré, sa pensée civilisatrice et son verbe immortel!
* M. le consul et mes chers amis, je vous remercie de vous associer
si intimement à mon bonheur et à mes charmants paroissiens de Saint-
Jean-Baptiste de Suncook, qui sont venus partager ma joie, je dis toute
mon affection et mon inaltérable attachement.
* M. le consul adjoint René Cérisoles voulut bien relire la citation
c|ue M. le consul général François Charles-Roux avait adressée à l'abbé
Verrette au moment de la remise, quelques heures plus tôt.
C'est un grand honneur pour moi d'avoir été appelé à représenter
Monsieur le consul général François Charles-Roux remet la
Croix de la Légion d'Honneur à l'abbé Adrien Verrette, prési-
dent de la société, le I I novembre.
MESSAGE DU PRESIDENT |9
ici, ce soir, mon Gouvernement.
Je suis heureux que cette occasion m'ait été donnée car elle me
permet de m'associer à vous tous pour féliciter à nouveau celui qui est
l'âme de la Société Historique et qui depuis tant d'années travaille au
rapprochement de nos deux pays; celui qui, cet après-midi, des mains
du Consul général de France à Boston, recevait les insignes de Chevalier
de la Légion d'Honneur.
C'est donc de tout coeur et bien sincèrement que je redis ce soir à
Monsieur l'Abbé Verrette toutes mes plus vives félicitations pour son
admission dans notre ordre national. Admission qui rend hommage à
son dévouement à la cause franco-américaine, à son inlassable travail
au sein de différentes organisations franco-américaines, et, tout parti-
culièrement à la contribution qu'il a apportée à la rédaction de l'his-
toire de la vie franco-américaine, car c'est surtout l'histoire qui rap-
proche la France et l'Amérique. (J'ouvre une parenthèse ici pour saluer
le brillant historien et conférencier qu'est M. le Chanoine Groulx).
Les diplomates français, et particulièrement ceux qui servent en
Nouvelle-Angleterre ont tout lieu d'être fiers de compter dans leur
circonscription des Américains d'origine française, qui comme l'Abbé
Verrette, font tant pour le rayonnement de notre culture sur ce con-
tinent et pour que survive l'héritage que leur ont légué leurs ancêtres
venus de nos provinces françaises.
Avec votre permission, je voudrais saisir cette opportunité pour
relire maintenant le texte de la citation que lisait le Consul général de
France, Adonsieur Charles-Roux, il y a quelques heures, quand, au nom
du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés, il faisait Adrien Verrette, Ecclésiastique franco-américain.
Chevalier de la Légion d'Honneur:
"Par vos travaux historiques, par vos efforts continuels pour le
maintien de la culture française en Nouvelle- Angleterre, vous vous êtes
acquis des titres éminents à la reconnaissance de la France.
Vous êtes actuellement Président de la "Survivance Française",
Président de la "Société Historique Franco-Américaine" et Directeur
du "Comité d'Orientation Franco-Américain" . Dans chacune de ces
importantes organisations, vous manifestez constamment la plus remar-
quable activité et le plus grand dévouement au service de la pensée
française et de l'amitié franco-américaine" .
M. le chanoine Groulx
Pour la quatrième fois, la Société Historique a l'insigne honneur
de recevoir à sa table, un grand historien, un grand canadien français
et un grand ami. C'est que depuis trente ans et plus déjà, M. le chanoi-
ne Lionel Groulx partage tous nos propos de persévérance et nous con-
20 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
fie à l'occasion des messages remplis de la plus fraternelle bienveillance
comme de la plus lumineuse orthodoxie.
C'est ainsi qu'à Lowell en 1922, devant la Fédération des Sociétés
Franco-Américaines, de sa main de maître, il nous définissait ce que
doivent être les "Amitiés françaises en Amérique" , il en précisait l'utili-
té pour nous tous de chaque côté de la frontière, nous rappelant que
sept et huit générations d'ancêtres communs ne pouvaient pas abolir
dans le coeur de frères le souci de la solidarité culturelle.
A Manchester en 1935, treize ans plus tard, lors d'ime inoubliable
fête patronale, il nous résumait en traits vibrants ^'Notre mission de
français en Amérique" et il terminait par cette note d'espérance
''quand je sens monter autour de moi trop d'inquiétude ou trop d'an-
goisse, une pensée me soutient, et, c'est la magnificence de notre mis-
sion: mission de fidélité, gardiens d'une foi au plus haut idéal: gardiens
d'une foi, gardiens d'un flambeau...."
Ici même au sein de la société en 1918, dans un ordre plus tech-
nique, il nous racontait ''La naissance d'une race" (la nôtre), sujet qui
fut le thème d'un premier cours d'histoire à l'université de Montréal.
Quatre ans plus tard, il nous résumait une page captivante de notre
histoire américaine sur ''Les canadiens et la révolution américaine".
Enfin en 1935, dans une brillante reconstitution des faits, il éta-
blissait comment, les fondateurs de la Nouvelle-France s'étant livrés à
l'aventure "sans savoir au juste sur quel rivage jeter la cargaison, à quel
point précis du continent tenter fortune" avaient fait "Pourquoi Québec
ne fut pas New York."
Après dix-huit ans, M. le chanoine Groulx nous revient, rajeuni
par les ans, portant toujours à ses lèvres l'auréole de la fidélité pour
répondre à cette question que se posent certains des nôtres, inquiets ou
las de persévérer "Y a-t-il un avenir?"
En face de certaines démissions navrantes qui affligent présente-
ment la franco-américanie, il nous semble que le message de M. le cha-
noine Groulx re\ et une valeur saisissante. Je l'invite donc à nous livrer
les secrets de sa profonde méditation d'historien et de sociologue au
sujet de la confiance inébranlable qui doit remplir nos coeurs et nos vies!
Remise de la médaille "Grand Prix"
à Monsieur le chanoine Lionel Groulx
En vous invitant pour la septième fois, au sein de la franco-améri-
canie, pour recevoir de nouveau cette solide nourriture, que depuis plus
de cinquante ans vous dispensez avec tant de générosité et d'amour à
tous vos frères d'Amérique, la Société Historique voulait aussi rendre
hommage à votre illustre carrière qui vous fixe au nombre des grands
historiens sur notre continent.
C'est en 1923 déjà que l'inimitable Olivar Asselin écrivait: "la
gloire propre de l'abbé Groulx, ce qui fait de son cours d'histoire l'hon-
neur incomparable de l'Université de Montréal, c'est d'avoir assis sur
la réalité la plus solidement démontrée les fondements de nos espéran-
ces." Et ne vous a-t-on pas récemment décerné ce titre très enviable
"d'historien de l'avenir", pour un apôtre qui porte allègrement tou-
jours ses soixante-quinze ans.
L'occasion ne se prête peut-être pas à l'énumération de vos nom-
breux ouvrages qui ont établi jusque par delà les mers votre renommée
d'historien de grande classe. Depuis "Une croisade d'adolescents" qui
vous révélait un indéfectible serviteur de votre race et vos premiers vers
où vous chantiez avec tant de sincérité "ils gardent l'avenir ceux qui
gardent l'histoire" votre long apostolat en a été un de générosité qui n'a
jamais modifié son timbre de sincérité et de fidélité à l'héritage des an-
cêtres.
C'est encore Asselin qui écrira: "ces coups de clairons, quel autre
de nos historiens les a prodigués, du moins avec pareil éclat et pareille
autorité, à une noble race que la défaite politique et économique incli-
nait définitivement à tous les abandons."
Et à la suite de la trentaine de vos ouvrages, tous frappés de la
même mystique, de vos innombrables conférences et cours, de vos lumi-
neux mots d'ordre, de vos récentes consignes à la jeunesse, nous voulons
vous dire avec quelle fierté nous avons enfin accueilli votre "Histoire du
Canada français" , en quatre volumes, un ouvrage qui vient couronner
si magnifiquement et avec tant d'autorité, votre oeuvre d'historien.
Et pour tout dire, ne faudrait-il pas encore vous féliciter d'avoir
créé en 1947, malgré le poids des ans, avec cette équipe de vos brillants
disciples "L'Institut d'Histoire de l'Amérique française" dont la savante
revue favorise avec tant de succès, la formation de chercheurs du fait
français en Amérique.
Pour toutes ces raisons et surtout à cause de cette habituelle sympa-
thie dont vous les entourez depuis toujours, les Franco-Américains cher-
22 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
chaient une occasion solennelle pour vous dire leur affection profonde,
leur admiration et leur vénération.
Prêtre du Christ avant tout, homme de lettres et historien, au soir
de votre cinquantenaire sacerdotal qui résume tant de générosité au
service de la vérité et de vos frères, permettez au président de la Société
Historique de vous remettre, au nom de tous ses compatriotes ,cette
médaille "Grand Prix" qui symbolise dans nos coeurs cette imbrisable
solidarité que vous aurez bien des fois préconisée au sein de la franco-
américanie.
Monsieur le chanoine Groulx
En acceptant cette décoration qui le fixait au nombre des grands
serviteurs de la Franco-Américanie, monsieur le chanoine Groulx ajou-
tait: "]'ai reçu quelques médailles dans ma vie. Aucune ne m'a jamais
été offerte avec si grande cordialité. C'est pourquoi du plus profond de
mon coeur, je sens monter le plus fervent de mes mercis".
■m
BUREAU 1953-54:
Debout de gauche, docteur Gabriel Nadeau, secrétaire, docteur Antoine Dumouchel, vice-prési-
dent d'honneur, Lauré B. Lussier, conseiller, Mlle Rhéa Caron, conseiller, docteur Roland Cartier,
secrétaire adjoint. Me Valmore Carignan, vice-président, J. Raymond Lemieux, conseiller. Me Ernest
R. D'Amours, conseiller.
Assis, Monsieur le chanoine Lionel Groulx, l'abbé Adrien Verrette, président, Monsieur le consul
René Cérisoles, Mgr William Drapeau et M. Antoine Clément, trésorier.
Monsieur le président remet à Monsieur le chanoine Lionel Groulx, historien du
Canada français, la médaille "Grand Prix" de la Société.
III
Séance d'étude*
Message du Président
La société inaugure ce soir son 54ème exercice. Je suis heureux de
vous accueillir en son nom. Cette réunion revêt comme vous le savez le
caractère propre à une société d'histoire. Nous y venons pour nous en-
tretenir plus sérieusement des choses de notre histoire franco-améri-
caine.
Aussi nous pourrions bien nous demander: avons-nous jusqu'ici
donné assez de considérations sérieuses à notre histoire? Avons-nous
suffisamment fouillé les traces de nos devanciers pour en dresser un
inventaire qui pourrait démontrer d'une façon péremptoire et impo-
sante notre présence dans cette partie du pays?
Et par cette présence, je ne fais pas allusion aux grands gestes des
explorateurs qui ont déjà été signalés par tous les historiens du continent.
Il s'agit ici du fait franco-américain, tel que nous le constituons depuis
plus d'un siècle, ce déversement de vie catholique et française, venue du
Canada français et qui est représenté aujourd'hui par des milliers d'ins-
titutions que fréquentent plus d'un million de nos congénères.
En 1890, le R. P. Edouard Hamon, jésuite de Montréal, qui avait
visité nos centres, résumait ses recherches et impressions dans un volume
intitulé "Les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre", ouvrage
devenu assez rare et qui nous a rendu service, car il contenait les germes
et certaines explications justes sur la nature de ce mouvement migra-
teur qu'avaient déclanché nos pères, au siècle dernier. Il y a plus de 60
ans de cela. Ce volume devrait se trouver dans les bibliothèques de tou-
tes nos institutions. C'est un document.
En 1913, l'abbé D. M. A. Magnan, qui avait été un peu l'un des
nôtres, publiait chez Charles Amata, à Paris, la deuxième édition, revue
et corrigée, de son "Histoire de la Race française en Amérique" . L'au-
teur y avait tenté avec assez de succès une synthèse sur le rayonnement
français au pays avec une partie assez substantielle sur notre compte en
Nouvelle-Angleterre. Malgré ces nombreuses inexactitudes, l'ouvrage
ne manquait pas de valeur et il est encore très précieux à consulter,
mais il est encore à quarante ans de nous.
Nous avons il est vrai, nombre de monographies assez bien faites qui
ont été publiées à l'occasion de jubilés ou de bénédictions etc., qui ra-
content les gestes de nos devanciers en certains endroits. Quelques autres
ouvrages comme VHistoire de Southhridge, de Félix Gatineau, celle de
* Hôtel Lenox, 27 mai 1953
24 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORigUE
Woonsocket par Mlle Lamarine, l'histoire de nos grandes conventions
nationales et nombre de brochures sur des institutions etc., avec une
"'Histoire de la Presse Franco-Américaine et des Canadiens français aux
Etats-Unis", publiée en 1911, à l'Opinion Publique de Worcester par
Alexandre Belisle. Celle-ci ne manque pas de valeur.
Nos archives sont-elles assez convenables pour nous pemiettre de
songer à une synthèse historique du fait franco-américain?
Depuis assez longtemps, nous écoutons ces récits généraux envelop-
pés d'émotion qui racontent la venue de nos fondateurs, leurs sacrifices
et leurs succès. Nous pourrions retracer nombre de courtes biographies
ou portraits de nos artisans, mais encore là, à l'heure actuelle, possé-
dons-nous assez de matière et de substance pour édifier un monument
définitif?
Et le nombre des ouvriers et chercheurs tend-il à augmenter ou à
diminuer? Nous avons à relever une seule de nos institutions qui ait mis
à son programme l'étude de notre histoire.
Il semblerait aujourd'hui, en plusieurs endroits, que toute cette
affaire de survivance ou d'histoire franco-américaine soit un mauvais
rêve ou un cauchemar dont il faut débarrasser le cerveau de nos enfants
afin de leur permettre une meilleure ascension dans la vie américaine!
Au cours de notre existence plus que centenaire, comment se fait-il
que nous n'ayions pu produire un seul historien de classe, qui aurait
fixé ces valeurs de l'indéniable aventure historique que nous constituons!
Je vous avouerai franchement que cette constatation désole plus
d'un des nôtres. Est-il encore temps d'y songer sérieusement? Je répon-
drai: plus que jamais! Je le crois et notre société peut faire beaucoup
pour provoquer l'apparition de cet historien, avant que trop de nos sou-
venirs soient emportés par les vents.
Ce que nous pouvons faire de suite, c'est de colliger et de publier
de plus en plus les détails sur notre histoire, dans des monographies
sérieuses. Nous pouvons facilement déterrer les gestes grands et petits
de nos devanciers en consultant les aînés.
Je sais qu'il y a plusieurs chapitres de lutte qui seraient difficiles à
traiter, mais la vérité doit-elle être refusée seulement à ceux qui ont
souffert pour la faire respecter?
On se demande parfois, si l'heure ne vient pas ou ce sera une tare
que de se rallier au terme "franco-américain". Vous n'ignorez pas que
trop des nôtres ont déjà pris cette allure navrante.
A tout considérer, il nous semble que l'histoire franco-américaine
25
devrait être écrite d'une façon franche, objective dans un esprit de
vérité et de charité et sur un ton qui ne soit pas provocateur. Nous ne
prétendons pas être les seuls américains qui ont de la grandeur. Nous
voulons simplement faire valoir dans sa juste perspective notre place
au soleil.
Nous Tavons répété bien des fois, hélas, nous gaspillons trop de
temps, chacun de son côté, à perdre ce que nos devanciers ont édifié.
Il y a déjà plusieurs années que nous réclamons un manuel d'his-
toire pour nos écoliers. Il est encore à venir. Il y a plus de vingt ans,
certains propos avaient provoqué un élan qui valut la parution du
Catéchisme Franco-Américain. Celui-ci a rendu des services mais après
tout ce n'est pas un manuel et il possède aucune valeur technique d'in-
formation ou de référence, simple nomenclature de questions et de ré-
ponses.
Je vous avouerai que j'ai fait plusieurs démarches sans succès pour
dénicher un auteur. La tâche n'est pas facile, mais je crois que la So-
ciété Historique devrait maintenir cette préoccupation chez les nôtres,
ce besoin de manuel, etc.
J'irai plus loin, nos anciens ont trop peiné et trop travaillé pour
que nous n'ayions pas le souci de conserver leurs labeurs dans un écrin
ou une grande fresque d'histoire bien à nous. Elle ne manquerait pas de
réduire bien des préjugés ou malentendus contre nous-mêmes et chez
les étrangers. Un pareil ouvrage pourrait être traduit en anglais, même
afin de servir à l'information de ceux qui refusent de nous apprécier
parce qu'ils ne nous connaissent pas.
Depuis quelques années j'ai fréquenté plusieurs sociétés d'histoire
régionale, celles de Montréal, Québec, Sherbrooke, St-Boniface, celle de
l'Ontario Nord et la vivante société du Saguenay. J'ai été émerveillé par
l'intérêt que les membres apportent à la petite histoire. Des hommes qui
ne sont pas par profession des historiens, mais des amants de l'histoire,
ont dressé des inventaires et des découvertes passionnantes. Ces person-
nes sont de toutes les professions et elles aiment à consacrer leurs loisirs
à des choses sérieuses.
Les mêmes réactions devraient se produire chez nous. Il y a tant de
manières à notre disposition et un choix illimité de sujets, etc. C'est un
peu le désir de ceux qui ont demandé la tenue de réunions comme celle-
ci afin de permettre aux véritables intéressés de trouver des formules
pour favoriser l'étude de notre histoire qui s'intègre si bien dans celle
de notre patrie.
Les études qui nous seront présentées ce soir ne manquent pas d'in-
térêt. Nous voulons remercier les auteurs qui ont eu l'amabilité de nous
les soumettre.
25 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
L'oeuvre de Saint-Benoit-du-Lac*
(Dom Jean Anselme Mathys, o.s.b.)
^Résumé du Texte de la Conférence prononcée le 27 mai à la Société
Historique Franco-Américaine par le Très Révérend Père Dom Jean
Anselme Mathys, o.s.b.. Prieur de l'Abbaye Saint-Benoit-du-Lac.
Me voici au milieu de vous à l'invitation de votre si admirable
Président alors que vous êtes tous ici réunis un peu comme au Cénacle
(ne sommes-nous pas dans l'Octave de la Pentecôte).
Ne communions nous pas par notre Foi — notre esprit et notre
culture chrétienne à la même Foi et aux mêmes aspirations de charité
fraternelle et apostolique? ne participons-nous pas sur ce continent
Américain à la vie intime de cette Eglise qui le Jour de la Pentecôte a
reçu le St-Esprit et le don des langues? Esprit de force et de charité tout
ensemble, car la force sans la charité est brutalité cause de haine et de
division; et la charité sans la force est facilement sentimentalité morbide
et faiblesse. Esprit de Vérité et de Justice (de Vérité dans la Charité et
de Justice orientée par la Charité).
On m'invite à vous entretenir de l'oeuvre d'un homme et d'un
saint qui a joué une influence prépondérante dans l'histoire de l'Eglise
et de la Civilisation depuis 14 siècles, on l'a surnommé "le dernier des
Romains", et le Pape Pie XII le saluait dernièrement comme "Le Père
Nourricier de l'Europe". S'il est le père nourricier de l'Europe, pourquoi
ne serait-il pas notre grand-père? Nous ne devons pas oublier cjue tous
nos ancêtres venaient de la vieille Europe. Et le message de St-Benoit,
car c'est de St-Benoit que je veux vous parler, si utile en particulier à la
France d'autrefois, pourquoi ne serait-il pas une inspiration très pratique
pour les Canadiens Français et les Franco- Américains d'aujourd'hui? Si
au dire de St-Grégoire, son biographe, il était "rempli de l'Esprit de tous
les justes", pourquoi ne lui demanderions nous pas de nous obtenir du
Père des Lumières un accroissement de docilité aux dons du St-Esprit
que nous aussi nous avons reçu le Jour de notre Confirmation.
Il y a quatorze cents ans, sentant sa mort prochaine, St-Benoit se
fit porter par ses disciples dans l'église du Mont-Cassin et là, après avoir
reçu la sainte Communion entre les bras de ses fils qui soutenaient ses
membres, défaillants, les mains elvées vers le Ciel, il se tint immobile et,
murmurant des paroles de prière, il rendit le dernier soupir.
La Règle qu'il écrivit et laissait à ses fils et à l'Eglise comme un
testament n'a rien perdu de son actualité et Sa Sainteté le Papie Pie XII
déclarait dans son Encyclique "Fulgens Radiatur": "Si les enseigne-
27
inents, qui portèrent jadis Benoit, ému par eux, à instruire, rétablir et
moraliser la société décadente et troublée de son époque, retrouvaient
aujourd'hui le plus grand crédit possible, plus facilement aussi, sans nul
doute, notre monde moderne pourrait émerger de son formidable nau-
frage, réparer ses ruines matérielles ou morales, et trouver à ses maux
immenses d'opportuns et efficaces remèdes."
L'Ordre fondé par notre Bienheureux Père St-Benoit a donné à
l'Eglise plus de 50 papes, un grand nombre de saints et de saintes ca-
nonisés, des cardinaux, des archevêques, des évêques, des artistes, des
philosophes et de grands historiens et théologiens ... voilà "ses oeuvres"
selon l'expression moderne du mot; si l'on vous demande quelles sont
"les oeuvres des Bénédictins", je compte sur vous pour nous justifier.
Car, que ne dit-on pas sur les moines contemplatifs ... ces êtres inutiles,
égoïstes, utopistes et lâches qui se réfugient dans des monastères pour
fuir le monde et ses luttes? Est-ce bien le temps de s'en aller dans la
solitude pour se livrer à une vie de Prière, de Travail, de Pénitence,
d'Obéissance et de soi disant Charité Fraternelle dans une Atmosphère
de Silence alors que le monde a tant besoin d'hommes politiques intè-
gres et de soldats pour le défendre contre le péril communiste? Ce sont
les mêmes points d'interrogation que se posaient bien des gens au temps
de St-Benoit, le moment où l'Empire Romain s'écroulait sous les inva-
sions des Barbares! Mais la Divine Providence et l'Histoire ont donné
raison à St-Benoit. Soyons donc de ceux qui sont heureux de se mettre
à Son Ecole.
Une Ecole du Service du Seigneur
Car c'est une école qu'il avait la prétention de fonder au Mont-
Cassin en 529, "Ecole du Service du Seigneur" , une famille chrétienne
avec à sa tête un Abbé élu à vie, le père du monastère. Ecole de Prière
et de Travail en commun; école d'obéissance et de charité fraternelle;
école d'hospitalité. Le monastère bénédictin est tout cela. Dieu sait si
nous en avons besoin de ses "Ecoles du Sei-vice du Seigneur" à une épo-
que où l'on méconnaît et sous-estime la valeur et l'importance de la
prière — où l'on ne veut plus travailler ou travailler le moins possible
— où le cri général est un cri de révolte et de "non serviam" ... plus de
devoirs mais seulement revendications de droits et de libertés! Dieu sait
si nous en avons besoin de ces écoles de charité fraternelle à un moment
où la discorde et la haine régnent dans le monde même chrétien! Je
cède encore la parole au Souverain Pontife dans son Encyclique "Fui-
gens Radiatur" écrite à l'occasion du quatorzième centenaire de la mort
de St-Benoit: "Notre saint patriarche nous fournit encore une autre
leçon, un autre avertissement, dont notre siècle a tant besoin: à savoir
que Dieu, ne doit pas seulement être honoré et adoré; il doit être aussi
aimé, comme un Père d'une ardente charité. Et parce que cet amour
28 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORigUb
s'est malheureusement aujourd'hui attiédi et allangui, il en résulte qu'un
grand nombre d'hommes recherchent les biens de la terre plus que ceux
du Ciel, et avec une passion si immodérée, qu'elle engendre souvent des
troubles, qu'elle entretient les rivalités et les haines les plus farouches.
Or, puisque le Dieu Eternel est l'auteur de notre vie et que de lui nous
viennent des bienfaits sans nombre, c'est un devoir strict pour tous de
l'aimer par-dessus toutes choses et de tourner vers lui, avant tout le reste,
nos personnes et nos biens. De cet amour envers Dieu doit naître ensuite
une charité fraternelle envers les hommes que tous, à quelque race, na-
tion ou condition sociale qu'ils appartiennent, nous devons considérer
comme nos frères dans le Christ, en sorte que tous les peuples et toutes
les classes de la société se constituent une seule famille chrétienne, non
pas divisée par la recherche excessive de l'utilité personnelle, mais cor-
dialement unie par un mutuel échange de services rendus".
Ici le conférencier donne quelques exemples pratiques pour la vie
courante et continue: "J'ai l'honneur de parler à une Société d'histoire,
il n'est donc pas hors de propos de vous citer le témoignage d'un grand
historien des Moines, Montalembert; dans sa préface "des Moines d'Oc-
cident" il affirme: "On admire les oeuvres des Romains; maîtres et
tyrans du monde, ils usaient la sève de cent peuples divers à créer les
constructions que les archéologues et les érudits nous ont appris à placer
au-dessus de tout. Mais que ne faudrait-il donc pas dire de ces moines,
pauvres solitaires? Ils n'ont jamais rien pris à personne; mais sans ar-
mes, sans trésors, avec la seule ressource de l'aumône spontanée, et grâce
à leurs propres sueurs, ils ont couvert le monde d'édifices gigantesques,
qui lassent encore maintenant la pioche des vandales civilisés."
"Ils ont achevé ces oeuvres dans les déserts, sans routes, sans ca-
naux, sans machines, sans aucun des instruments puissants de l'industrie
moderne, mais avec une patience et une constance inépuisables, et en
même temps avec un goût, un discernement des conditions de l'art que
toutes les académies pourraient leur envier. Disons plus: il n'y a pas de
société au monde qui ne puisse aller à leur école pour y apprendre à la
fois les lois de la beauté et de la durée."
Permettez-moi de vous affirmer que les moines bénédictins du
vingtième siècle continuent cette tradition et vous n'ignorez pas toute la
renaissance architecturale due au moins Dom Paul Bellot; le dôme de
l'Oratoire St- Joseph du Mont-Royal, dont nous sommes tous fiers, est
son oeuvre, et ses restes mortels reposent dans le cimetière de notre ab-
baye de St-Benoit-du-Lac, son dernier chef-d'oeuvre!
L'Abbaye de Saint-Benoit-du-Lac
Fondé en 1912 par des moines bénédictins venus de France, doté
d'un noviciat en 1924, érigé en Prieuré Conventuel en 1935, le monas-
29
tère de St-Benoit-du-Lac compte plus de soixante-dix moines dont trois
américains et un mexicain. Un rescrit Pontifical du 25 juillet, promul-
gué le 23 septembre 1952, a élevé le monastère à la dignité d'Abbaye.
Notre abbaye de St-Benoit-du-Lac est située dans la Province de
Québec (archidiocèse de Sherbrooke), sur la rive nord-ouest du Lac
Memphremagog, à quelques milles de Magog et de Newport, Vermont;
elle est facilement accessible par la route # 1 venant de Montréal ou de
Québec, par la route U. S. #5 passant à Newport. Un endroit idéal
pour la vie monastique, perdu au milieu des montagnes sur les bords
enchanteurs de l'un des beaux lacs de notre continent Américain ... per-
mettez-moi de vous raconter un souvenir personnel qui se trouve à être
une prophétie: En 1938, quand il s'était agi de décider de l'endroit dé-
finitif où nous ferions la construction de notre monastère à l'épreuve du
feu, on m'avait envoyé consulter notre grand ami et bienfaiteur le Car-
dinal Villeneuve, archevêque de Québec. Après quelques remarques sur
les avantages et les desavantages de notre grande solitude, loin de Mont-
r'al et loin de Québec, à trente milles de Sherbrooke, le Cardinal me
dit en me montrant une carte routière ... "vous êtes plus prêts de Boston
que vous ne l'êtes de Rimouski, je suis certain qu'un jour votre rayon-
nement spirituel et culturel sera grand aux Etats-Unis!"
Foyer de vie contemplative et d'hospitalité
St-Benoit-du-Lac est la seule abbaye de moines bénédictins con-
templatifs sur le continent Américain; nous avons hérité heureusement
de la tradition plusieurs fois séculaire de la Congrégation bénédictine
de France, et cette fidélité à la tradition est un puissant ferment de
stabilité au milieu de l'effervescence actuelle des théories et des idées;
elle est un apport nécessaire à la culture d'inspiration latine et française
et à la civilisation chrétienne sur le continent américain. Je crois bien
sincèrement que nous pouvons vous rendre service et je tiens à vous dire
que les portes de notre hôtellerie vous sont grandes ouvertes .... Nous
avons gardé à St-Benoit-du-Lac les enseignements des Apôtres et de
notre Bienheureux Père qui recommandent si fortement la vertu d'hos-
pitalité.
Notre hospitalité permet à tous ceux, prêtre et laïcs, qui veulent
participer quelques instants ou quelques jours à notre prière de trouver
le silence, le repos et la paix. En suivant les offices, en prenant leurs
repas avec les moines dans le même réfectoire, les hôtes ou visiteurs de
passage trouvent dans cette atmosphère toute familiale un réconfort
moral qui devient un secours spirituel et une inspiration. En effet, tout
chrétien désireux de vivre plus intégralement sa vie familiale et sociale
peut s'inspirer des principes de la Règle de St-Benoit.
Il n'est pas normal pour l'homme de vivre seul, la vie sociale est
aussi ancrée au coeur de l'homme que l'Amour au sein de l'Adorable
30 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Trinité, car Dieu, notre Créateur et Notre Père n'est pas seul. Il en-
gendre éternellement Son Fils et de cet élan mutuel d'Amour procède
le Saint-Esprit. Sous l'inspiration du Saint-Esprit, c'est une Cellule Fa-
miliale Complète que St-Benoit allait donc fonder sur le haut de sa
sainte montagne et rien de surprenant à ce qu'elle soit devenue par le
monastère bénédictin le type parfait des familles chrétiennes de l'Eu-
rope, cellules familiales et sociales d'où sortiraient comme d'un tronc
toute notre civilisation.
Permettez-moi de vous citer encore la parole pontificale à l'appui
de ma thèse. Notre Saint-Père reprenant un texte du Panégyrique de
Saint-Benoit par le grand prédicateur Bossuet dit: "Dans la vie béné-
dictine, la prudence se joint à la simplicité, l'humilité chrétienne s'as-
socie au courage généreux; la douceur tempère la sévérité et une saine
liberté ennoblit la nécessaire obéissance. En elle, la correction conserve
toute sa vigueur, mais l'indulgence et la bonté l'agrémentent de suavité;
les préceptes gardent toute leur fermeté, mais l'obéissance donne repos
aux esprits et paix aux âmes; le silence plaît par sa gravité, mais la
conversation s'orne d'une douce grâce; enfin l'exercice de l'autorité ne
manque pas de force, mais la faiblesse ne manque pas de soutien."
Sagesse de la Règle de Saint-Benoit
Que de sagesse et pour notre vie familiale et pour notre vie sociale
dans ces conseils de St-Benoit à celui qui vient d'assumer la direction
paternelle, au chef et au père de l'Abbaye: "Il doit songer davantage à
être utile qu'à être le maître ... davantage à être aimé qu'à être craint ...
qu'il soit docte dans la loi divine et qu'il sache puiser les maximes an-
ciennes et nouvelles ... qu'il dispose toutes choses afin que les forts dé-
sirent faire davantage et que les faibles ne se découragent pas." Que de
pages splendides et combien pratiques sur l'humilité et l'obéissance, sur
le travail et la mesure du boire et de la nourriture; sur les qualités d'un
bon administrateur des biens matériels. Que dire des chapitres de sa
Règle sur l'importance de la louange divine sur "l'Oeuvre de Dieu"
"Opuis Dei" à laquelle il ne faut absolument rien préférer!
Nécessité urgente de St-Benoit-du-Lac
C'est un honneur pour tout homme conscient de sa responsabilité
sociale d'aider à la construction d'un hôpital — d'une école scientifique,
d'un collège, d'une bibliothèque — d'un musée d'art ou d'une univer-
sité! Quel plus grand honneur encore de contribuer soit par ses prières,
soit par son dévouement personnel, ou un sacrifice d'argent à la cons-
truction d'un monastère contemplatif bénédictin: Centre d'Adoration
— Centre de Culture — Centre d'Hospitalité! Je compte sur vous pour
être des apôtres de la bonne cause dans vos milieux respectifs.
31
Notre vie doit être un Témoignage
Gardez votre foi agissante de vrais franco-américains fidèles aux
traditions ancestrales; qu'elle soit un témoignage au Christ au milieu de
cette grande nation où vivent plus de 60,000,000 d'hommes qui ne sont
pas baptisés et n'ont pas le privilège d'être enfants de Dieu! Aimez
l'Eglise — • aimez son enseignement — encouragez ses oeuvres — de-
meurez fidèles à une vie paroissiale fervente. Et si pour vivre d'une telle
Foi, vous avez à souffrir, faut-il vous en surprendre? N'est-ce pas la
marque du vrai disciple du Christ? Même si vous aviez à souffrir per-
sécution pour la justice, ne succombez pas à la tentation de tout aban-
donner ou de vous révolter — ni l'une ni l'autre de ces attitudes n'est
constructive ni grande! Méditons ensemble, si vous le voulez bien ces
paroles sublimes et combien vraies de l'encyclique Pontificale "Mystici
Corporis", la lettre du Pape sur l'Eglise: "Que si l'Eglise manifeste des
traces évidentes de la condition de notre humaine faiblesse, il ne faut
pas l'attribuer à sa constitution juridique, mais plutôt à ce lamentable
penchant au mal des individus, que son divin Fondateur souffre jusque
dans les membres les plus élevés de son Corps mystique dans le but
d'éprouver la vertu des ouailles et des pasteurs, et de faire croître, en
tous, les mérites de la foi chrétienne; si donc certains membres de l'Egli-
se souffrent de maladie spirituelle, ce n'est pas une raison de diminuer
notre amour envers l'Eglise, mais plutôt d'augmenter notre piété envers
ses membres."
Gardez également votre patriotisme, qu'il soit toujours loyal à votre
pays et vous porte à "Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui
est à Dieu" ... patriotisme éclairé qui vous portera sur le Continent Nord
Américain à ne pas sacrifier vos origines et votre langue — votre culture
et vos traditions, bien au contraire qui vous portera à faire bénéficier
votre pays et vos frères de toute la richesse de votre patrimoine français
et canadien français ... patriotisme enrichissant qui vous portera à être
vous-mêmes sans mépriser ou bouder les autres — mais à les enrichir en
les éclairant et même en les retenant par les procédés toujours les plus
courtois mais aussi avec une patience et une persévérance à toute épreu-
ve et une expression de conviction ouverte et franche qui sache cepen-
dant toujours demeurer respectueuse des droits de toute autorité légitime
... abandonnant au Seigneur Juste Juge les jugements et les châtiments.
Plus que jamais dans notre histoire, il faut tous ensemble nous don-
ner la main, contemplatifs et actifs, prêtres et laïcs, catholiques de races
différentes et de cultures différentes pour assurer le travail de recons-
truction du monde cjui attend notre génération. Vous pouvez compter
sur l'Ordre de St-Benoit; de notre côté, nous comptons sur vous pour
nous aider à mener à bien l'oeuvre monastique commencée il y a qua-
rante ans à peine sur les bords du lac Memphremagog.
32 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Il y eut présentation d'un film documentaire excellent de l'Office
National du Film canadien sur "Les Moines de St-Benoit" et le Très
R. P. Prieur de St-Benoit-du-Lac au nom de Son Abbé, le Rme. Père
Dom Odule Sylvain, o.s.b., remit au Président de la Société Franco-
Américaine, Monsieur l'Abbé Adrien Verrette, une magnifique médail-
le en bronze de St-Benoit, oeuvre du sculpteur français Fernand Py,
oblat bénédictin, gage d'union fraternelle et de reconnaissance.
II
La Blessure du Major Mallet
(Gabriel N ad eau)
L'exposition pan-américaine battait son plein à Buffalo depuis le
printemps de 1901 lorsque le Président McKinley décida de la visiter
en septembre. Arrivé le 5, il voulut le lendemain tenir audience dans le
Temple de la Musicjue pour recevoir les hommages de la foule.
Parmi ceux qui s'avançaient à la file ce jour-là pour offrir leurs
respects au Président, se trouvait un homme du nom de Czolgosz. De
taille moyenne et de mine respectable, il portait un pansement à la
main droite. Du moins sa main était enveloppée d'un mouchoir et il
marchait en serrant de près celui qui le précédait. Bientôt son tour
arrive et le voilà en face de McKinley qui, le sourire aux lèvres, avance
la main pour prendre la sienne. A cet instant, un coup de feu se fait
entendre et aussitôt après, un deuxième. Ce faux bandage en effet
cachait un revolver. Stupéfait, le Président chancelle, puis il s'affaisse
dans les bras de Cortelyou son secrétaire en s'écriant: "Am I shot?"
La première balle avait atteint McKinley en pleine poitrine; l'au-
tre, dans la région de l'estomac. Pourtant la main de l'assassin n'avait
pas paru remuer pendant l'attentat. Comment alors, si la direction du
tir était restée la même, le Président reçut-il des blessures si éloignées
l'une de l'autre? On prétend qu'après le premier coup, soit par frayeur,
soit pour s'élancer sur son meurtrier, il s'éleva sur le bout des pieds,
recevant ainsi la deuxième balle dans l'abdomen.
Sur la table d'opération on constata que la blessure de la poitrine
n'était en réalité qu'une éraflure, la peau n'ayant pas même été percée;
mais l'autre pénétrait dans l'abdomen jusqu'à la paroi postérieure.
L'orifice d'entrée de la balle — une balle de calibre .32 — était située
environ deux pouces à gauche de la ligne médiane et à peu près à
mi-chemin du mamelon et du nombril. On sonda la blessure. La direc-
tion générale en était de haut en bas et de dedans en dehors. On fit
une incision parallèle à la ligne médiane et passant par l'ouverture de
33
la plaie. A l'ouverture un morceau d'habit s'échappa des tissus grais-
seux qui capitonnent habituellement les organes abdominaux et qui,
chez McKinley, étaient très abondants.
Le premier organe qui se présenta à la vue des chirurgiens fut
l'estomac. On le tira au dehors pour l'examiner. Ce sac ressemble à une
cornemuse. Sur sa face antérieure, près de la grande courbe, apparut
un trou béant d'un peu plus d'un demi-pouce de diamètre aux bords
nets et bien tranchés, comme si le morceau avait été enlevé à l'emporte-
pièce. Sur la face postérieure se trouvait une autre ouverture, à peu
près vis-à-vis de la première, mais plus grande et avec des bords déchi-
quetés. L'estomac avait donc été perforé en deux endroits et comme
ces plaies occupaient la partie la plus déclive de l'organe, tout aliment
qu'on introduirait plus tard par la bouche entrerait tout de suite en
contact avec elles.
Après avoir suturé l'estomac, on examina les intestins et les or-
ganes voisins, qu'on trouva intacts. On passa ensuite quelques minutes
à chercher le projectile qui s'était ou arrêté sur la paroi du dos ou per-
du dans les muscles de cette paroi, mais on ne réussit pas à le repérer.
Le Président survécut sept jours à ses blessures. A l'autopsie on
découvrit plus de ravages qu'on n'en avait soupçonnés, car la balle
avait touché le rein gauche et très probablement aussi le pancréas.
Pendant que le Président succombait lentement à ses blessures, un
homme, à Randolph dans l'Etat du Maryland, suivait avec la plus
grande attention les diverses péripéties de sa maladie. C'était le major
Edmond Mallet. Un jour qu'il venait de lire les dernières nouvelles, il
déclara à des amis qui le visitaient, Wilfrid Rouleau et sa femme: "Le
Président a reçu les mêmes blessures que moi pendant la guerre de
Sécession." § Mais peut-être conviendrait-il d'abord de rappeler qui
était le major Mallet.
Engagé volontaire pendant la guerre de Sécession, haut fonction-
naire de l'Etat, agent du gouvernement auprès des tribus indiennes du
Pacifique, on peut dire que Mallet fut l'une de nos gloires nationales
aux Etats-Unis. Il fut un patriote sincère et éclairé et amassa une large
collection d'ouvrages se rapportant à l'histoire de la France en Améri-
que. Cet intérêt l'amena à publier des travaux qui se lisent encore avec
plaisir et profit. Pendant les troubles du Nord-Ouest il se trouva un
moment mêlé à la politique du Canada parce qu'il avait été confident
et protecteur de Riel. Jusqu'à la fin de sa vie il joua auprès de ses com-
patriotes un rôle de premier plan. En mourant, il laissa une correspon-
dance qui témoigne de son activité et de son influence dans les domaines
les plus divers, et une bibliothèque qui perpétue le souvenir de son nom.
A l'époque qui nous occupe, il avait près de 60 ans.
34 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Mallet avait été blessé au ventre par une balle de fusil à la bataille
de Gold Harbor, le 3 juin 1864. Le projectile l'atteignit à trois pouces
du nombril, pour aller sortir au même niveau par le dos, un peu à droite
de la colonne vertébrale. En sortant, il frôla et peut-être fractura une
pointe des vertèbres lombaires.
Quelques années après la guerre, en 1873, le Gouvernement décida
de publier un ouvrage qui s'intitulerait Histoire médicale et chirurgicale
de la Guerre de Sécession. Ce recueil, qui devait former un véritable
traité de médecine et chirurgie militaire, comporterait pour chaque
section un certain nombre de cas particuliers qui seraient étudiés dans
le détail. Pour la section de l'abdomen la blessure de Mallet fut jugée
d'un intérêt si grand qu'on la prit pour blessure-type et on s'adressa au
major pour en connaître toutes les circonstances. J
Depuis cet événement près de dix années s'étaient écoulées. Mais
pendant son séjour à l'hôpital Mallet avait heureusement tenu un jour-
nal dans lequel il notait les symptômes de sa maladie et les étapes de sa
longue convalescence, de sorte que, mettant ce journal à profit, il se
trouva en mesure de rédiger pour l'ouvrage qu'on préparait un mémoi-
re qui frappa par l'observation des détails et la précision des souvenirs.
Pour l'illustrer les éditeurs firent photographier les cicatrices que Mallet
portait encore et tirer une gravure sur bois qu'on conserve toujours au
Musée médical de l'Armée, à Washington.
Voici le récit de Mallet.
Je fus blessé à la bataille de Gold Harbor, alors que je servais
comme adjudant au 81ème New- York-Infanterie, appelé aussi le 2ème
Oswego-Infanterie. Mon régiment, qui était avec l'Armée du Potomac,
faisait partie de la première brigade sous les ordres du brigadier-général
Marston, de la première division sous les ordres du général Brooks et du
dix-huitième corps d'armée commandé par le général Smith.
Il était environ cinq heures du matin et c'est en chargeant les re-
tranchements ennemis que je reçus ma blessure. Je tombai à 15 pas à
peu près des travaux de défense que nos soldats essayaient d'emporter
avec leurs fusils non amorcés. Je reçus le coup dans le flanc gauche. Je
me rappelle très bien les sensations que j'éprouvai au moment où la
balle me frappa. Ge fut comme si un boulet de canon m'eût fracassé la
hanche. Il me sembla que ce boulet me déchirait les entrailles pour
s'arrêter dans l'os de ma cuisse droite. Je vis des étincelles et des toiles
d'araignées couvertes de rosée qui brillaient au soleil. En même temps
j'entendais un grondement sourd et monotone, comme celui que fe-
raient les cataractes d'un fleuve éloigné.
Les dents me claquaient dans la bouche et je sentais mon sang qui
m'emplissait les yeux, les oreilles et le nez. Je le sentais jusque dans le
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bout des doigts et des orteils. Toutes ces sensations, je les éprouvai dans
l'espace de quelques secondes, pendant que je faisais des efforts pour
me relever; mais je m'affaissai bientôt la face contre terre. Dans ma
chute je ressentis soudain un coup violent à la nuque.
Je perdis connaissance. Des cris de joie me firent revenir à moi.
De peur d'être piétiné par les soldats qui avançaient derrière moi, je fis
un effort désespéré pour me remettre debout. Courbé comme un hom-
me qui a les reins cassés, la courroie de mon sabre entortillée autour du
poignet droit et le fourreau dans la main gauche, je fis une quarantaine
de pas, de misère et de chicane, vers l'arrière de nos lignes. Bientôt je
me trouvai dans un bois, situé à la droite, et là je remarquai des soldats
qui se tenaient cachés derrière les arbres. Cela me mit en colère et je
perdis connaissance une deuxième fois. Je me souviens ensuite que des
soldats d'un régiment du Massachusetts me placèrent sur un brancard
pour me porter à une ambulance.
Au cours de la journée on me donna un morceau de biscuit trempé
dans du vin, que je rendis bientôt. Quelqu'un me couvrit d'une toile
caoutchoutée pour me protéger de la pluie qui tombait, mais un hom-
me qui passait me la prit. Je voulus l'en empêcher, mais je n'en avais
pas la force, et puis ma blessure me causait des douleurs atroces dans le
dos. Je n'ai qu'un souvenir assez vague de mon arrivée à l'hôpital de
notre division. Je me rappelle cependant la visite du Dr Rice, qui sonda
ma plaie. Je l'entendis demander à un ami qui se tenait près de mon
lit de s'assurer de ma montre et des objets de valeur que j'avais en ma
possession. J'en conclus que mon état était désespéré et qu'on allait
expédier ces objets à ma famille.
Au cours de l'après-midi je fus mis dans une ambulance et trans-
porté au Temple de Bethsaïde (Bethesda Church). Le lieutenant Mc-
Kinney m'accompagnait. Nous passâmes tous les deux la nuit dans cet-
te chapelle et le lendemain matin nous reprîmes notre route. Le chemin
était rempli d'ornières. Des blessés qui avaient la force de marcher nous
suivaient à pied et je me souviens qu'ils mettaient souvent l'épaule à
l'ambulance pour l'empêcher de verser. Tard dans l'après-midi du 4
juin, nous arrivâmes à White House Landing qui se trouve sur la ri-
vière York. J'éprouvais toujours de grandes souffrances, ne respirant
qu'avec beaucoup de difficulté, ce qui aggravait mes douleurs. Mais je
buvais de l'eau et cela me soulageait. On m'embarqua sur un bateau-
hôpital et on m'étendit sur le pont oii j'étais exposé à la brise. Mais le
vent qui me frappait en plein visage, au lieu de rendre ma respiration
plus facile, me coupait le souffle. Ma faiblesse était très grande. Le
capitaine Tyler de mon régiment, et d'autres personnes aussi m'ont
raconté depuis que l'on me considérait comme un homme fini. Je n'ai
souvenir de rieai jusqu'à mon arrivée à Alexandria. Enfin nous attei-
36 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIÇUE
gnîmes Washington et je demandai à être transporté à l'hôpital
Douglas. On se mit en frais de débarquer les blessés et bientôt je res-
tai seul sur le pont. Je crus qu'on m'abandonnait. Enfin des infirmiers
arrivèrent avec une civière pour me porter à l'hôpital de l'Armory
Square, plus rapproché du débarcadère que l'hôpital Douglas. Je fus
admis dans la salle I aux environs de minuit.
Le lendemain 6 juin, dans la matinée, le Dr Goolidge, médecin-
inspecteur, vint faire l'examen de mes blessures. En relisant les notes
que j'ai prises dans le temps, je constate que souvent au cours de la
semaine qui suivit mon entrée à l'hôpital je n'avais connaissance de
rien. Le 12 cependant je parvenais à lire les gros titres de gazettes. Le
15 j'éprouvai une douleur violente dans les intestins. Ma vue aussi
s'améliora petit à petit et le 22 juin je commençai à tenir un journal.
J'étais sous les soins de l'assistant chirurgien Bowen qui était alors de
service.
Le 27 je mangeai quelques mûres sauvages qui me rendirent ma-
lade. Je passai deux jours accablé et fiévreux. Le 1er juillet je ressentis
de fortes coliques et le 3 le Dr Bliss vint me voir. Je prenais du mieux
cependant et le 5 juillet je me sentis assez bien pour demander mon
congé. Le 6 je pus m'asseoir dans un fauteuil. Le 12, en changeant le
pansement de ma plaie, on remarqua quelques grains de mûres sur la
charpie. Le 17 je bus un verre d'eau de Seltz, que je rendis par le côté
dans l'espace d'une quinzaine de minutes. L'eau bouillonnait et, en
sortant, décolla le diachylon ainsi que les compresses que ce bandage
maintenait en place, entraînant un épanchement abondant de couleur
jaunâtre qui empestait et souilla mes vêtements.
Dix jours plus tard on me porta à la gare sur un brancard, oi^i je
pris le train de New- York. De là je voyageai par bateau jusqu'à Albany
d'où je me rendis à Oswego. J'y arrivai le 29. Le Dr C. P. P. Clark du
Fort Ontario m'attendait. C'est lui qui était désoiTnais chargé de me
soigner.
Le régime qu'on m'avait forcé de suivre jusque-là m'avait presque
fait mourir de faim. A part ça, mon pansement me faisait souffrir énor-
mément chaque fois qu'on le changeait. De temps en temps on ex-
trayait de ma plaie tantôt des morceaux de chemise ou de pantalon,
tantôt des morceaux de bretelle. Au-dessous de l'orifice il y avait une
tumeur qui était très douloureuse. Des chirurgiens étaient d'avis que la
balle se trouvait logée dans cette tuméfaction; d'autres pensaient plutôt
que c'était un éclat de la onzième côte. Le 1 1 août je fis quelques pas
pour la première fois. Le 26 cette masse dont je viens de parler me fai-
sait tellement souffrir que les chirurgiens décidèrent de l'ouvrir. C'est
le Dr Clark qui pratiqua l'opération, deux jours plus tard. Il trouva un
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gros bouton de métal qui avait pénétré dans les chairs sous la force de
la balle.
Le 1er octobre je fis le voyage d'AnnapoIis pour subir un examen
devant le bureau médical et, le 31 du même mois, sur les recommanda-
tions d'un conseil de guerre présidé par le général Graham, je fus li-
cencié avec mention honorable pour blessures reçues sur le champ de
bataille.
Dans le cours de l'année suivante ma santé s'améliora assez pour
me permettre de m'occuper d'écritures. Depuis cette date jusqu'à au-
jourd'hui elle s'est maintenue passablement bonne. Quand le temps est
à l'humidité cependant j'éprouve souvent des douleurs dans la colonne
vertébrale. Je ressens toujours une faiblesse dans le côté gauche et dans
le bras gauche, et si je fais une marche un peu longue, je boite de la
jambe gauche. Il est peut-être utile d'ajouter qu'au moment de ma
blessure je n'avais pas mangé depuis deux jours.
Voilà le récit du major. Voyons maintenant si, comme il le pré-
tendait, ses blessures ressemblaient bien à celles de McKinley. Cette
comparaison ne sera pas facile parce que la nature de ses blessures in-
ternes ne nous est qu'imparfaitement connue. Pour McKinley au con-
traire, nous savons exactement qu'elle en était l'étendue. Nous le savons
par l'opération et par l'autopsie. Mallet ne fut pas opéré. On n'osa pas,
sans doute parce que son état était sans espoir, aller suturer des organes
qu'on savait perforés.
Pour nous servir de guide dans cette comparaison, nous possédons
à part les notes de Mallet le dossier tenu par ses médecins à l'hôpital.
Ces deux sources d'information, si elles ne sont pas complètes, suffiront,
je crois, pour les besoins de notre étude.
En premier lieu on peut présumer que Mallet, à cause du caractère
de sa plaie, a été blessé par une balle Minié, projectile qui tire son nom
du Commandant Claude-Etienne Minié, un Français qui est aussi l'in-
venteur d'un fusil. Le gouvernement américain avait plusieurs milliers
de fusils et de cartouches Minié en magasin dans les ports et arsenaux
du Sud au moment de la rébellion, armes dont les Sudistes, il va sans
dire, se servirent contre les troupes du Nord. La balle Minié avait ceci
de particulier que sa base était évidée. Les gaz d'explosion, s'engouf-
frant dans cette espèce d'entonnoir, augmentaient la circonférence de
la balle, dont la base se fragmentait généralement en frappant un obs-
tacle.
Quels sont les organes susceptibles d'avoir été touchés par la balle
qui abattit Mallet? Il y a d'abord l'estomac. Il ne semble pas avoir été
perforé. On se rappelle que Mallet termine son récit par ces mots : "Au
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
moment de ma blessure je n'avais pas mangé depuis deux jours". L'es-
tomac, à jeun depuis si longtemps, se trouvait rétracté sur lui-même,
donc vraisemblablement en dehors du trajet que parcourut la balle. Et
puis Mallet nous dit qu'il boit de l'eau à plusieurs reprises pendant la
journée, sans rendre ce liquide ni par la bouche ni par sa plaie. Il est
vrai que le biscuit trempé de vin il le vomit aussitôt après l'avoir man-
gé; mais ce vomissement, le seul que nous rapporte le récit, peut s'ex-
pliquer par l'état de choc dans lequel dut se trouver tout le système
nerveux abdominal après le passage de la balle. De plus, si l'estomac
avait été perforé, les chirurgiens auraient été en face d'un ensemble de
symptômes tout différent de celui qu'ils ont noté.
Les intestins, eux, ont été perforés; il n'y a aucun doute là-dessus.
Mais dans quelle partie? Dans la partie qui s'appelle colon ou gros
intestin et qui longe le flanc gauche. Nous le savons par les commen-
taires du Dr Otis qui a consulté non seulement le dossier de Mallet à
l'hôpital de l'Armory Square, mais aussi les notes des chirurgiens mili-
taires qui soignèrent le major: le Dr Rice du régiment de Mallet, les
Drs Porter, Bowen et Vanderkieft. "Dr. Bowen remarks, écrit Otis,
that the évidence of extensive destruction of the wall of the descending
colon was conclusive ... The évidence of the intestinal lésion consisted
in a copious fecal discharge from the wound, which persisted for several
weeks, while the patient was at Armory Square. "f
Mais nous aurions pu, avec le seul récit de Mallet, déduire une
lésion sur le cours de l'intestin et cette lésion la situer dans la partie
descendante du colon. Le 27 juin Mallet mange des mûres dont on re-
trouve les graines sur le pansement quelques jours après. Ce renseigne-
ment nous suffit à conclure que la cavité intestinale communiquait avec
le dehors, et cela à une distance assez éloignée de l'estomac puisque les
graines mettent un temps considérable à apparaître sur la charpie.
Passons maintenant au pancréas, organe qui avoisine l'estomac et
joue un rôle essentiel dans l'économie, car il secrète l'insuline. Chez
McKinley la balle avait provoqué une inflammation aiguë du pan-
créas.. Toucha-t-elle cet organe chez Mallet? Pas directement, nous
pouvons l'affirmer. Cependant, n'y aurait-il pas eu traumatisme, choc
indirect subi par le pancréas et amené par une réaction inflammatoire
dans le voisinage immédiat? Disons que Mallet souffrit de diabète pen-
dant de nombreuses années et qu'il finit par succomber à cette maladie.
Sa blessure aurait-elle été la cause éloignée et de sa maladie et de sa
mort? Il est impossible de répondre catégoriquement à cette question.
Dans le récit de Mallet on relève un détail bizarre qui reste inex-
plicable. Après avoir parlé des symptômes de sa maladie il dit tout à
coup: "Ma vue s'améliora petit à petit". Nous apprenons pour la pre-
39
mière fois qu'il souffrait de troubles de la vision. Il est impossible d'ex-
pliquer cette cécité temporaire. L'histoire médicale cependant nous
fournit un exemple qui n'est pas loin d'être analogue à celui de Mallet.
En 1854 le Dr Cole, médecin célèbre de San Francisco, se tire par
accident une balle de revolver à travers l'estomac. ''Ail the learned men
were quite concerned, écrit son biographe, for the patient was very low
and there was small hope that his life could be saved. It was obvious
that the bail had travelled not only into, but entirely through the
stomach. Besides having the usual difficulties attendant upon a wound
of this nature, Dr. Cole was stone blind, a phenomenon which nobody
understood."!!
Mallet ne se rétablit jamais complètement de sa blessure. Les
grandes lacérations, les arrachements créés par la balle ne purent se
réparer qu'au prix de larges cicatrices rétractiles dans les muscles du
ventre, dans ceux du dos et dans les viscères abdominaux eux-mêmes.
N'oublions pas non plus que le bouton de métal, poussé dans les chairs
par la balle, avait agi à la manière d'un autre projectile, causant de ce
fait des dégâts autonomes. Avec les années ce bouton finit par prendre
une importance prépondérante dans les souvenirs de Mallet, et il le
blâmait tout autant que la balle pour ses infirmités. Son neveu Francis
Hurtubis, de Boston, m'écrivait il y a quelques années: "I hâve heard
my uncle talk about his wound, when visiting my grandmother's home
in Oswego, and, as I recall, it was the resuit of a bullet shot against the
button on the side of his trouser waistband, which button was driven
into his body, and one Joseph Monette, a brother soldier, picked him
up in a dying condition and carried him to the rear. After some hos-
pitalization, he recovered, but the wound affected him for many years
throughout his life. I believe he had to wear a corset to protect him-
self".
A cette époque-là, une plaie pénétrante de l'abdomen, du genre de
celle de Mallet, était presque toujours mortelle. Aussi sa guérison éton-
na-t-elle tout le monde. Quelques-uns crièrent au miracle; d'autres y
virent seulement le résultat des soins habiles dont Mallet avait été en-
touré.
En 1881. en pleine gare de Washington, Charles Guiteau abattait
le Président Garfield d'un coup de revolver. Au cours du procès de
Guiteau, Robinson son avocat voulut assigner Mallet pour la défense.
La mort de Garfield, soutenait-il, était plutôt due à l'ignorance de ses
chirurgiens qu'à la balle de Guiteau. Par le témoignage de Mallet il
comptait "faire contraster l'heureux traitement que ce dernier avait
reçu avec le traitement suivi par les médecins de Garfield, et tirer de
cette comparaison des conclusions favorables à sa cause". Ce système
de défense fut abandonné cependant, à la grande joie de Mallet "qui
40 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
ne se souciait pas de servir, même involontairement, la cause d'un lâche
et vil assassin".*
Résumons en quelques mots pour conclure. Chez McKinley, la
balle avait surtout lacéré l'estomac et le rein; chez Mallet, les intestins
et la paroi abdominale. Malgré ces caractères qui les différencient, Mal-
let avait raison jusqu'à un certain point de comparer les blessures du
Président à celles qu'il avait si glorieusement reçues en ce mois de juin
1864 sur le champ de bataille de Cold Harbor.
REFERENCES
§ Wilfrid Rouleau épousa en deuxièmes noces Corinne Rocheleau,
femme de lettres bien connue qui a publié sur son mari et sur le
major Mallet des souvenirs d'un vif intérêt dans le Bulletin de
la Société Historique franco-américaine (livraison de 1942).
% La compilation dont il s'agit, publiée sous les suspices du Secré-
taire de la Guerre, porte le titre suivant: "The Médical and Sur-
gical History of the War of the Rébellion (1861-1865). Pre-
pared in Accordance with Acts of Congress, under the Direction,
of the Surgeon-General, Joseph K. Barnes, United States Army".
(Washington, D. C, 1870-1883). Cet ouvrage, divisé en trois
parties, fonne six énormes volumes in-quarto. La description des
blessures de Mallet se trouve aux pages 90 et 91 du volume II
de la deuxième partie.
t Ces commentaires accompagnent le récit de Mallet.
]j Annals of Médical History, mai 1940, 257.
* U Opinion publique (Montréal), 1 juin 1882. Tiré d'un article
sur Mallet paru d'abord dans VOswego Morning Express du 25
mai 1882 et reproduit en français dans V Opinion publique. J'en
dois la transcription à l'obligeance de M. Adolphe Robert, pré-
sident général de l'Association canado-américaine.
III
Impressions d'un Etudiant Franco-Américain
au Sein de la France Catholique
(Abbé Wilfrid Paradis, d.d.c.)
Pour comprendre et apprécier les cathédrales de la vieille Europe,
il faut tout au moins, une certaine culture, quelques connaissances de
l'art, de l'architecture et de l'histoire. La foi, les croyances, la pratique
religieuse qu'abritent ces monuments séculaires sont encore plus cachées
aux yeux des non initiés que les splendeurs de l'art roman, gothique ou
encore celles de la Renaissance. C'est pourquoi il faut éviter les juge-
ments simples et faciles en parlant de la France catholique d'aujour-
d'hui. Trop d'Américains sont restés insensibles devant le parvis de
Notre-Dame de Paris, n'y voyant qu'une église sale et délabrée. Aussi,
ne peut-on accepter sans réserves, leurs comptes-rendus sur ce qui se
passe à l'intérieur.
Même après avoir passé presque trois ans et demi en France, à pré-
parer mes doctorats en Histoire et en Droit Canonique, je n'ai pas
l'audace de prétendre que je comprends parfaitement le tempérament
du peuple français et ses attitudes religieuses. Toutefois, j'ai fait un
effort pour étudier d'une manière scientifique, la société contemporaine
française au point de vue de sa foi. J'ai eu l'avantage indiscutable
d'avoir pour professeur, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, le fon-
dateur de la Sociologie religieuse, M. Gabriel LeBras. Et pendant tout
mon séjour à Paris, je suis chez des Français, prêtres et laïques, en com-
munauté d'abord et ensuite dans un appartement d'un cjuartier bour-
geois. De plus, j'ai fait du ministère dans plusieurs paroisses parisiennes
et j'ai servi d'aumônier auxiliaire de l'armée française, ce qui m'a fourni
l'occasion d'un contact avec un autre milieu intéressant. Devrais-je
ajouter que je connais la France depuis 1944 et 1945? En ces années
j'ai visité ce pays, de l'ouest à l'est, grâce aux bons soins du service
touristique de l'infanterie de l'armée américaine. Y compris mes années
de service militaire, j'ai donc passé plus de quatre ans de ma vie parmi
nos ancêtres d'outre-mer.
Quand on compare le nombre de gens baptisés avec les non-bap-
tisés, les protestants et les Juifs, on est vivement impressionné par la
prépondérance incontestée des premiers. Sur une population d'un peu
plus de 40,000,000 d'habitants, près de 90% ont été incorporés à l'Eglise
par le baptême (entre 35 et 37,000,000). Dans tout le pays il n'y a pas
plus de 800,000 protestants, moins de 3% et 200,000 Juifs. Seulement
8% des Français ne pratiquent aucune religion. Le chiffre est minine
en comparaison des 40% de païens modernes des Etats-Unis.
Mais ce grand nombre de baptisés demande beaucoup d'explica-
tions. Si l'union fait la force, la statistique ne la fait pas nécessairement.
L'Eglise demande beaucoup plus des fidèles, qu'une simple inscription
sur les registres paroissiaux à l'occasion d'une fête familiale sous pré-
texte d'un baptême solennel. Si le Français est bon catholique, dans le
sens où nous l'entendons, il l'est, les trois ou quatre premières semaines
de sa vie, ensuite il y a des défections ou une conformité beaucoup moins
rigoureuse aux préceptes de l'Eglise.
La pratique religieuse varie énormément suivant les différentes
régions de la France et même entre les différents cantons d'une même
42 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
région. Ce phénomène n'est pas extraordinaire car nous le constatons
aux Etats-Unis. Nos catholiques sont groupés dans l'est, sur la côte de
l'Atlantique, dans l'ouest mitoyen, sur la frontière du Mexique et en
quelques autres endroits. En France, les régions où se rencontrent les
catholiques pratiquants sont le nord-ouest, c'est-à-dire en cinq dépar-
tements de la Bretagne, en Mayence, dans la Manche, la Vendée, le
Maine-et-Loire et en certains coins de départements voisins. En Alsace,
en Lorraine, en Franche-Comté et dans une bonne partie de la Savoie
et une fraction du Dauphiné, tout à fait à l'autre bout de la Bretagne,
les bons catholiques dépassent les 45%. Une troisième région vaut les
deux autres: le Massif Central que vous trouverez sur vos cartes un peu
plus au sud que le centre de la France.
A ces régions peuplées de fervents catholiques, il faut en ajouter
deux autres où l'Eglise est presque aussi forte: la partie nord du Nord,
la frontière belge, le Pas-de-Calais et la frontière sud-ouest, le pays
basque.
Au centre de la France et sur la Méditerranée, seulement entre 20
et 35% des catholiques baptisés vont régulièrement à l'église. En plu-
sieurs cas, les pratiquants sont même inférieurs au cinquième de la po-
pulation. De plus, la carte religieuse de la France est entachée des noms
de certains centres qui sont complètement déchristianisés ou en voie de
l'être. Qui n'a entendu parler de la ceinture rouge de Paris? Sens, la
Creuse, Bourganeuf ne sont guère mieux. Et nous pourrions prolonger
la liste.
Pourquoi nous attarder plus longuement sur les raisons qui ont
contribué à tailler en pièces l'unité religieuse de la France? Notre mé-
tier d'historien nous dispose à les rechercher mais je dois me contenter
de vous dire que les provinces isolées où même l'émigration n'a pas été
importante et où la hiérarchie nobiliaire et familiale sont demeurées
fortes, restent également des régions de chrétiens fervents. Pour com-
prendre les divergences dans une province autrement unie, il faut fouil-
ler profondément dans l'histoire régionale. Les causes du refroidissement
envers l'Eglise sont aussi nombreuses que les villages de France. Saviez-
vous, par exemple, que la présence d'un monastère dans une région a
toujours été mortelle pour la pratique religieuse?
La fidélité des catholiques à leiu" religion nous offre non seulement
des contrastes géographiques mais aussi des contrastes sociaux. Votre
classe sociale, votre rang, votre travail ou profession détermineront en
grande mesure si vous irez à l'égHse le dimanche et si vous fréquenterez
les sacrements. La haute bourgeoisie, c'est-à-dire les grands proprié-
taires fonciers, la noblesse et les capitalistes sont fidèles à l'Eglise catho-
lique. Je regrette ne pas avoir le temps de vous en dire davantage car
43
les précisions, les nuances à apporter sont très importantes pour bien
comprendre le problème. La moyenne bourgeoisie suit de près la haute
bourgeoisie: elle aussi est partisane de l'Eglise. C'est la classe la plus
éloignée de ces deux-là qui est la plus païenne: le prolétariat, c'est-à-
dire la classe ouvrière. La banlieue parisienne offre l'exemple le plus
frappant de cette déchristianisation. Jamais plus de 2% de toute cette
classe sociale fréquente l'église et les sacrements. Souvent c'est même
moins que cela.
La petite bourgeoisie, les petits propriétaires, les petits rentiers, les
commerçants, les petits fonctionnaires, etc., sont partagés sur cette ques-
tion, ainsi que les paysans. Il est toutefois étrange que la pratique de
ces derniers dépende dans une large mesure de leur genre d'occupation.
L'agriculteur et le laboureur sont plus attachés au clocher paroissial que
l'éleveur, tandis que le vigneron est complètement indifférent à la pré-
dication évangélique.
L'attitude religieuse du Français dépend également de son âge et
de son sexe. Les femmes pratiquent, les hommes, baucoup moins. Dans
une paroisse où la grande majorité des fidèles obéit aux préceptes de
l'Eglise, il y aura probablement autant d'hommes que de femmes, mais
aussitôt que la fidélité aux sacrements va en diminuant, l'écart grandit.
Dans une paroisse déchristianisée il n'y aura que des femmes. Le phé-
nomène contraire est toutefois commun dans les communautés dirigées
par les prêtres ouvriers.
Quant à l'âge, les enfants de moins de 13 ans sont les seuls qui
soient bien représentés à l'église. La raison en est que le Français quoi-
que peu fidèle aux ordonnances ecclésiastiques, veut toujours que ses
enfants fassent leur communion solennelle et leur confirmation. Ensuite,
il n'est plus question de retourner à l'église avant le mariage, et la dé-
croissance suit la courbe de mortalité pour les hommes. Les femmes
passent par une période d'éloignement de l'Eglise entre les âges de 20
et 45 ans pour revenir aux sacrements plus tard. Ces années sont dif-
ficiles car elles ont à voir à leurs enfants; et qui ne soupçonnerait pas
qu'une multitude de problèmes moraux se posent pourtant avec urgence
pour les jeunes épouses? Quand ces problèmes disparaissent avec les
années, elles reviennent à l'église.
Un mot sur le clergé séculier. Depuis la séparation de l'Eglise et
de l'Etat au début du siècle, il va en diminuant. Aujourd'hui, il y a un
seul prêtre pour chaque 1,029 personnes. En 1904, le prêtre était char-
gé de 739 catholiques seulement. De plus, une moyenne de 17% des
prêtres séculiers ne sont pas dans le ministère paroissial mais s'occupent
d'enseignement. Toutefois, les religieux trouvent plus de vocations
maintenant qu'à aucun moment depuis une cinquantaine d'années. Les
jeunes gens trouvent que les prêtres réguliers sont plus apostoliques,
44 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
plus au courant des problèmes religieux et sociaux et plus cultives que
le clergé diocésain et avec raison, je crois.
Vous n'avez pas dû être impressionnés de la vitalité de l'Eglise par
le compte-rendu que je viens de vous exposer sur l'état actuel du catho-
licisme en France: des grandes régions déchristianisées, des classes so-
ciales qui ne pratiquent pas et des paroisses qui se meurent faute de
prêtres. Malgré tout cela, si vous demandiez à Rome, ou à quiconque
s'y connaît, quelle est l'Eglise dans le monde entier qui est la plus vi-
vante, la plus originale, la plus active et progressive, on vous répondrait
sans hésitation que c'est celle de France. Car il y a en ce pays une mul-
titude de mouvements destinés à ranimer la foi et la pratique défaillante.
Dans le domaine intellectuel, les savants catholiques de France ont
une supériorité incontestée sur les autres. Vous n'avez qu'à consulter les
revues philosophiques, théologiques, bibliques et scientifiques pour vous
en convaincre. Je ne parle évidemment pas du nombre de ces publica-
tions, quoique ce nombre soit très grand, mais de la qualité des travaux.
Je lisais une revue théologique américaine tout récemment où le rédac-
teur se plaignait que 90% de ses articles de fond lui venaient de l'étran-
ger, surtout de la France.
Quel prêtre averti ne connaît le nom du Cardinal Suhard qui a
donné une nouvelle direction révolutionnaire à l'Eglise, et ceux de Lu-
bac, Danielou, Taillard de Chardun, Congar, Gilson, Maritain, Ancel,
Mauriac, Claudel, etc. J'entremêle les noms et les sciences et je ne donne
même pas un aperçu de leurs tendances pas plus que celles de tous les
autres savants catholiques de ce pays. Laissez-moi vous dire simplement
que leurs cerveaux féconds et chercheurs s'inquiètent de tout.
Il faudrait étudier le travail de la gauche catholique et de l'intérêt
que l'Eglise porte aux questions sociales. Ensuite, mentionnons le re-
nouveau liturgique que nous commençons à copier, comme c'est notre
habitude en toute chose. Qui n'a entendu parler des mouvements spé-
cialisés d'action catholique qui ont donné à l'Eglise des milliers d'apô-
tres sincères et dévoués, des prêtres ouvriers, de l'art et de l'architecture
religieuse moderne, du cinéma catholique français?
Cette énumération est incomplète et, de plus, toutes les choses que
je viens de mentionner demanderaient une explication et une critique
en chaque cas.
La France chrétienne passe par une période très difficile, il n'y a
aucun doute. Mais j'ai confiance que l'énergie, l'intelligence, l'adapta-
tion et la foi du peuple français, surtout celles de ses grands chefs reli-
gieux surmonteront tous les obstacles. Je suis même convaincu que
malgré les petites erreurs commises par les nouveaux pionniers de la foi,
l'Eglise de France formera l'Eglise universelle de demain.
IV
Eloge des membres disparus
Albert Po+vin
(1877 - 1950)
(Docteur Ubalde Paquin)
J'ai bien connu Albert Potvin. Il a été mon ami intime pendant
plusieurs années. — ■ Nous avons passé plusieurs vacances ensemble en
compagnie de sa charmante épouse et de ma femme, et nous sommes
venus souvent ensemble aussi, aux réunions de la Société Historique.
Albert Potvin était un homme de devoir. — Toujours bien mis,
d'une belle éducation commerciale, gai, intelligent, pouvant très bien
parler le français et l'anglais.
Il est né à St-Ours, tout près de Montréal, en 1877. Il a fait ses
études primaires à l'école de St-Ours, au collège St-Denis, et ses études
commerciales au Montréal Business Collège.
En 1894, il émigra à Fall River et travailla d'abord, pour Peloquin
& Sons, marchands de foin et de grains, jusqu'à ce qu'en 1895, il entra
à l'emploi de la Gie R. A. McWhirr de Fall River, position qu'il occupa
jusqu'en 1907.
Il épousait Mademoiselle Arcelia R. Nadeau de Fall River, en
1905, et de ce mariage naquirent deux enfants, Albert et Béatrice.
Il fut prié de s'affilier au magasin de la Gie McWhirr de New
Bedford connu sous le nom de New Bedford Dry Goods Go. en 1907,
position qu'il occupa jusqu'au temps de sa mort, le 15 septembre 1950.
Albert Potvin débuta dans le commerce comme "stock boy" chez
McWhirr et par son application au travail, ses efforts, et ses talents, il
devint bientôt "Merchandise Manager", gérant d'achats au Star Store.
Sa réputation comme gérant d'achats dépassa bientôt les limites
de New Bedford. — Plusieurs fois, la même position lui fut offerte par
des maisons de Commerce plus considérables que le Star Store, mais
toujours il refusa parce qu'il n'aimait pas la vie fiévreuse des grandes
villes et préférait la vie transquille de villes moins nombreuses où il
pouvait être en contact plus serré avec sa famille et ses amis. Gomme il
aimait à le dire: Je suis fils de fermier et au fond de mon coeur, je
suis un fermier.
Albert Potvin était un patriote. Il aimait sa race, sa langue, ses
traditions et son catholicisme.
Pendant 40 ans, il a participé à tout ce qui pouvait favoriser sa
survivance.
45 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Il aimait à assister aux réunions de la Société Historique.
Je dépose sur sa tombe, l'hommage d'un pieux souvenir.
II
Abbé Théodore Alphonse Demers
1893 - 1949
(Abbé Adrien \^errette)
La société se doit de rappeler le souvenir, pour l'inscrire dans ses
archives, de l'un de ses membres distingués, l'abbé Théodore Alphonse
Demers, décédé le 22 octobre 1949, à l'âge de 56 ans. La notice de son
décès avait échappé à la vigilance du secrétariat.
Né le 18 juillet 1893 dans la paroisse Ste-Marie, de Jefferson,
Massachusetts, fils de Lévi et de Rosalie Demers, il avait étudié chez
les RR. PP. Oblats d'Ottawa et à Montréal, pour être ordonné le 23
novembre 1918, pour le diocèse de Springfield, qui comprenait alors
celui de Worcester.
Après de fructueux vicariats à Worcester, à Adams, à Indian Or-
chard, à Grafton, à Holyoke, et à Willimansett, il était nommé curé de
la paroisse Ste-Thérèse de l'Enfant Jésus à East Blackstone, sur la fron-
tière du Rhode-Island en 1942, c'est là qu'il célébrait son jubilé d'ar-
gent sacerdotal, le 25 novembre 1943, un événement toujours impor-
tant dans la vie d'un prêtre, car il lui rappelle généralement que la
majeure partie de sa vie de prêtre est déjà écoulée. Il avait en cette
circonstance la joie d'avoir au nombre de ses invités Mgr Joseph Guy,
o.m.i., ancien évêque de Gravelbourg, son professeur d'autrefois.
Le 1er juillet 1944, l'abbé Demers est appelé à la cure Notre Dame
du Bon Conseil d'Easthampton, l'une des belles chrétientés franco-amé-
ricaines de la partie centre du Massachusetts. Prêtre très estimé, l'abbé
Demers était bien connu dans son diocèse, où il donnait tout son dé-
vouement auprès de ses compatriotes, à qui il prêchait l'exemple de la
fidélité.
A Easthampton, il était surtout dévoué à ses écoliers et leur prodi-
guait les meilleurs intérêts pour appuyer le travail des excellentes reli-
gieuses de Ste-Anne qui dirigeaient son école. Il tenait à prolonger dans
son école le même climat franco-américain qui doit exister dans nos
familles.
Il était membre de la société depuis 1941. Dans sa personne, la
société veut saluer un autre de nos apôtres de notre vie catholique et
française, qui sont demeurés au poste, afin de conserver à nos chré-
tientés nos richesses spirituelles et culturelles.
Rapports des Réunions
Réunion du bureau, 8 avril
La réunion s'ouvre sous la présidence de l'abbé Adrien Verrette.
Sont présents, Antoine Clément, docteur Roland Cartier, Lauré Lus-
sier, docteur Oscar Perrault et Damase Brochu. Le secrétaire fait rap-
port de la réunion annuelle du 19 novembre 1952, au University Club,
alors que Mgr Félix Antoine Savard prononçait une brillante confé-
rence. Le trésorier établissait l'actif de la société à $1,187.01 et deman-
dait la diffusion du "chansonnier", publié par L'Etoile (Lowell).
La séance d'étude était fixée au 27 mai, à l'hôtel Lenox, salle Mo-
naco. Les éloges des membres disparus Albert Potvin (New Bedford)
et l'abbé Théodore Demers (Springfield) seront prononcés.
Le programme des études comportera: L'Oeuvre de St. Benoit du
Lac", Dom Jean-Anselme Mathys, o.s.b., prieur; "La blessure du ma-
jor Mallet", docteur Gabriel Nadeau et "Impressions d'un étudiant
franco-américain en France" , l'abbé Wilfrid Paradis, d.d.c.
Le projet du manuel d'histoire franco-américaine est de nouveau
discuté et le bureau est d'avis que ce travail presse et devrait être entre-
pris au plus tôt possible. L'élection des officiers du bureau aura lieu à
la séance du 27 mai et le président nommera un comité de nominations.
Réunion Annuelle, 27 mai
A l'hôtel Lenox, salle Monaco, les membres se réunissaient, mer-
credi soir, le 27 mai pour la séance d'étude et le choix des officiers. La
soirée obtenait un beau succès. L'abbé Adrien Verrette présidait. En
saluant les membres, il résumait le travail de l'année écoulée. Le secré-
taire et le trésorier présentaient également leur rapport.
Deux éloges furent prononcés à la mémoire de Albert J. Potvin
(New Bedford), décédé le 15 septembre 1950, par le docteur J. Ubalde
Paquin et de l'abbé Théodore Demers (Easthampton), décédé le 22
octobre 1949, par l'abbé Verrette.
Quatre nouveaux membres furent admis: Léon J. Alarie (Spring-
field), Mme Emile Cousineau et Mme Donat Blanchette (Fall River)
et René Bourcier (Manchester).
Le comité des nominations se composait de J.-Henri Goguen, de
Mlle Hélène Thivierge et du docteur Ulysse Forget. Pour la première
fois, la société élisait une dame sur son conseil, dans la personne de Mlle
Rhéa Caron. Les officiers élus: Abbé Adrien Verrette, président; Me
Valmore Carignan, vice-président; docteur Gabriel Nadeau, secrétaire;
4y BULLETIN DE LA bOCIEIE HISIORI^UE
docteur Roland Cartier, adjoint; Antoine Clément, trésorier; conseillers
pour trois ans, Me Ernest R. D'Amours, Mlle Rhéa Caron et F. Ray-
mond Lemieux.
Trois intéressants travaux furent présentés. "La Blessure du Major
Mallet" par le docteur Nadeau; "Impressions d'un étudiant franco-
américain au sein de la France catholique" , par l'abbé Wilfrid Paradis,
(cette communication fut lue par le président, l'auteur étant incapable
d'assister) ; "Qui nous enlèvera la pierre", conférence avec film sur
l'oeuvre bénédictine de Saint Benoit du Lac, par Dom Jean Anselme
Mathys, prieur de l'abbaye. Le conférencier présentait ensuite une mé-
daille de Saint Benoit, oeuvre du sculpteur Pyx, au président.
A la suite des communications, une discussion fort instructive s'en-
gagea sur les moyens à prendre pour favoriser l'étude de notre histoire
régionale afin de compléter nos archives avant que tous les fondateurs
soient disparus. D'autres oeuvres furent commentées: La Société des
Concours de Français (Fall River), Le Concours Historico-Culturel de
l'Alliance des Journaux F.-A., ainsi que le projet d'une fédération de
sociétés d'histoire et l'établissement d'une section généalogique au sein
de la société.
Les membres étaient heureux de saluer la présence de Me Henri
T. Ledoux, le seul membre fondateur vivant. MM. les consuls Jean
Lapierre (France) et Jean Louis Delisle (Canada) prononcèrent de
courtes allocutions soulignant le mérite de la société. M. le professeur
Alexandre Goulet recommandait l'importance de faire mieux connaître
notre société dans les milieux de langue anglaise. On recommandait la
diffusion du roman "Sur la route d'Oka", de l'abbé Aimé Carmel, dont
plusieurs pages racontent certains aspects de la vie franco-américaine.
Le président invitait ensuite les membres à favoriser la diffusion du
nouveau chansonnier "Chants populaires" pour les écoles franco-amé-
ricaines de la Nouvelle-Angleterre, avec présentation par Antoine Clé-
ment, in-16,32p, 15 sous, L'Etoile (Lowell), 1953.
Réunion du bureau, 10 octobre
Présidée par l'abbé Adrien Verrette, à l'hôtel Lenox, Mlle Rhéa
Caron présenta le rapport à la place du secrétaire. Le rapport du tré-
sorier, après l'impression du bulletin, fixe à $813.13, le montant en
caisse.
Le bureau prend connaissance du voeu exprimé par le Conseil de
la Vie française en Amérique, lors de la dernière réunion plénière à
l'effet que "s'inspirant d'un voeu du Congrès de 1937 qui recomman-
dait la diffusion des sociétés régionales d'histoire, le Conseil de la Vie
française demande au bureau de convoquer un symposium constitué de
RAPPORT DES REUNIONS 49
représentants ou de délégués de sociétés françaises d'histoire en Améri-
que en vue de favoriser et de vulgariser l'étude de l'histoire locale en
fonction de l'oeuvre de notre vitalité française en Amérique." La socié-
té serait heureuse de prendre part à de telles assises.
Le bureau vote un don de $25 à la Fédération Féminine Franco-
Américaine pour son concours de français et aussi au Comité d'Orien-
tation Franco-Américaine en faveur de son prochain congrès.
La réunion de l'automne est fixée au 11 novembre, au University
Club de Boston. M. le chanoine Lionel Groulx, président de l'Institut
d'Histoire de l'Amérique française sera le conférencier invité. En re-
connaissance de ses hauts mérites d'historien et pour ses appuis répétés
à notre oeuvre de rayonnement français en Nouvelle-Angleterre, le
bureau attribue à Monsieur le chanoine Groulx, la médaille "Grand
Prix" de la société. La remise sera faite à l'occasion de la réunion de
novembre.
Réunion générale, 11 novembre
Un programme bien réussi marquait la 54ème réunion annuelle
de la société, au University Club, sous la présidence de l'abbé Adrien
Verrette, le 11 novembre. Jour de l'Armistice. Dans son message, le
président rendait hommage à la mémoire de Pierre Georgs Roy, vice-
président d'honneur de la société. Il remerciait la France qui venait de
lui décerner la croix de la Légion d'Honneur et évoquait le souvenir
des compatriotes morts pour la patrie.
M. le chanoine Lionel Groulx, président de l'Institut d'Histoire de
l'Amérique française et historien de grande réputation prononçait une
remuante conférence intitulée "Y a-t-il un avenir?" pour les Franco-
Américains, bien entendu. Après l'avoir remercié, le président lui re-
mettait la médaille "Grand Prix" de la société avec le diplôme de mem-
bre d'honneur. M. le chanoine fut très sensible à cette distinction qui lui
était conférée.
Mgr William Drapeau avait béni la table et parmi les convives
une imposante délégation du Cercle Littéraire de Fall River était saluée.
M. René Cerisoles prononçait une brève allocution pour rappeler la
citation, que M. le consul François Charles-Roux avait prononcée lors
de la remise de la Légion d'Honneur au président, quelques heures plus
tôt.
Quatre nouveaux membres furent admis: R. P. Armand Desautels,
a. a. (Worcester), Georges-Henri Des Roberts (Biddeford), Mme Délia
J. LeDoux (New Bedford) et le professeur Roland Gervais (Worces-
ter). M. le consul Jean-Louis Delisle dût contremander un vin d'hon-
neur par suite de la mort subite de son collègue au consulat canadien.
VI
La famille franco-américaine à l'honneur
Le R. P. Antoine Fortier, s. j., a fait un relevé de 1931 familles,
depuis 1950, qui ont donné à l'Eglise au moins trois prêtres ou quatre
vocations. La liste est loin d'être complète, mais ces 1931 familles ont
donné 20,912 enfants, soit une moyenne de 12.8 enfants par famille. De
ces familles sont sorties 7,535 vocations dont 1,333 prêtres, 16 archevê-
ques et 16 évêques. Pour la Nouvelle- Angleterre, le P. Fortier nous con-
fie la liste suivante qui est très intéressante. Toute famille qui voudrait
figurer à ce tableau d'honneur devrait communiquer avec le Père For-
tier en donnant l'endroit de résidence de la famille, le nombre des voca-
tions et les noms. Cette coopération serait très appréciée et contribuerait
à fixer une belle page de rayonnement catholique et français de nos
familles: Adresse: — R. P. Antoine Fortier, s. j., Collège Sainte-Marie,
1180 rue Bleury, Montréal, Canada.
Famille MM. — Profession — Domicilié à
AUaire, Alexandre — Gérant — Woonsocket, R. L
Alain, Henri — Journalier — Gardner, Mass.
Barrette, Ferdinand — Journalier — Saylesville, R. L
Beaudoin, Egide — Mécanicien — Manchester, N. H.
Beauregard, Alfred — Holyoke, Mass.
Bélanger — Chauffeur d'Autobus — Worcester, Mass.
Bélanger, Léonidas — Menuisier — Brunswick, Maine
Bellemare, Maxime — Médecin — Wild Rice, N. D.
Benoit, Henri — Tisserand — West Warwick, R. L
Bérard, Jude — Maçon — Woonsocket, R. L
Bérard, Pierre — Woonsocket, R. L
Bernard, Michel — Meunier — Woonsocket, R. L
Bernard, Rémi — Marchand — Lawrence, Mass.
Bérubé, Charles — Cultivateur — Lewiston, Maine
Biscornet, Julien — Journalier — Suncook, N. H.
Blain, Octave — Menuisier — Albion, R. L
Biais, Joseph — Peintre-décorateur — Central Falls, R. L
Blanchard, Louis-J. — Plombier — Seattle, Wash.
Blanchette, Eugène — Concierge — Woonsocket, R. L
Bolduc, Félix — Charpentier — Lawrence, Mass.
Bouchard, Léo — Ouvrier — Burlington, Vermont
Boutet, Georges — Imprimeur — Berlin, N. H.
Bouvier, Albert — Imprimeur — Manchester, N. H.
Brissette, Albert — Contremaître — Providence, R. I.
Brisson, J. T. — Journalier — Holyoke, Mass.
Brodeur, Wilfrid — Cultivateur — Mèche, N. D.
Carrier, Stanislas — Tisserand — Lewiston, Maine
Champoux, Louis — Cultivateur- -Fall River, Mass.
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LA FAMILLE FRANCO-AMERICAINE A L'HONNEUR 5|
Charron, Dieudonné — Cultivateur — Lowell, Mass.
Chassé, Fortunat — Cultivateur — Upper Frenchville
Chassé, Thomas — Journalier — Lille, Maine
Cormier, Amédée — PhaiTnacien — Marlboro, Mass.
Côté, Fortunat — Ouvrier — Berlin, N. H.
Côté, Joseph — Garagiste — Biddeford, Maine
Côté, Théophile — Menuisier — Lawrence, Mass.
Daveau, Odilon — Van Buren, Maine
Deslauriers, Zotique — Menuisier — Worcester, Mass.
Drouin, Alfred — Tisserand — Lowell, Mass.
Dubé, Malcolm — Journalier — Fall River, Mass.
Duclos, Aimé — Journalier — Manchester, N. H.
Dufour, L. G. Joseph — Commis — Nashua, N. H.
Dufresne, Pierre — Cultivateur — Winooski, Vermont
Dumais, Thomas — Somersworth, N. H.
Duperry, Aimé — Ouvrier — Hartford, Conn.
Duperry, Napoléon — Marchand — Keegan, Maine
Dupont, Adélard — Cultivateur
Duval, Joseph — Insp. d'hygiène — Manchester, N. H.
Falardeau, Wilfrid — Usine — Holyoke, Mass.
Fortier, Joseph — Ouvrier — Biddeford, Maine
Fortin, Alphonse — Cultivateur — Winslow, Maine
Fréchette, Félix — Ouvrier — Dalton, N. H.
Gagné, Albert — Ing. en Chauffage — Meriden, Conn.
Gagnon, Honoré — Marchand — Van Buren, Maine
Gagnon, Joseph — Menuisier — Berlin, N. H.
Gamache, Apollinaire — Meunier — Manchester, N. H.
Gautreau, Fred — Charpentier — Lynn, Mass.
Généreux, Ildège — Boucher — Lowell, Mass.
Gélineau, Herménégilde — Boulanger — Burlington, Vt.
Gignac, Napoléon — Journalier — Woonsocket, R. L
Gingras, Fortunat — Epicier — Rochester, N. H.
Georges, Cyprien — Cultivateur — Westbrookfield, Mass.
Grégoire, Godfroy — Peintre — Somersworth, N. H.
Hamelin, Didyme — Spencer, Mass.
Hamel, Philippe — Journalier — Lawrence, Mass.
Hébert, Frank — Cultivateur — Guérette, Maine
Houle, Joseph — Cultivateur — Olympia, Wash.
Janelle, Omer — Mécanicien — Manchester, N. H.
Labrecque, Eugène — Mécanicien — Lawrence, Mass.
Labrecque, Hormisdas — Cultivateur — Newport Center, Vt.
Labrecque, Maxime — Mécanicien — Lowell, Mass.
Laçasse, Alexis — Ouvrier — Manchester, N. H.
Laçasse, Alfred — Journalier — Rochester, N. H.
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52 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Laçasse, Amédée — Journaliste — Woonsocket, R. I.
Laberge, J. B. — Cultivateur — Oakwood, N. D.
Lacroix, Alexis — Vendeur — Holyoke, Mass.
Lamirande, William — Mécanicien — Biddeford, Maine
Landreville, Stanislas — Contremaître — Schenectady, N. Y.
Lapierre, Joseph — Cultivateur — Van Buren, Maine
Laplante, Pierre — Cultivateur
Lapointe, Ambroise — Journalier — New Bedford, Mass.
Lapointe, Arthur — Concierge — Burlington, Vt.
Lapointe, Elzéar — Cultivateur — Van Buren, Maine
Lausier, Alfred — Ouvrier — Grand Isle, Maine
Lausier, Thaddée — Journalier — Grand Isle, Maine
Lavallée, F. X. — Cultivateur — Fall River, Mass.
Lavertu, Edouard — Journalier — Grand Isle, Maine
Ledoux — Frédéric — Barbier — Nashua, N. H.
Leduc, Ferdinand — Graniteville, Mass.
Lessard, J. B. — Boulanger — Nashua, N. H.
Lescarbeau, Orgellas — Lawrence, Mass.
Lettre, Joseph — Commis — Berlin, N. H.
L'Heureux, Rodolphe — Manchester, N. H.
Lizotte, Sylvio — Cultivateur — Van Buren, Maine
Lusignan, Victor — Tailleur — Fall River, Mass.
Marquis, William — Sacristain — Van Buren, Maine
Martin, Xavier — Cultivateur — Caribou, Maine
Massé, Dieudonné — Marchand — Fall Rivei, Mass.
Messier, Louis P. — Conducteur — Manchester, N. H.
Michaud, Eussèbe — Cultivateur — Fort Kent, Maine
Michaud, Pit — Cultivateur — Lille, Maine
Mouette, Hector — Lowell, Mass.
Morin, Philibert — Charpentier — Fall River, Mass.
Morin, Calixte — Comptable — Manchester, N. H.
Nadeau, Albert — Contracteur — Providence, R. I.
Niquette, Joseph A. — Tisserand — Winooski, Vt.
Paré, Gédéon — Journalier — Augusta, Maine
Parent, Louis J. — Cultivateur — Otis Orchard, Wash.
Patenaude, Wilffid — Marchand — Augusta, Maine
Picard, Xavier — Journalier — Van Buren, Maine
Perreault, Albéric — Cultivateur — Yakima, Wash.
Pinard, Napoléon — Cultivateur — Manchester, N. H.
Plourde, Wilfrid — Plombier — Manchester, N. H.
Potvin, Joseph Alfred — Holyoke, Mass.
Précourt, Israël — Boulanger — West Port, Mass.
Provencher, A. Omer — Charpentier — Waltham, Mass.
Racette, Joseph — Industriel — Alpena, Mich.
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LA FAMILLE FRANCO-AMERICAINE A L'HONNEUR
Racicot, Jacques — Jardinier — St. Johnsbury, Vt.
Raymond, Francis — Cultivateur — Rutland, Vt.
Rhéaume, Edmond — Peintre-décorateur — Fall River, Mass.
Rhéaume, Frédéric — Courtier Immeubles — Détroit, Mich.
Richard, Joseph — Médecin — Dover, N. H.
Rondeau, Joseph — Cultivateur — New Port Center, Vt.
St-Amant, André
St-Georges, Ulric — Menuisier — Worcester, Mass.
St-Georges, William — Epicier — Fall River, Mass.
Sansoucy, Abraham — Pompier — Woonsocket, R. I.
Soucy, Théophile G. — Cultivateur
Taupier, Joseph — Journalier — Holyoke, Mass.
Thériault, Fred — Journalier — Van Buren, Maine
Thibault, Amédée — Marchand — St. Albans, Vt.
Thibault, Pierre — Barbier — Auburn, Maine
Tremblay, Edouard — Ouvrier — Merrimac, Mass.
Trottier, Eugène — Manchester, N. H.
Turcotte, Désiré — Cordonnier — Somersworth, N. H.
Turcotte, Randolph — Cultivateur
Turcotte, Joseph — Tisserand — St-Joseph Caswell, Maine
Vaillancourt, Alphée — Ouvrier — Winterville, Maine
Vallières, Amédée — Marchand — Biddeford, Maine
Violette, Laurent B. — Charpentier — Van Buren, Maine
Violette, Léo E. — Journalier — Van Buren, Maine
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VII
Monument de Mgr Provencher
Saint-Boniface, Mani+oba
Au lendemain de son cinquantenaire, la Société Historique de
Saint-Boniface, au Manitoba, entreprenait le projet d'un monument à
la mémoire de Mgr Norbert Provencher, fondateur de l'église de l'Ouest
canadien. La société organisait la fête du dévoilement du monument,
érigé dans le cimetière, en face de la cathédrale, non loin du tombeau
de Louis Riel, dimanche le 9 août. Plusieurs milliers de personnes as-
sistaient, à l'issue d'une messe pontificale, célébrée par S. E. le cardinal
Paul-Emile Léger, archevêque de Montréal, alors que S. E. Mgr Mau-
rice Roy, archevêque de Québec prononçait le sermon, à l'occasion du
centenaire de la mort de Mgr Provencher. Cette manifestation coïnci-
dait avec la tenue du Ve congrès de l'ACELF, l'Association Canadienne
des Educateurs de Langue française et le voyage de la Liaison Fran-
çaise dans l'Ouest.
M. l'abbé Antoine d'Eschambault, président de la société présidait.
Mgr Paul Mayrand, p. d. (Drummondville) et l'hon. Douglais Camp-
bell, premier ministre de la province du Manitoba prononçaient des
allocutions. S. E. le Cardinal Léger prononçait la prière et S. E. Mgr
Arthur Béliveau, le vénéré archevêque de Saint-Boniface dévoilait le
monument dont le relief sera sculpté prochainement. Sur la pierre se
lisait l'inscription: ''Provencher Pasteur et Evêque. Il établit et affermit
le siège de Saint-Boniface, Mère de toutes les églises ultérieures. Né
1787— mort 1853."
A titre de président du Conseil de la Vie française en Amérique et
comme président de la Société Historique Franco-Américaine, l'abbé
Adrien Verrette prononçait l'éloge suivant: '"Hommage de tout un
peuple".
''En cette année centenaire de la mort de Mgr Joseph Norbert
Provencher, il convenait que notre peuple rende hommage à la mémoi-
re de ce grand pontife de l'Eglise en A?nérique, premier évêque de la
Rivière Rouge et père fondateur de l'église de Saint-Boniface. Bossuet
na-t-il pas écrit: "l'univers n'a rien de plus grand que les grands hom-
mes".
La présente cérémonie vient mettre de nouveau en relief la vie et
les labeurs de ce géant de la Foi que l'Eglise de nos pères se plait à
compter parmi les plus illustres de ses chefs, à la suite des Laval, des
Plessis, des Bourget, des Taché, des Langevin et des Latulippe.
Sur l'invitation de S. E. Mgr l'archevêque coadjuteur, en présence
de cette auguste assemblée, en cette heure vraiment solennelle, nous
MONUMENT DE MGR PROVENCHER 55
évoquons avec admiration la figure si noble et si imposante de cet
"envoyé de Dieu", qui un jour, dans ces immenses plaines, vint instau-
rer le règne du Christ dans les âm,es.
Longtemps après les courses hardies de La Vérendrye, de ce qui
fut une première semence pénible, plus de vingt diocèses ont été taillés
dans ce riche butin. Grand serait aujourd'hui V étonnement de Mgr
Provencher à la vue d'une telle croissance! Mais n'avait-il pas un peu
entrevu cet avenir, lorsqu'au lendemain d'une inondation, qui avait
presqu anéanti son oeuvre naissante, il s'était écrié: '"Ce pays, aujour-
d'hui sauvage, deviendra un grand pays; vos enfants le verront!" C'est
que la vérité et la croix y avaient déjà fixé les racines de leur inépuisable
fécondité.
Remercions cet apôtre incomparable, qui se disait avec humilité
en 1818, incapable d'affronter une tâche si lourde, d'avoir aussi géné-
reusement répondu à l'appel du Maître. C'est que le Ciel lui avait tendu
les filets de ses insondables desseins.
Ce n'est pas tant le missionnaire aux mains rugueuses et à la sou-
tane usée que nous voulons admirer ; celui qui se fit menuisier, cons-
tructeur, architecte, catéchiste et voyageur; celui qui souleva de ses
mains les pierres de sa cathédrale, de son collège et de ses institutions.
Ce travail héroïque, combien de prêtres, de religieux et de colons l'ont
crânement accompli au cours de notre histoire, pour refouler des rives
du Saint-Laurent la grande forêt!
Ce que nous voulons glorifier, c'est bien le pontife à la taille altière
et majestueuse, au coeur à la fois magnanime et tenace, qui, malgré les
privations, les angoisses, les disettes et souvent le dénuement complet,
sonda la plaine avec une confiance inébranlable, pour y établir l'oeuvre
du Christ sur des bases solides et durables.
Quelle joie pour nous, ses fils, et ses continuateurs de saluer ce
père dans son éternelle demeure, par la voix de notre affectueuse recon-
naissance! A la vérité, c'est donc tout un peuple qui lui adresse ce té-
moignage de gratitude et d'admiration, et qui demande à ce grand
travailleur du Seigneur d'obtenir pour nos oeuvres, ses oeuvres multi-
pliées admirablement dans ces quatre provinces de l'Ouest, la faveur
insigne de continuer tenacement et sans défaillance la volonté de Dieu
et la fidélité des ancêtres.
Mais il arrive que ce grand pontife était aussi notre frère par le
sang et la langue. Il voulut fonder une chrétienté vivante. Il savait
naturellement que seul un dévouement total à ses enfants, avec le res-
pect et l' enrichissement de leurs profondes traditions de vie catholique
et française, pouvait leur obtenir les bienfaits de l'idéal chrétien.
5^ BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Pour servir ses frères, il avait apporté du Québec une âme à la
frappe française, et c'est lui qui décida, par sa présence, que désormais,
la langue de ses pères qui était aussi la leur, avec toutes les valeurs
humanisantes qu'elle porte dans ses vocables, s'implanterait dans l'Ouest
pour y demeurer et pour claironner à jamais au dessus des blanches
moissons.
Cette consigne, qui l'avait fait le grand protecteur des intérêts
éducationnels de ses compatriotes, avec quelle ferveur S. E. Mgr Béli-
veau, en 1918, voulut la réaffirmer, à l'occasion du Centenaire de l'ar-
rivée de Mgr Provencher, lorsqu'il écrivait dans son mandement pasto-
ral: "nous ne cesserons avec calme et dignité, de revendiquer nos droits
dans le double domaine de l'école et de la langue. Nous nous efforce-
rons de rester fidèles à la pensée de nos prédécesseurs."
Mgr Provencher a été surtout l'homme de la prière et du sacrifice
parfait. Sa parole pleine de charité, de mansuétude et d'humilité, enve-
loppe encore toutes les générosités de la fidélité franco-manitobaine,
comme elle soutenait le courage des fondateurs. Bénissons le Seigneur
de nous avoir donné un tel modèle.
Près des cendres de cet apôtre vénéré, sur cette terre sanctifiée par
ses labeurs, à un siècle d'éloignement, jurons de demeurer fidèles à
l'idéal chrétien qu'il nous a légué. C'est ainsi que le souvenir impéris-
sable de ses vertus, les leçons séduisantes de son incomparable apostolat,
les promesses de son éternelle vigilance nous aideront à guider notre
route et à édifier dans nos âmes ces monuments vivants, qui justifieront
celui que nous confions aujourd'hui à la postérité, symbole des grandes
fidélités, qui allumèrent le courage de nos devanciers et qui conserveront
nos vies catholiques et françaises au service de Dieu et de la Patrie, dans
la paix, la tolérance et la charité.
VIII
Echos des Sociétés Historiques
L'Institut d'Histoire de l' Amérique française (Montréal)
Sous la présidence de son fondateur, le chanoine Lionel Groulx,
l'Institut tenait sa réunion annuelle, le 18 avril, à la Bibliothèque Mu-
nicipale de Montréal, "avec une assistance plus nombreuse, des discus-
sions opportunes et bien conduites: travaux fort goûtés par l'auditoire."
Avec ses nombreuses sections, l'Institut est devenu un peu comme
la centrale des échanges entre les diverses sociétés historiques. Les tra-
vaux au programme: "Une illustre plagiaire: François Perrin du Lac",
Fernand Grenier; "Les Archives acadiennes" , René Beaudry esc; "L'E-
piscopat de Mgr de S aint-V allier", Alfred Rambaud; "D'une transmi-
gration des Canadiens en Louisiane après 1760", chanoine Groulx.
Le banquet avait lieu à l'hôtel Queen's. M. le maire Camillien
Houde, S. E. Mgr Percival Gaza et Mgr Olivier Maurault , p. a.,
étaient les invités d'honneur. Le R. P. Robert Valois, csv., était le con-
férencier: "L'Ecole des Chartes".
La chronique de l'institut, publiée dans la revue, fait voir son pro-
grès. On affirmait "en peu de temps nous avons groupé, autour de
l'oeuvre, une solide équipe qui nous permet d'affronter l'avenir sans
crainte". La revue terminait son Vile volume avec la livraison de mars
1954, quatre numéros avec un total de 604 pages et un index général,
préparé par Gérard Malchelosse. L'abonnement est de $5.00 par année,
261, avenue Bloomfield, Outremont, Montréal.
La Société Historique du Saguenay: L'une des plus actives sociétés
d'histoire sur le continent est bien celle qui rayonne dans le royaume du
Saguenay. Lors de sa 300e réunion, tenue à Ghicoutimi, le 14 mars,
Mgr Edmond Duchesne, fondateur, en résumait les modestes débuts et
attribuait avec fierté, tout le succès et le travail, au dévouement de
l'infatigable président, monsieur le chanoine Victor Tremblay.
Au cours de son rapport, le président ajoutait: "Nous voudrions
avoir des membres partout, pour que partout il y ait quelqu'un qui fasse
penser à ne pas détruire les papiers et les choses qui peuvent servir à
l'histoire des familles, des paroisses et de toutes ces institutions d'ordre
religieux, éducationnel, social, économique, qui, sans tapage, bâtissent
notre pays. Il faudrait des membres de la Société Historique partout
aussi pour empêcher les gens d'ignorer son existence et de perdre la
chance de bénéficier des services qu'elle peut leur rendre Car elle
accomplit une oeuvre. Elle commence par recueillir, conserver et clas-
sifier tout ce qui peut renseigner sur l'histoire, c'est le premier travail à
faire, parce que l'histoire vraie, profitable, est celle qui rend compte de
ce qui s'est fait réellement, et cela ne s'invente pas; mais toute cette
58 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIÇUE
matière documentaire et tout cet effort de classification méthodique a
pour but de servir; de servir à comprendre le passé pour voir clair dans
l'orientation de l'avenir. La devise de notre société historique: "Je dé-
voile", et son motto: "Pour l'avenir je parle du passé", ne sont pas
seulement des mots de façade, mais l'expression du principe actif qui
l'anime comme l'âme anime le corps et règle ses opérations."
Pour donner une idée du travail accompli depuis vingt-cinq ans,
la société a à son actif: 5,000 volumes et 1,700 brochures; 7,800 docu-
ments formant 58,000 pages; 1,500 dossiers donnant 150,000 pages;
10,000 pages de découpures; 116 collections de journaux publiés dans
la région; 18,000 photographies; 450 mémoires de vieillards, précieux
pour préciser l'histoire des familles et faciliter l'étude du folklore; 3,700
pièces de musée; 14 publications; 18 bulletins, 1,350 articles et 270
conférences.
Au compte des publications: 1 — "Le Temps de Jacques Cartier",
causeries historiques, abbé Victor Tremblay, in-8,130p, table (1934);
2 — "Ici ont passé", (Le monument du Coteau du Portage), in-8,40p,
(1937); 3 — "L'Histoire du Saguenay" , depuis l'origine jusqu'à 1870,
rédigée en collaboration, Tome I, in-8,331p. Edition du Centenaire
(1938) ; A~"Saint Alexis de Grande-Baie", l'abbé Eugène Otis, Ph. L.,
in-8,48p, (1938); 6 — "Mon fleuve et ma cité", Laurent Tremblay, o.
m.i., in-8,68p, (1942) ; 7 — "Bon Désir", un coin de la paroisse des Ber-
geronnes, abbé Victor Tremblay, in-8,48p, (1945); 9 — "Les Oblats au
Saguenay", abbé Victor Tremblay, in-8, ( 1944) ; 10 — "Les Escoumins" ,
abbé René Bélanger, in-8,58p, (1946); 11 — "L'Evangélisation du
Saguenay par les Jésuites, 1641-1782", une épopée ignorée, abbé Victor
Tremblay, in-8,15p, (1946) ; 12 — "La plus ancienne famille du Sague-
nay", J. Allan Burgesse, in-8,40p, (1948); 13 — "Une pionnière du
Yukon", M. Bobilier, o.m.i., in-8,85p, (1948); 14 — "Rivière-du-Mou-
lin" , esquisse de son histoire religieuse, Léonidas Bélanger, in-8,70p,
(1953).
La Société Canadienne d'Histoire de l'Eglise Catholique. Elle te-
nait son 20e congrès annuel, à Antigonish, en Nouvelle-Ecosse, à l'oc-
casion du centenaire de l'Université St. Francis Xavier. Les réunions
furent présidées par monsieur le chanoine Victor Tremblay, qui fut élu
président. Dans la section française les travaux suivants furent présen-
tés: L'Encyclique "Affari vos" de Léon XIII par le R. P. Thomas
Charland, o. p.; "L'Acadie religieuse en 1755", R. P. René Beaudry,
esc; "Les Eudistes et le développement de l'Eglise en Acadie" Marcel
Tremblay, cjm. ; "Mgr Labelle, apôtre de la colonisation et fondateur
de diocèses", Lionel Bertrand, m. p. ; "Mgr Thomas Cooke, missionnai-
re de la Baie des Chaleurs 1817-1823", abbé Edgar Godin; "Le Père F.
X. J. Michaud, grand curé, bâtisseur et organisateur" , Marguerite Mi-
chaud.
ECHOS DES SOCIETES D'HISTOIRE 59
La Société Historique de Montréal tenait sa réunion annuelle, le
28 janvier, en la salle de la bibliothèque municipale pour recevoir le
rapport des travaux accomplis et faire le choix de ses officiers. M. Jules
Bazin présentait un rapport détaillé sur l'état des manuscrits, des col-
lections documentaires et de la bibliothèque de la société. Le bureau
élu comportait: Mgr Olivier Maurault, p. a., président; Jean Jacques
Lefebvre, vice-président; Gabrielle Carrière, secrétaire; Gaston Dedo-
me, trésorier; Jules Bazin, bibliothécaire; Me Victor Morin, Léon Tré-
panier, J. Alfred Perreault, l'abbé Adélard Desrosiers et Rosario Fortin,
directeurs.
La Société Historique de Québec. A sa réunion de janvier, M.
Sylvio Dumais, l'un des membres actifs, résumait "l'état présent des
recherches sur le tombeau de Champlain". Il conclut son étude en dé-
clarant que depuis 7 ans, la société poursuit son travail en utilisant
toute la documentation fournie par ceux, qui, depuis au moins cent
ans, cherchent à éclaircir ce mystère autour du tombeau du fondateur
de Québec. Il ajoute: "les travaux reprendront en mai prochain (1953).
Des fouilles scientifiques seront effectuées à l'intérieur des fondations
présumées de la chapelle Champlain (dans la cour du restaurant "Aux
Délices") ; elles permettront de les identifier avec précision. Sont-elles
bien celles de la chapelle construite en 1636, puis rebâtie en 1640, pour
abriter les restes du fondateur de Québec? Les ossements de Champlain
ont-ils été exhumés du sous-sol de cette chapelle ou y reposent-ils encore?
Les fouilles de mai prochain apporteront une réponse à ces deux ques-
tions".
La société publiait son 5e cahier d'histoire. La collection des "Ca-
hiers d'Histoire" comprend: 1 — "Vieilles Maisons de Québec": pre-
mière série; a) La maison de Louis Jolliet, b) La maison Cadet, c)
L'hôtel Louis XIV (1947) par l'abbé Honorius Provost. 2 — "Bois de
Coulonge", 1950, par Clément Dussault. 3 — "Notre héritage histori-
que", 1951, par Silvio Dumas et Marcel Trudel. 4 — "Québec et son
évolution", essai par Gérard Morisset, 1952. 5 — "Une petite Québé-
coise devant l'histoire": Mère Catherine de Saint Augustin (1953) par
le chanoine Lionel Groulx.
La Société Historique du Nouvel Ontario (Sudbury). La société
inaugurait en janvier une série de conférences mensuelles sur l'histoire
du Canada. La première série comportait six cours sur le Régime Fran-
çais. Au compte de ses publications, la société ajoutait les numéros 25
et 26. La collection complète est très intéressante et précieuse. Elle com-
prend: 1 — La Société Historique du Nouvel Ontario; 2 — Aperçu sur
les origines de Sudbury ; 3 — Faune et mines régionales ; 4 — Chelmsford,
Goniston, Chapleau; 5 — Familles pionnières; 6 — Fondateurs du dio-
cèse du Sault-Sainte-Marie; 7 — Flore régionale et industrie forestière;
^Q BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
8 — Verner et Lafontaine; 9 — Couvent FFGF, Orphelinat à Sudbury;
10 — Saint-Ignace II et Welland; 11 — Vieux remèdes au tribunal de
l'histoire; 12 — L'histoire de Sturgeon Falls; 13 — Jean Nicolet, Nicolas
Point, Toronto; 14 — Gloires Ontariennes: Saints Jean de Brébeuf et
Gabriel Lalemant; 15 — Gloires Ontariennes: Saints Antoine Daniel,
Gharles Garnier et Noël Chabanel; 16 — Trois grands hurons; 17 — Folk-
lore Franco-Ontarien I; 18 — Région agricole Sudbury-Nipissing; 19 —
North Bay et les Jumelles Dionne; 20 — Folklore Franco-Ontarien II;
21 — Notre Histoire en Cinq Actes; 22 — Timmins, métropole de l'or;
23— Bonfield, Astorville, Corbeil; 24— Blind-River, Blezard Valley;
25 — Contes populaires franco-ontariens; 26 — Paroisse Sainte- Anne de
Sudbury.
Ces cahiers de 48 pages environ établissent une histoire assez com-
plète des franco-ontariens du nord Ontario. Cette documentation est
d'une grande valeur.
La Société Historique d'Amos. La plus jeune des sociétés d'histoi-
re, fondée le 7 mai 1952. Elle a pour but de retracer surtout l'histoire
de cette localité qui se confond naturellement avec les débuts de l'Abi-
tibi. L'exécutif de la fondation comprend: Mgr J. O. V. Dudemaine,
président d'honneur, le docteur Joseph Dion, président, l'abbé Jean-
Marie Roy, secrétaire, Jean-Paul Gariépy, adjoint, abbé Jean-Marie
Pageau et Yvon Limoges, conseillers. La société a établi son siège social
au séminaire d'Amos.
La Société Historique de la Vallée du Richelieu. Elle publiait son
premier cahier d'histoire, reproduisant le texte d'une conférence, pro-
noncée le 26 avril 1953, à Iberville, par Mgr Arsène Goyette, p. d.
"Iberuille il y a cent ans".
L'Institut Français de Washington. La 43e réunion annuelle avait
lieu le 21 novembre, dans les salles des American Sons of the American
Révolution, à Washington, D. S., sous la présidence de Measmore
Kendall, vice-président. Le secrétaire Jules A. Baisnée soumettait un
projet de dissolution de l'Institut, préparé par la firme Spaulding,
Reiter & Co. On remettait la décision à l'an prochain. Les amis de
l'Institut espèrent qu'une formule permettra de continuer la vie de cet
organisme, qui a certainement rendu d'immenses services aux relations
Franco-Américaines.
Dans son bulletin, Nouvelle Série, Numéro 3, in-8,136p, décembre
1953, les articles suivants paraissent: "Franco- American Studies", a
current bibliography, préparée par Joseph M. Carrière, John Francis
McDermott et Howard C. Rice Jr., des universités de Virginie, de
Washington et de Princeton; "La double victoire, poème dédié à ma-
dame la comtesse de Rochambeau" , soit "The Yorktown Campaign in
ECHOS DES SOCIETES D'HISTOIRE ^j
Verse", Howard G. Rice; "David Bailie Warden, A bibliographie al
sketch of America's cultural ambassador in France, 1804-1845" , Fran-
cis C. Haber; '"Franklin's lost letter on the Cincinnati" , Durand Eche-
verria.
La Société Généalogique C. F. Avec le 4e fascicule, elle terminait
en juin, le Ve volume des ''Mémoires" et "Le Mois Généalogique" com-
plétait son Vie volume, comme organe officieux. La société compte
plusieurs secteurs très actifs dont Montréal, Québec, Ottawa-Hull,
Trois Rivières qui tiennent des réunions régulières. Le travail accompli
par la société grandit toujours. Avec plus de 900 membres intéressés, il
est certain que l'orientation que prend cet organisme généalogique l'en
fait l'un des plus importants gardiens de notre présence française en
Amérique. La Société Généalogique est certainement au nombre de nos
grandes créations et il faut nous réjouir de son existence et de sa crois-
sance dans l'art si précieux de retracer la filiation de nos familles.
A son premier congrès, tenu au pavillon Mgr Vachon, à Québec,
les 16 et 17 mai, le R. P. Archange Godbout, o.f.m., président fonda-
teur, dans un rapport faisait la revue des dix premières années de la
société. En plus de la collation des diplômes des nouveaux membres
émérites, l'abbé W. J. Laverdière, M. le chanoine Victor Tremblay et
M. Léon Roy, trois communications étaient présentées au cours des
assises: "L'Ecole de Chartres" , Robert Valois csv., "L'importance du
microfilm" , Raymond Denault et "\'ue d'ensemble de nos dix ans".
Archange Godbout, ofm.
Le Bulletin des Recherches Historiques. Complétant sa 59e année,
sous la direction d'Antoine Roy, le bulletin avait à déplorer la mort de
son fondateur Pierre-Georges Roy, décédé le 4 novembre et déclarait:
"pendant plus de soixante ans, cet homme a fourni un labeur immense.
Il a accumulé des trésors d'érudition et projeté des clartés nouvelles sur
la vie de nos ancêtres et sur presque toutes les époques et les choses de
notre histoire. Il a conçu et édifié des oeuvres fortes et substantielles."
Pierre Georges Roy quittait la direction du bulletin en 1948. Il en con-
fiait la direction à son fils Antoine Roy. Dans ces quatre livraisons, le
bulletin de 1953 publiait nombre d'articles, continuant ainsi le sondage
des archives du Québec.
The Diocèse of Burlington, Vermont: 1853
William Lucey, s. j.. Records of the American
Catholic Historical Society of Philadelphia.
Le centenaire de l'Eglise au Vermont fut commémoré, en fin de
juillet, par des fêtes qui ne manquèrent pas d'éclat. Louis de Goes-
briand, originaire de Bretagne et vicaire général du diocèse de Cleve-
^2 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
land, fut sacré premier évêque de ce diocèse, le 30 octobre 1853 par
l'archevêque de New York. Il venait prendre possession de son siège le
6 novembre suivant.
Il n'y eut pas grande place dans le décor centenaire pour la pré-
sence franco-américaine. Il est vrai que la présence du Cardinal Léger,
archevêque de Montréal, donna un lustre particulier aux manifesta-
tions. Son Eminence déclarait que "l'Eglise unit tous les peuples". Et
le sens franco-américain est tellement anémié dans le Vermont qu'il eut
été difficile de lui faciliter les moindres échos. N'empêche que des mil-
liers de compatriotes sur les bords du lac Champlain ne sont pas parti-
culièrement heureux du traitement qui leur est fait.
Dans une série de deux articles, publiés dans les "Records of the
American Catholic Historical Society of Philadelphia, Vol XIV, No. 3,
pp. 123-254 et No. 4, pp 213-235, le P. William Lucey ,s. j., professeur
au collège Holy Cross (Worcester), a voulu reconstituer le tableau his-
torique aux débuts du diocèse de Burlington. Ces pages sont à lire pour
bien des raisons!
L'auteur ne manque pas de mentionner et de souligner à plusieurs
reprises les deux principaux éléments nationaux, Franco-Américains et
Irlandais qui ont constitué la trame du centenaire. Mais, comme il faut
s'y attendre, malgré une apparente objectivité, l'accent irlandais y
abonde. Et c'est toujours le même esprit qui anime les jugements des
Irlandais à l'endroit des Franco-Américains. Ces derniers sont jugés en
marge des grandes attestations de vie catholique aux Etats-Unis.
L'auteur résume bien la pensée irlando-catholique lorsqu'il écrit,
page 144 "The Irish and Franco-Américain were about equal in nume-
rical strength when Vermont hecame a diocèse, and that factor helps
to explain why the history of the Catholic Church in this State was
relatiuely free of the bitter conflicts between thèse two national groups
and of the controversies between the Franco-Americans and the hierar-
chy which seriously disturbed other New-England diocèses." Et cette
opinion devient loi pour faire son petit chemin jusque dans les chancel-
leries romaines. Toujours les Franco-Américains qui sont dans le tort,
mais on ne parle pas des injustices qui leur ont été infligées.
Et plus loin l'auteur ajoute encore pour justifier l'assimilation et
expliquer la disparition désirable des Franco-Américains, expliquant
l'attitude de ces derniers il déclare: "Indeed, the Irish had little sympa-
thy for the Franco-Americans who insisted on the rétention of language
in order to retain the Catholic faith. Had they not lost their language
without losing the faith? Serious clashes resulted, and more serious
schisms disturbed some diocèses and parishes."
ECHOS DES SOCIETES D'HISTOIRE ^3
Pour établir le principe de la bonne entente, l'auteur ajoute encore :
"John Stephen Michaud, second bishop of Burlington, was a living
example of tlie good tliat came from this enjorced mingling. He was
born in Burlington ... the son of Etienne Michaud, a Canadian immi-
grant, and Catheriîie Rogan, an Irish immigrant." L'on sait que ce
dernier prélat était loin d'avoir des sympathies pro franco-américaines.
C'est ainsi que s'écrit, en sens unique, l'histoire sur le compte de
ce groupe ethnique, qui réclame devant Dieu autre chose qu'un fana-
tisme qui semble être la force de ceux qui voudraient que le droit et la
vérité soient toujours de leur côté. On se demande souvent, si les rôles
avaient été renversés, et que les Irlandais avaient été dans la position
d'aimer leur langue et de la conserver, de quelle façon ils auraient
procédé.
J. B.
Histoire de la Louisiane Française, Tome Premier, Le Règne de
Louis XIV (1698-1715) in-8,368p, cartes, tables, (Presses Universitaires
de France), 108 boulevard Saint-Germain, Paris, par Marcel Giraud,
professeur au collège de France. Dans cet ouvrage l'auteur se propose
de fixer la présence française en faisant ""'l'étude de la colonisation sé-
dentaire et du peuplement" c'est-à-dire "la prise de possession du sol,
les phases et les modalités de sa mise en valeur, la société qui prend
naissance dans les espaces de la Louisiane, la vie intérieure des agglo-
mérations qui se forment sur le littoral du Golfe et sur le cours inférieur
et moyen du Mississipi, leurs rapports avec les tribus indigènes, les pro-
blèmes que le voisinage de ces dernières suscite aux représentants de la
France". Cet ouvrage appuyé sur une bibliographie considérable et
charpentée est rédigé d'une façon technique quoique très agréable à
lire. Il apporte un intérêt nouveau dans l'étude de l'histoire de la Nou-
velle-France qui se prolongea jusqu'à la rivière de Mobile. Ce document
est précieux et il est digne de la réputation du professeur Giraud.
Histoire de la Louisiane, (de ses origines à nos jours, avec cartes et
illustrations), in-8,446p; Le Conseil de la Vie française en Amérique,
Université Laval, Québec, par Antoine Bernard csv. Cette histoire parut
d'abord dans la revue Vie Française de 1949-1953. Elle a le mérite
d'avoir semé un plus grand intérêt autour de l'existence de cet impor-
tant ilôt de nos frères, un ilôt qui posséda un jour un puissant rayon-
nement français.
Certains maîtres reprocheront peut-être à l'auteur l'absence de la
technique scientifique et aussi celle des sources etc. Ils considéreront
peut-être cet ouvrage comme un simple essai qui doit s'endormir dans
une vétusté précoce. Tout cela dépasserait le but de l'auteur, qui a
simplement voulu faire aimer la Louisiane française et peut-être pro-
voquer chez les louisianais un regain de fierté agissante.
^4 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
Quoique très à l'aise dans les archives, M. Bernard a préféré ra-
conter, et cela d'une façon très captivante, ce qu'il a puisé aux sources
et les impressions qu'il a lui-même recueillies au cours de ses voyages de
conférences en Louisiane.
D'ailleurs, sans prétention à une érudition impeccable, il ajoute au
début de son étude " et puis, écrire de la Louisiane où continuent de
parler, de prier en français des milliers de nos frères par le sang, l'âme
et le souvenir, n'est-ce pas faire oeuvre utile? N'est-ce pas s'associer aux
forces du bien dans le monde? Quelques pages de synthèse, plongeant
leurs racines dans le passé et portant à leur tige des faits, des conclu-
sions du présent, ont chance d'être lues et de servir une cause louable."
L'auteur a donc rendu un grand service à tous ses frères de l'Amé-
rique française. Quiconque veut connaître la Louisiane ou la visiter
ne pourrait mieux faire que de parcourir ce volume. Il y apprendra des
choses réconfortantes et comme le déclare M. Bernard en terminant sa
synthèse: "héritiers d'un même capital d'énergie humaine et de foi
chrétienne, puissent Français du Nord et Français du Sud, mieux ins-
truits des faits, des leçons du passé, continuer de se tendre la main et de
cultiver une fraternité d'âme qui, par dessus les grands noms français
du XVIle siècle, nous rattache à la France, nous groupe parmi les na-
tions dont le Prophète a chanté qu'elles seraient 'l'héritage du Christ'."
"Ce qui demeure, après tout et par dessus tout, ce sont les promes-
ses de la foi du Christ dont la langue française fut l'infatigable héraut,
dans toute l'étendue de l'Amérique du Nord! Une grande réalité reste
gravée sur ce continent: la première évangélisation faite par des mis-
sionnaires, des martyrs de sang latin et français, témoins du Christ et
du génie chrétien de la France, semeurs de courage, d'espérance, d'in-
lassable fidélité. Soyons dignes de ces Pionniers!
Il appartenait au Conseil de la Vie française de répandre cet ou-
vrage dont les pages nous invitent, malgré tout, à une persévérance
raisonnée.
Cet ouvrage paraît au moment oià l'on rappelle le 150e anniversaire
de l'achat de la Louisiane par les Etats-Unis. Un timbre anniversaire
reproduit la signature de l'acte de vente à Paris, le 30 avril 1803 par
Monroe, Livingston et Marbois. Ce fut le geste qui termina la présence
officielle de la France en Amérique et qui modifia sûrement le status de
la civilisation française sur le continent.
Quinze Etats furent taillés dans ce butin, jugé inutile par Napoléon
Bonaparte, territoire qui permit l'expansion décisive des Etats-Unis
jusqu'à la côte du Pacifique. Le tiers du territoire actuel du pays était
vendu pour la somme de onze millions.
ECHOS DES SOCIETES D'HISTOIRE
65
Route de Champlain. Titre d'un guide international de vacances,
édité par l'Association "Sur les Pas de Champlain" et publié annuelle-
ment par Le Droit (Ottawa) dans le but de favoriser le tourisme des
deux côtés de la frontière, en soulignant l'intérêt des sites historiques
dont le parcours a été surtout inauguré par Champlain. Rédigé dans
les langues française et anglaise, de grand format à 152 pages avec
cartes, notices, historiques, illustrations et routes, le guide veut faciliter
le tourisme en offrant toute l'information nécessaire. Dans une note
liminaire, il est déclaré que "l'Association sur les pas de Champlain" a
été formée en vue d'encourager entre Canadiens et Américains des deux
langues, la bonne entente qui s'est de plus en plus manifestée pendant
et depuis la seconde grande guerre. Elle invite les gens de langue an-
glaise à visiter les pèlerinages et sites historiques du Québec pour qu'ils
puissent comprendre l'importance de garder la culture et l'héritage
historique des Canadiens-français. Elle veut d'autre part, encourager
ceux-ci à visiter les régions habitées par les Canadiens anglais et les
Américains, afin d'accentuer cette bonne entente, d'intensifier l'unité
canadienne. La route de Champlain traverse le Québec, le Vermont,
l'Etat de New York et la province d'Ontario. C'est la grande route de
l'histoire et l'itinéraire de voyage le plus intéressant et le plus agréable
de l'est de l' Amérique du Nord."
''La Fayette, soldat de deux patries", par Maurice de la Fuye et
Emile Albert Babeau, in-8,292p, Amicot-Dumont, Paris, 1953: Collec-
tion Présence de l'Histoire", dirigée par André Castelot. Il est assez
difficile de faire la part du mérite d'un chacun dans im ouvrage rédigé
en collaboration ou en équipe.
La vie de La Fayette continue d'intéresser deux continents. Les
Américains y apportent en général plus de parade que de conviction. Il
arrive que Gilbert de Motier de La Fayette, fils du marquis Gilbert de
La Fayette et de Marie-Louise Julie de La Rivière joua un rôle assez
important dans la naissance des Etats-Unis. Il porta ensuite son dé-
vouement à la liberté à ses frères de France, au cours de la révolution
française de 1789.
La Fayette a-t-il fait plus de bien que de mal à sa patrie? Il avoua
un jour qu'il commença à réussir, le jour où il fut initié à la francma-
çonnerie américaine. Il en fut l'un des grands maîtres des deux côtés de
l'océan. Il avait épousé une catholique très pieuse, Adrienne de Noail-
les, fille du duc d'Ayen. L'abbé Paul de Murât, un cousin, avait célébré
le mariage, le 11 avril 1774. La Fayette avait seize ans et six mois,
et Adrienne, 13 et 5 mois. Il décédait le 20 mai 1834 à l'âge de 77 ans et
les funérailles eurent lieu en l'église de l'Assomption. Son épouse qu'il
avait adorée l'avait précédé dans la mort. Il fut inhumé près d'elle dans
le petit cimetière de Picpus. Il avait voulu être déposé dans la terre
66
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
américaine qu'il avait rapportée avec lui, lors de son dernier voyage en
Amérique, en 1825. Sur sa pierre tombale on lit encore son nom et
l'inscription: Lieutenant Général, membre de la chambre des Députés."
En liminaire, les auteurs ont écrit: "parmi les personnages de notre
histoire, il en est peu qui jurent aussi aimés et aussi hais que Gilbert de
La Fayette. Celui qu'on a nommé le héros des Deux Mondes a cherché
toute sa vie le règne de la Liberté dans le maintien de l'ordre Par
son action, La Fayette a-t-il servi ou compromis la cause qui lui tenait
tant à coeur? L'objet de cette étude est de contribuer à réunir les élé-
ments d'un procès qui n'est pas encore jugé".
Cet ouvrage sur La Fayette est rédigé sérieusement et révèle de
nouveaux aspects de cette vie mouvementée. Les sources sont indiquées.
La lecture en est captivante.
Les Cahiers des Dix, No 18, Montréal, in-8,252p, portrait de Pier-
re Georges Roy, Index général (Malchelosse).
Dans la préface, Mgr Olivier Maurault écrit "je ne crois pas me
tromper en disant que ce XVIIIe Cahier vous fournira une lecture
variée et instructive. Certains chapitres comptent parmi les mieux réus-
sis de la collection. L'ensemble illustre à merveille le tempérament du
Groupe des Dix qui, malgré ses pertes, a su se renouveler et continuer
son oeuvre. Sur le coup de l'épreuve, que Dieu lui prête vie".
En effet, les '"Cahiers des Dix" sont toujours très intéressants et
présentés dans une belle toilette littéraire et typographique. Ils suscitent
un fort intérêt autour de notre histoire. Même si tous les travaux ne
sont pas d'égale valeur, la collection constitue une utile et précieuse
addition à nos recueils.
Le groupe déplorait la perte de l'un de ses fondateurs, titulaire
du Vile fauteuil, Pierre Georges Roy. En évoquant sa mémoire, Me
Victor Morin écrit: "qui donc recueillera désormais les 'petites choses'
de notre histoire afin d'en dégager les aspects pittoresques à l'intention
des générations futures? Qui donc s'usera les yeux à déchiffrer les pages
jaunies de nos vieux grimoires pour en tirer de l'obscurité les faits et
gestes de nos devanciers, afin que les écrivains puissent en édifier la
'grande histoire' d'un pays en plein essor de développement. Telle est,
en effet, la tâche à laquelle Pierre Georges Roy a consacré toute une
vie bien remplie."
IX
Titulaires de là Médaille "Grand Prix"
1934 Jean Charlemagne Bracq (Keene, N. H.)
1936 L'Etoile (Lowell, Mass.)
1936 Le Messager (Lewiston, Maine)
1936 L'Indépendant (Fall River, Mass.)
1937 Mgr Camille Roy (Québec)
1939 S. E. le Cardinal Villeneuve, o.m.i. (Québec)
1939 L'Avenir National (Manchester, N. H.)
1945 Jean-M. Garand (Springfield, Mass.)
1947 J.-Ubalde Paquin, M. D. (New Bedford, Mass.)
1947 Corinne Rocheleau-Rouleau (Montréal)
1950 Adolphe Robert (Manchester, N. H.)
1950 Juge Eugène-L. Jalbert (Woonsocket, R. L)
1950 Juge Arthur-L. Eno (Lowell, Mass.)
1950 Mgr F.-X. Larivière, P. D. (Marlboro, Mass.)
1950 Me Henri T. Ledoux (Nashua, N. H.)
1951 Philippe Armand Lajoie (Fall River, Mass.)
1951 Yvonne Le Maître (Lowell, Mass.)
1951 R. F. Wilfrid Garneau, f.s.c. (Central Falls, R. L)
1951 Le Phare (Woonsocket, R. L)
1951 Pierre Herménégilde Huot (New York)
1951 Abbé Paul-Emile Gosselin (Québec)
1952 Georges- Alphonse Boucher, M. D. (Brockton, Mass.
1953 Le chanoine Lionel Groulx (Montréal)
Titulaires de la Médaille Guillet-Dubuque-Bédard
M. Armand Cyr
le 20 novembre 1934
M. Robert Lefebvre
le 26 octobre 1938
Concours d'histoire de Fall River
le 2 avril 1939
M. Josaphat Benoit
le 12 octobre 1939
M. Antoine Clément
le 14 mai 1941
Dr Georges-A. Boucher
le 19 novembre 1941
Rosaire Dion-Lévesque
le 19 novembre 1941
Soeur Mary-Carmel, s. m.
le 11 mai 1949
M. Edouard Fecteau
le 23 mai 1951
Médaille du Congrès de Québec
gagnée par
M. Alfred Desautels
le 27 juin 1937
M. René Manès
le 27 juin 1937
Membres Honoraires (1899-1953)
Présidents d'honneur
Le major Edmond Mallet, élu le 1er septembre 1902.
S. Exe. Jules J. Jusserand, élu le 7 septembre 1903.
M. lé prof. Gilbert Chinard, élu le 24 mars 1934.
Vice-Présidents d'honneur
M. Gaston Deschamps, élu le 9 mars 1901.
M. Honoré Beaugrand, élu le 2 septembre 1901.
M. Hugues LeRoux, élu le 22 février 1902.
M. James Geddes, élu le 24 mars 1934.
M. Pierre Georges Roy, élu le 24 mars 1934.
M. l'abbé Adrien Verrette, élu le 3 novembre 1948.
M. le Dr Antoine Dumouchel, élu le 15 décembre 1949.
Mennbres honoraires
S. Exe. Jules Cambon
M. René Doumic
M. Louis Fréchette
M. Frédéric Coudert
M. Edmond de Nevers
M. James Geddes
S. Exe. Curtis Guild fils
M. Henri Baulig
M. James Phinney Baxter
M. William Bennett Munro
Abbé Henri Beaudé
Abbé Camille Roy
M. Hector Garneau
M. Léon Dupriez
M. Ludovic Leblanc
M. Robert M. Johnson
Lt-col Paul Azan
Cap. Amman
M. François Veuillot
M. Ulric Barthe
Chanoine Emile Chartier
M. Régis Roy
Le R. P. Paul de Mangeleere, s. j.
M. Alfred Jeanroy
M. Etienne Gilson
M. Raoul Blanchard
M. Ferdinand Brunetière
M. Edouard Rod
M. Louis Herbette
M. Henri de Régnier
M. Télesphore St-Pierre
M. René Millet
Le R. P. Louis Lalande, s. j.
Dr N.-E. Dionne
M. Adjutor Rivard
M. Joseph-Edmond Roy
M. Albert Bushnell Hart
M. Alcée Portier
M. Benjamin Suite
M. Maurice de Wulf
Mgr Léon-Adolphe Lenfant
Abbé Thellier de Poncheville
M. Charles Cestre
Lt André Morize
Abbé Lionel Groulx
M. Henri Guy
M. Aegidius Fauteux
M. Louis J. A. Mercier
M. Pierre-Georges Roy
M. Louis-Philippe Geoffrion
M. Jean-Charlemagne Bracq
M. Gilbert Chinard
MEMBRES HONORAIRES (1899-1953)
69
M. Paul Hazard
M. Léon Vallas
Le R. P. Engelbert, a. a.
M. Henri Bergeron
M. Emile Lauvrière
M. Jean-Etienne Maigret
M. J.-G. LeBoutillier
S. E. le cardinal Villeneuve, o.m.i.
M. François Brière
Le R. P. J.-V. Ducattillon, o. p.
M. Jean Seznec
M. Séraphin Marion
Le R. P. Pierre Goube, s. j.
Le Dr Robert Goffin
Le prof. René de Messières
Mgr Georges Chevrot
M. Albert Chambon
Mgr Joseph Guérin
Abbé Albert Tessier
Chanoine Arthur Sideleau
M. Jean Bruchési
Mgr Félix-
Le duc de Bauffi-emont
M. Max Vivier
M. Damase Potvin
M. Emile Vaillancourt
Le R. P. Henri Lalande, s. j.
Mgr L.-J.-A. Doucet
Mgr Olivier Maurault, p. s. s.
S. Exe. René Doynel de St-Quentin
M. Félix Desrochers
Me André Lafargue
M. Gustave Lanctôt
Le prof. Arsène Croteau
M. J. -Henri Frenière
S. Exe. Dantès Bellegarde
Me Roger Picard
Frère Antoine Bernard, s.c.v.
M. Henry Longfellow Dana
M. Luc Lacoursière
L'hon. Omer Côté
Le T. H. Louis St-Laurent
Abbé Paul-Emile Gosselin
A. Savard
Membres Correspondants
M. Gaston Deschamps, élu le 9 mars 1901.
M. William Frédéric Osborne, élu le 2 septembre 1901.
XI
Nos conférenciers et orateurs
Par ordre alphabétique jusqu'au quarantenaire
Le It-col. Paul Azan, Ulric Barthe, Henri Baulig, James-P. Baxter,
Abbé Henri Beaudé, Dr J.-Armand Bédard, Alexandre Bélisle, Hector-
L. Bélisle, Josaphat Benoit, Raoul Blanchard, J.-O.-D. de Bondy, Dr
Georges-A. Boucher, Jean-Charlemagne Bracq, Chanoine Emile Char-
tier, Prof. Gilbert Chinard, Gaston Deschamps, Félix Desrochers, R. P.
Engelbert Devincq, a. a., N.-E. Dionne, Hugo-A. Dubuque, R. P. J.-V.
Ducattillon, o. p., Léon Dupriez, Aegidius Fauteux, J. -Arthur Favreau,
Alcée Portier, Hector Garneau, Alphonse Gaulin, James Geddes fils,
Louis-Philippe Geoffrion, Abbé Lionel Groulx, S. Exe. Curtis Guild
fils, Henri Guy, Albert Bushnell Hart, Paul Hazard, Francis Hurtubis
fils, Alfred Jeanroy, Louis-J. Jobin, Robert-M. Johnston, André La-
fargue, R. P. Henri Lalande, s. j., R. P. Louis Lalande, s. j., S. Exe.
Mgr Léon-Adolphe Lenfant, Hugues Le Roux, le major Edmond
Mallet, R. P. Paul de Mangeleere, s. j., Charles-J. Martel, Mgr Olivier
Maurault, p.s.s., Louis-J. -A. Mercier, René Millet, André Morize,
William-B. Munro, Edmond de Nevers, Roch Pinard, Abbé Thellier
de Poncheville, Damase Potvin, Henri de Régnier, Adjutor Rivard,
Mgr Camille Roy, J. -Edmond Roy, Pierre-Georges Roy, Régis Roy,
Télesphore-H. Saint-Pierre, le comte René Doynel de Saint-Quentin,
Benjamin Suite, Edouard Fabre-Surveyer, Emile Vaillancourt, Léon
Vallas, François Veuillot, Elle Vézina, S. Em. le cardinal Villeneuve,
Max Vivier, Barrett Wendell et Maurice de Wulf.
Par ordre chronologique depuis 1941
Jean Seznec, Gustave Lanctôt, Séraphin Marion, Arsène Croteau,
R. P. Pierre Goube, s. j., Dr Robert Goffin, S. Exe. Dantès Bellegarde,
René de Messières, Roger Picard, Mgr Georges Chevrot, Frère Antoine
Bernard, c.s.v., Henry Wadsworth Longfellow Dana, Mlle Cécile
Saint- Jorre, Mgr Joseph Guérin, Luc Lacoursière, Abbé Albert Tessier,
Thon. Omer Côté, chanoine Arthur Sideleau, le T. H. Louis St-Laurent,
Jean Bruchési, Abbé Paul-Emile Gosselin, Mgr Félix-A. Savard, cha-
noine Lionel Groulx.
Aux séances d'études du printemps depuis 1950
R. P. Thomas-M. Landry, o. p., Adolphe Robert, Antoine Clé-
ment, Abbé Adrien Verrette, Frère Wilfrid, Dr Louis-B. Amyot, Dr
Ulysse Forget, Mlle Yvonne Le Maître, Thérèse SanSouci, Dr Gabriel
Nadeau, Abbé Wilfrid Paradis et Dom Jean-Anselme Mathys, o.s.b.
Autres membres, visiteurs ou amis qui ont contribué
au succès de nos réunions ou de notre Bulletin
Me J.-H. Guillet, Me Wilfrid-J. Lessard, Dr Stanislas Martel,
NOS CONFERENCIERS ET ORATEURS f \
Alexandre Goulet, Maximilienne Tétrault, Adolphe Robert, Mgr J.-B.
Labossière, R. P. Léon Loranger, o.m.i., Henri Bergeron, Jean-Etienne
Maigret, Antoine Clément, Me Télesphore Leboeuf, Joseph Lussier,
Jules Savarin, abbé Adrien Verrette, Louis-J. Jobin, Mgr Louis-J.-A.
Doucet, Jean-Georges Le Boutillier, François Brière, Mme Malaterre-
Sellier, R. P. Rodolphe Martel, a. a., Bertrand-L. Plante, Mgr Stephen
el-Douaihy, Dr Antoine Dumouchel, juge Edouard Lajoie, Robert Le-
febvre, juge Arthur-L. Eno, Hector-L. Bélisle, Ernest Bournival, Me
Henri-T. Ledoux, Dr Gabriel Nadeau, Edward-B. Ham, Antoine-J.
Jobin, Jacques Ducharme, Me Adonat-J. Demers, Dr Thomas- Joseph
Dion, Corinne Rocheleau Rouleau, Burton LeDoux, Yvonne Le Maître,
Maxime-O. Frenière, Dr Paul Dufault, Nemo, abbé F.-X. Larivière,
Dr Henri Gauthier, Saul Colin, Edouard Fecteau, juge Hugo-A. Du-
buque, J. -Arthur Favreau, Dr Ulysse Forget, Jean-Jacques Lefebvre,
abbé William-E. Drapeau, R. P. Thomas-M. Landry, o. p., Dr Omer
E. Boivin, J.-Wilfrid Mathieu, Me Valmore-M. Carignan, William-N.
Locke, Jean Picher, Dr Wilfrid-R. Delaney, R. P. Polyeucte Cuissard,
a. a., abbé René Constant, Louis Clapin, Rodolphe Carrier, abbé
Joseph Boutin, abbé Camille Blain, abbé Georges-J.-C. Duplessis, juge
Emile Lemelin, juge Edouard- J. Lampron, Me R. de Blois La Brosse
et Léopold Lamontagne.
XII
Les membres du Bureau depuis 1899
Présidents
Me J.-Henri Guillet, Lovv^ell, 1899-1902.
Me Hugo- A. Dubuque, Fall-River, 1902-1904.
Me Joseph Monette, Lawrence, 1904-1906.
Dr J.-Armand Bédard, Lynn, 1906-1932.
Me Wilfrid-J. Lessard, Manchester, 1932-1934.
Dr J.-Ubalde Paquin, New-Bedford, 1934-1946.
Me Eugène-L. Jalbert, Woonsocket, 1946-1949.
M. l'abbé Adrien Verrette, Suncook, 1949.
Vice-Présidents
M. Paul-A. Primeau, Me Hugo-A. Dubuque, Me Joseph Monette,
Dr J.-Armand Bédard, Me Elphège Daignault, M. O. -Edmond Bélisle,
M. l'abbé Henri Beaudé, M. le prof. William B. Munro, Me Wilfrid-J.
Lessard, Dr J.-Ubalde Paquin, M. Louis-J. Jobin, Dr Georges-A. Bou-
cher, Me Eugène-L. Jalbert, M. Joseph Lussier, Dr Antoine Dumou-
chel et Me Valmore-M. Carignan.
Secrétaires
Me Alphonse Gaulin, Woonsocket, 1899-1905.
M. J.- Arthur Favreau, Boston, 1905-1933.
Prof. William Bourgeois, Boston, 1934-1936.
Prof. Alexandre Goulet, Boston, 1936-1937.
M. Antoine Clément, Lowell, 1937-1945.
Dr Gabriel Nadeau, Rutland, Mass., 1945.
Secrétaires adjoints
M. J. -Arthur Favreau, Worcester, 1899-1905.
M. Hector-L. Bélisle, Lawrence, 1905-1920.
M. Louis-J. Jobin, Boston, 1920-1934.
R. P. Léon Loranger, o.m.i., Natick, 1934-1936.
M. Antoine Clément, Lowell, 1936-1937.
M. Arthur Milot, Woonsocket, 1937-1941.
M. Wilfrid Beaulieu, Worcester, 1941-1948.
Dr Roland Cartier, North Reading, 1948.
Trésoriers
Dr Omer LaRue, Putnam, 1899-1906.
M. Louis-P. Turcotte, Lowell, 1906-1908.
Me J.-Henri Guillet, Lowell, 1908-1931.
L'hon. juge Arthur-L. Eno, Lowell, 1931-1949.
M. Antoine Clément, Lowell, 1949.
LES MEMBRES DU BUREAU DEPUIS 1899
73
Conseillers
Me Hugo-A. Dubuque, Me Emile-H. Tardivel, Dr Charles-J.
Leclaire, M. Auguste-H. Jean, Dr A.-Wilfrid Petit, M. Hector-L.
Bélisle, Dr A.-A.-E. Brien, Me Joseph Monette, Dr Joseph-H. Boucher,
Dr G.-Tancrède Lamarche, Me J-Henri Guillet, Dr L.-P. de Grand-
pré, M. L.-P. Turcotte, Dr J. -Armand Bédard, M. FéHx-A. Bélisle, M.
Francis Hurtubis fils, M. Joseph Boucher, M. Alexandre Bélisle, M.
Pierre Bonvouloir, M. J.-D.-O. de Bondy, Dr Noël-E. Guillet, Dr Orner
LaRue, M. Alfred Bonneau, M. Louis-J. Jobin, M. Noé-L. Nadeau,
Me Henri-T. Ledoux, M. Louis-E. Cadieux, M. J.-E. Lachance, M.
Clarence-F. Cormier, Prof. William-B. Munro fils. Me Wilfrid-J.
Lessard, Me Eugène-L. Jalbert, M. Eugène Bélisle, Dr J.-Ubalde Pa-
quin, Dr Léon Vallière, M. Joseph Lussier, Me Albert-L. Bourgeois,
Prof. Antonio Provost, M. Rodolphe Carrier, M. Adolphe Robert, Dr
Georges-A. Boucher, M. le curé Philias Jalbert, Dr Omer-E. Boivin,
M. le curé F.-X. Larivière, M. Josaphat Benoit, M. Arthur-E. Moreau,
M. Donat Corriveau, Dr Antoine Dumouchel, Dr J.-B.-A. Falcon, Dr
Albert Poirier, Dr Wilfrid-R. Delaney, M. Louis-P. Clapin, M. l'abbé
Adrien Verrette, M. Antoine Clément, M. Wilfrid-J. Mathieu, M.
Hector Cormier, M. Dolord Hamel, Dr Ulysse Forget, Me Valmore-M.
Carignan, l'hon. juge Alfred-J. Chrétien, M. William Arseneault, Dr
Benoit Garneau, M. le curé F.-X. Larivière, l'hon. juge Emile Lemelin,
Dr Fernand Hémond, M. Valmore Forcier, R. P. Thomas-M. Landry,
o. p., l'hon. juge Edouard-J. Lampron, M. Lucien SanSouci, M.
Lauré-B. Lussier, M. Damase Brochu, Dr Oscar Perrault, Me Ernest-R.
D'Amours, Mlle Rhéa-A. Caron et M. F. -Raymond Lemieux.
XIII
La liste des membres a l'exercice de 1953-1954
Amesbury, Mass.
Me Laurie-A. Ebacher, 177 rue Elm
Ann Arbor, Micliigaîi
Prof. Edward-B. Ham, Université du Michigan
Belmont, Mass.
Juge Raoul-H. Beaudreau, 151 route Rutledge
Biddejord, Maine
M. Edgar-R. Corneau, 173 rue South
Mme Edgar-R. Corneau, 173 rue South
M. Frédéric Deschambeault, 31 rue Crescent
Mme Frédéric Deschambeault, 31 rue Crescent
M. Georges-Henri DesRoberts, 121 rue Alfred
Me Robert-G. Lacroix, 127 rue Cleaves
Dr Oscar-W. Perrault, 30 rue South
Mlle Hélène Thivierge, 30A rue May
Boston, Mass.
Me Pierre Belliveau, 84 rue State
M. Damase-J. Brochu, 154 avenue Huntington
M. Rodolphe-E. Pépin, 58 route Fenwood
Brattleboro, Vermont
Dr Marius Peladeau, Brattleboro, Vermont
Brockton, Mass.
Dr Georges-A. Boucher, 20 avenue Clinton
M. Hector-E. Cormier, 210 rue Court
Me Alfred DeQuoy, 54 route Winifred
M. Horace-J. Grenier, 238 rue Court
M. René Janson-La Palme, 48 rue Fairfield
M. Richard-J. Potvin, 67 avenue Perkins
Burlington, Vermont
M. Jean Picher, 156 rue Saint-Paul
Cambridge, Mass.
M. Azade Arseneault, 16 rue Clay
M. William Arseneault, 60 avenue Rindge
M. Camille Beaulieu, 19 rue Haskell
Dr R.-Wilfrid Delaney, 6 rue Milton
Dr Albert Poirier, 2179 avenue Massachusetts
MEMBRES DE LA SOCIETE 75
M. Elie-J. Poirier, 2179 avenue Massachusetts
Central Falls, Rhode-Island
Mme J.-A. Bonvouloir, 92 rue Clay
M. Léopold-F. Bonvouloir, 141 rue Illinois
Mme Léopold-F. Bonvouloir, 141 rue Illinois
M. Arthur-W. Héroux, 11 rue Ledge
M. Edgar- A. Langlois, 1060 avenue Lonsdale
M. Léo-E. Le Beau, 56 avenue Shawmut
Chestnut Hill, Mass.
R. P. Wilfrid Bouvier, s. j., Boston Collège
R. P. Joseph-D. Gauthier, s. j., Boston Collège
Claremont, New-Hampshire
M. Arthur-J. Rouillard, C. P. 34
Danielson, Connecticut
M. Valmore-H. Forcier, C. P. 294
M. F. -Raymond Lemieux, rue Dorrance
Everett, Mass.
M. Joseph-L.-A. Genest, 15 avenue Bellingham
Fall River, Mass.
Mme Donat Blanchette, 483 route Stafford
Dr Omer-E. Boivin, 187 rue North Main
R. P. R.-M. Burgess, o. p., au Canada
Mlle Rhéa-A. Caron, 32 rue Saucier
M. Louis-P. Clapin, 1353 rue Robeson
Mme Emile Cousineau, 663 rue Locust
Mme Julie de Champlain Lagassé, 256 rue Whipple
R .P. Thomas-M. Landry, o. p., 818 rue Middle
Mlle Annette Martineau, 341 rue Fourth
Mlle Marguerite Martineau, 341 rue Fourth
Dr J.-E. Mercier, 1621 rue South Main
Mme Célina Normand, 183 rue Hunter
Mme Albert-J.-F. Plante, 96 rue Rockland
Mme Anne-Marie St-Denis, 577 rue Middle
M. Marcel St-Denis, 104 rue East Main
Mme Marcel St-Denis, 104 rue East Main
Farmington, New-Hampshire
M. l'abbé Arthur-J. Dufour, 90 rue Central
Fitchburg, Mass.
M. W.-E. Aubuchon, 28 rue Rollstone
76
BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
M. l'abbé Camille-A. Blain, 64 rue Dover
Dr J.- Armand Gélinas, 190 rue Milk, dans l'armée
M. Edmond-J. Tousignant, 117 rue Fine
Gardner, Mass.
Mgr Joseph-H. Boutin, 135 rue Nichols
Dr Alfred-P. Lachance, 66 rue Parker
Dr Raymond-E. Lcvesque, 66 rue Parker
Holyoke, Mass.
M. l'abbé Pierre-H. Gauthier, 271 rue Chestnut
M. Joseph Lussier (maintenant à Adams, Mass.)
M. Roméo-D. Raymond, 433 rue Appleton
H u dson, Ncw-Ha mpsh ire
R. P. J.-B.-A. Barette, o.m.i., Maison Oblate
Leominster, Mass.
M. J. -Henri Goguen, 163 rue Seventh
Dr Albert-L. Ménard, 81 rue Laurel
Linwood, Mass.
M. l'abbé Alvin-N. Gagnon, presbytère Bon-Pasteur
Lowell, Mass.
M. Louis-A. Biron fils, 235 route Mammoth
M. Antoine Clément, 195 rue West Sixth
M. l'abbé Georges Duplessis, 221 rue West Sixth
L'hon. juge Arthur-L. Eno, 219 Hildreth Building
Me Paul-R. Foisy, 174 rue Central
Mlle Estelle Landry, boulevard Pawtucket
M. Léon- A. Lavallée, 99 rue Harvard
R. P. Armand Morissette, o.m.i., 216 rue Nesmith
M. Joseph Peloquin, 834 rue Stevens
Dr Laval-U. Peloquin, 99 rue Harvard
Prof. Paul-H. Phaneuf, 559 rue Fletcher
M. Arthur-L. Turcotte, 555 rue Andover
Lynn, Mass.
Dr Elzéar Asselin, 38 avenue Atlantic
Mgr William-E. Drapeau, 7 rue Endicott
Manchester, New-Hampshire
M. Albert-F. Ballard, 294 avenue Lake
M. Albert-J. Beaudry, ci-devant 52 rue Concord
Le maire Josaphat Benoit, 23 rue Stearns
Me Gérard-O. Bergevin, greffier du tribunal
MEMBRES DE LA SOCIETE 77
M. René-L. Bourcier, 212 rue Ray
M. Armand Capistran, 65 rue Ray
L'hon. juge Alfred- J. Chrétien, 1008 rue Elm
Me Jean-A.-L. Chrétien, 1008 rue Elm
Me Ernest-R. D'Amours, 795 rue Elm
M. l'abbé Doria Desruisseaux, 411 route Calef
Dr Jules-O. Gagnon, 160 rue Wilson
Mgr Napoléon-J. Gilbert, 117 rue Youville
M. Albert-W. Hamel, 48 rue Carpenter
M. Basil- A. Joannides, 105 rue Ray
M. Philippe LaRonde, 741 rue Silver
L'hon. juge Emile Lemelin, 944 rue Elm
M. Louis-Israël Martel, 693 rue Beech
M. Wilfrid-J. Mathieu, 52 rue Concord
M. l'abbé Wilfrid Paradis, 411 route Calef
Dr Adolphe Provost, 36 rue Lowell
M. Adolphe Robert, 52 rue Concord
M. Gérald Robert, 410 rue Kelley
M. l'abbé Gilles Simard, 383 rue Beech
M. Armand Verrette, 545 rue Maple
Manville, Rhode-hland
M. Lauré-B. Lussier, 20 avenue Bouvier
Marlhoro, Mass.
Me Robert-H. Beaudreau, rue Homer
M. Roland-N. Dessein, 42 rue Broad
Dr Albert-E. LeMarbre, 32 rue Pleasant
Millhury, Mass.
M. Jean-B. Danis, rue West Main
Mme Jean-B. Danis, rue West Main
M. Pierre-E. Desrosiers, rue West Main
Mlle Margaret Dunn, 17 rue Grove
Nashua, New-Hampshire
M. Charles-M. Brodeur fils, 57 rue Main
Dr O.-E. Caron, 51 rue Zellwood
M. Donat Corriveau, 115 rue Main
Dr Maurice-H. Dumas, 100 rue Main
M. Louis-M. Janelle, 2nd National Bank Buildin^
L'hon. juge Edouard-J. Lampron, 92 rue Main
Me Henri-T. Ledoux, 23 rue Cross
Needham, Mass.
M. Hervé-E. Généreux, 59 avenue Beaufort
78 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
New Bedford, Mass.
M. Rodolphe-J. Carrier, 131 rue Deane
Club des Francs-Tireurs, 70 rue Hicks
M. Orner Grenon, 51 rue Mount Pleasant
Mme Omer Grenon, 51 rue Mount Pleasant
Mme Délia- J. LeDoux, 91 rue Bullard
M. Antonio Lemieux, 2287 avenue Acushnet
Mme Antonio Lemieux, 2287 avenue Acushnet
M. Albert-J. Loranger, 3574 avenue Acushnet
Dr J.-Ubalde Faquin, 633 rue Coggeshall
Me Zéphyr Faquin, 758 rue Purchase
Dr Wilfrid-J. Rousseau, 2055 avenue Acushnet
Newton, Mass.
M. l'abbé Sylvio Barrette, 253 rue Watertown
Newton Centre, Mass.
Me Ralph-J. Thibodeau, 194 rue Parker
New-York, N. Y.
M. Robert-L. Frédette, 24 rue West 95th
Nortli Adams, Mass.
Dr Antoine Dumouchei, 56 rue Summer
No. Grosvenordale, Conn.
M. l'abbé Oscar Normand, presbytère St-Joseph
No. Wilmington, Mass.
Dr Gérald Caron, sanatorium de No. Reading
Dr Roland Cartier, sanatorium de No. Reading
Orlando, Floride
Mlle Lienne Tétrault, Route 6— C. F. 380
Pawtucket, Rhode-Island
Dr Arthur-J.-B. Falcon, 38 rue Exchange
Me R.-Deblois LaBrosse, 301 rue Main
M. Albert-J. Lamarre, 25 avenue Capwell
M. Hervé-J. Lemieux, !25 rue Sisson
Dr Edouard Morin, 156 Broadway
Pittsfield, Mass.
M. l'abbé Albert-T. Beaudry, presbytère Notre-Dame
Portland, Maine
Mme Marguerite-G. Robinson, C. P. 1741
MEMBRES DE LA SOCIETE 79
Rutland, Mass.
Dr Paul Dufault, sanatorium d'Etat
Dr Gabriel Nadeau, sanatorium d'Etat
Salem, Mass.
M. Antonio Goulet, 30 avenue Loring
M. l'abbé Philias Lefèvre, 135 rue Lafayette
M. l'abbé Arthur-O. Mercier, 135 rue Lafayette
M. Stephen-H. Richard, 53 rue Prince
M. William Thériault, 129 rue Lafayette
Sanbornville, New-Hampshire
M. l'abbé Henri Brodeur, presbytère St-Antoine
Schenectady, N. Y.
Dr Louis-B. Amyot, 9 rue North Church
Somerset, Mass.
Mlle Paulette Cyr, 95 avenue Lorraine
Somerswortli, New-Hampshire
M. l'abbé Hector-A. Benoit, presbytère St-Martin
Springjield, Mass.
M. Léon-J. Alarie, 108 rue Fenwick
Storrs, Conn.
Prof. Arsène Croteau, Université du Connecticut
Suncook, New-Hampshire
M. l'abbé Adrien Verrette, presbytère St-Jean-Baptiste
Warren, Rhode-Island
Dr Ulysse Forget, 600 rue Mont Main
Waterville, Maine
Me Napoléon-A. Marcou, Professional Building
West Warwick, Rhode-Island
Dr Fernand-J. Hémond, 12 rue St. John
Woojisocket, Rhode-Island
M. Ephrem Barthélémy, 166 rue Grove
Me Valmore-M. Carignan, 1 rue Social
M. George Filteau, 81 rue Pine
M. Vernon-F.-A. Fiola, 23 rue Moore
Dr Auray Fontaine, 56 avenue Hamlet
Dr Henri-E. Gauthier, 34 avenue Hamlet
80 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
L'hon. juge Eugène-L. Jalbert, 62 route Glen
M. Serge Lamoureux, 546 avenue Park
M. Jacques Lepoutre, G. P. 996
Dr Armand-F. Picard, 52 avenue Hamlet
M. Willy St-Germain, 648 route Cumberland Hill
Mme Willy St-Germain, 648 route Gumberland Hill
Worcester, Mass.
M. Wilfrid Beaulieu, G. P. 195
M. J.-Arthur Belisle, 22 rue Richards
M. l'abbé Herménégilde Boutin, 51 rue Illinois
Me René-A. Brassard, 98 rue Front
M. L.-Paul Gourchesne, 82 rue Plantation
Mme L.-Paul Gourchesne, 82 rue Plantation
R. P. Armand Desautels, a. a., collège de l'Assomption
T. R. P. Wilfrid Dufault, a. a., à Rome
Dr Frédéric-E. Dupré, 8 rue Germain
M. Gharles-P. Gemme, 66 rue Plantation
M. Roland-E. Gervais, 512 route Massasoit
Dr Adélard-J. Harpin, 98 rue Front
M. Archibald-R. LeMieux, 69 rue Armory
R. P. Henri Moquin, a. a., provincial à New- York
Mlle Elise Rocheleau, 483 avenue Park
M. Albert-J. Roy, 39 rue Dartmouth
Dr R.-J. Savignac, 390 rue Main
Le trésorier Antoine Clément
Appendice
Dans les archives de la Société
A la réunion du 20 novembre 1934
"Une Nouvelle France dans la Nouvelle-Angleterre"
par Alexandre Goulet *
En me conviant à participer aux noces de corail de la Société, les
dignitaires m'ont demandé de vous parler de la bourse que j'ai obtenue,
de mon voyage en Europe et enfin de ma thèse. Evidemment je n'ai pas
le loisir de vous entretenir pleinement de ces différents sujets. D'ailleurs,
en ceci je ne crois pas me tromper, vous avez tous sûrement hâte d'en-
tendre le conférencier de circonstance, et je vous fais dès maintenant la
promesse de ne pas retarder outre mesure le plaisir qui vous attend.
Le Dr Paquin vous ayant parlé de la bourse dont je fus l'an dernier
le huitième titulaire, je vous dirai un mot de mon séjour en France, puis
j'esquisserai seulement les traits saillants de ma thèse.
Lors de ma première année d'études à Paris, il me fut donné à
plusieurs reprises d'adresser la parole à des auditoires français, la pre-
mière fois du poste radiophonique Radio-Côte-d'Azur, près de Nice, la
seconde du poste d'Etat de Lyon oii j'assistais à la Conférence Univer-
sitaire Franco-Américaine à titre de représentant de l'American Uni-
versity Union de Paris. Comme vous le pensez bien chacune de ces
causeries porta sur mes compatriotes franco-américains.
Nous étions si peu connus en France, que je m'efforçais par tous
les moyens de répandre ce que vous me permettrez d'appeler la "bonne
nouvelle". Aussi j'eus bientôt la consolation de voir certains journaux
là-bas s'intéresser à nous au point de nous consacrer plusieurs lignes et
ce, en première page. "Le Grand Echo du Nord", publié à Lille, fut, à
cet égard, d'une admirable générosité.
C'est pourquoi, revenu à Paris en 1933, j'étais résolu à y présenter
une thèse pour le doctorat de l'université de Paris, dont le titre serait
l'histoire des Franco-Américains en Nouvelle-Angleterre. Je dois avouer
que j'entrepris ce travail contre l'avis de mon conseiller et notre ami à
tous, je nomme M. Emile Lauvrière, qui estimait comme trop court le
peu de temps dont je disposais. Néanmoins, je me mis hardiment à la
tâche et songeant à la vigueur de notre vie française en cette région
colonisée par les Puritains, je n'hésitai pas à intituler mon manuscrit
"Une Nouvelle France en Nouvelle- Angleterre".
Et c'est ce dont je vais vous donner maintenant un bien faible
résumé.
On entend dire parfois que les Franco-Américains ne sont au pays
que depuis peu d'années. Cependant si nous consultons les chiffres du
* Ancien secrétaire de la Société et maintenant professeur à l'université
Princeton à Trenton, New Jersey.
82 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
recensement du seul Etat du Massachusetts en 1764, nous constatons
que déjà 564 Français neutres (French neutrals) y avaient établi leur
demeure. Ces Français étaient, selon toute probabilité, des Français et
Canadiens-français, anciens soldats de Montcalm et Lévis, à qui il ré-
pugnait de servir leur nouveau maître sur le sol de la patrie conquise.
Aussi pendant la guerre de l'Indépendance américaine plusieurs cen-
taines de Canadiens français accoururent se mettre sous les ordres de
Washington qui leur donna même des chefs de leur race.
La paix conclue et craignant les représailles dont ils auraient sans
doute été victimes en retournant au Canada, ils s'établirent en grand
nombre sur les terres du New- York et du Vermont que leur accorda le
congrès américain pour les récompenser de leurs services.
Emigratioii:
Petit à petit d'autres Canadiens commencèrent à émigrer aux
Etats-Unis. Woonsocket, R.-I. en 1815 et Worcester, Mass. en 1820
comptaient déjà de ces nouveaux citoyens.
Mais l'insurrection des Patriotes combattant sous Papineau en 1837
amena le plus fort contingent d'émigrés qui pour la plupart, s'arrêtè-
rent dans le Vermont. C'est alors que naquit, à Burlington, le premier
journal vraiment franco-américain. Duvernay qui, trois ans plus tôt,
avait jeté les bases de la Société Saint- Jean-Baptiste, publia Le Patriote.
La même année nos ancêtres purent enfin avoir leur église à eux après
que le temple catholique des Irlandais eut été incendié par des fana-
tiques. Je passe sous silence les événements regrettables auxquels donna
lieu alors la présence, dans une même ville, de coreligionnaires de lan-
gues différentes.
D'abord desservis surtout par des prêtres bretons, les Canadiens
français eurent plus tard toute une pléiade de pasteurs du Canada,
grâce aux efforts apostoliques et inlassables de leur évêque, Mgr de
Goesbriand.
Guerre de 1861:
En 1861, lors de la guerre civile, un grand nombre d'ouvriers amé-
ricains ayant dû prendre les armes, les patrons des filatures firent appel
à la main-d'oeuvre canadienne qui dès lors ne cessa de combler les vides.
La grande émigration était commencée et elle devait durer plus d'un
quart de siècle. L'ouvrier et l'artisan canadiens eurent bientôt acquis la
réputation d'être les piliers de l'industrie de la Nouvelle-Angleterre.
Mais cette conquête pacifique des nôtres ne pouvait se faire sans pro-
voquer le mécontentement, la colère de ceux qui se voyaient ainsi sup-
plantés.
Rapport:
Le rapport du chef du bureau des statistiques du Massachusetts en
1880 leur fournit l'occasion désirée et ils y distillèrent le venin de la
calomnie contre leurs rivaux. La rapide entrée en scène d'éminents
UNE NOUVELLE FRANCE DANS LA NOUVELLE-ANGLETERRE
83
Franco-Américains d'alors, et ici il me fait plaisir de saluer la mémoire
de deux fondateurs de la Société Historique, MM. Dubuque et Guillet,
des pétitions affluèrent de toutes part protestant contre les accusations
du rapport, surtout contre celle qui nous traitait de "Chinois de l'Est".
Une audience-enquête eut lieu, à laquelle d'autres compatriotes vigi-
lants, tels Ferdinand Gagnon, rédacteur du "Travailleur" de Worcester,
et l'abbé Bédard de Fall River, se présentèrent pour défendre la cause
de leurs frères. Les preuves apportées contre l'inique document donnè-
rent immédiatement raison aux requérants. Aussi le rapport de l'année
suivante réhabilitait-il les Canadiens français en rétablissant les faits et
la vérité. Le colonel Wright, chef de ce rapport étant devenu dans la
suite commissaire du travail à Washington, écrivait ce qui suit à M.
Alex. Belisle de Worcester en 1907:
"J'ai trouvé dans mes études que pas une nationalité ne s'est déve-
loppée aussi rapidement et d'une manière si satisfaisante, en venant en
ce pays, que les Canadiens français, et je suis convaincu qu'ils ont beau-
coup fait dans le développement de notre pays".
On peut dire sans crainte de se tromper que les honneurs du com-
bat revenaient surtout à la presse des émigrés avec qui il fallait désor-
mais compter. En 1868 avait paru le premier journal franco-américain
viable, "Le Protecteur Canadien" de Saint-Albans, Vermont. D'autres
lui succédèrent dont le plus important fut sans contredit le "Travail-
leur", publié à Worcester de 1874 à 1886 par celui dont nous devrions
chérir la mémoire à jamais, j'ai nommé Ferdinand Gagnon. Pendant les
18 années qu'il passa en ce pays, Gagnon fut le champion de ses com-
patriotes et le chef le plus écouté de leur presse. Avec lui nos sociétés
naissantes prirent plus d'ampleur et groupèrent plus de membres. En
1874, si nous en croyons "La Minerve" de Montréal, 18,000 émigrés le
suivirent, lui et ses lieutenants, à la fête nationale qu'on célébrait avec
une solennité inaccoutumée à Montréal.
Ici, comme à Québec en 1880, Gagnon réclama pour les siens le
mérite qu'on s'obstinait à leur nier et, en termes émouvants, il exhorta
ses frères à plus de sympathie pour les Canadiens des Etats-Unis.
Depuis la guerre civile nos paroisses avec clergé national s'étaient
constamment multipliées dans toute la Nouvelle-Angleterre. D'autres
attaques, comme celle de 1880, dirigées contre nos sociétés, nos parois-
ses et nos écoles françaises, échouèrent grâce à l'énergie de notre clergé,
de nos journalistes et de nos législateurs, car, disons-le, nous avions déjà
commencé à envahir les gouvernements des Etats où nous comptions.
Le tableau que présentait notre groupe en 1891 prouve que nous
étions bien établis à demeure en Nouvelle-Angleterre. Pendant la déca-
de qui suivit la plupart de nos sociétés s'incorporèrent ,soit à l'Associa-
84 BULLETIN DE LA SOCIETE HISTORIQUE
tion Canado-Américaine, soit à l'Union Saint-Jean-Baptiste d'Améri-
que, ou encore, dans le Rhode Island, à la Société Jacques-Cartier.
Sentant que nous étions appelés à fournir notre part à l'histoire géné-
rale du pays, quelques-uns des nôtres conçurent l'excellent projet d'une
société historique franco-américaine. Peu de temps après et répondant
au voeu unanime de toute notre population, les Pères Augustins de
l'Assomption fondaient, à Worcester, le collège classique bilingue qui
leur fait ainsi qu'à nous le plus grand honneur.
Aujourd'hui, en plus grand nombre que jamais, nos églises, écoles,
sociétés et journaux sont unis dans un commun effort pour conserver à
notre peuple sa physionomie, ses particularités. La jeunesse elle-même
s'intéresse aux questions vitales concernant notre élément. La plupart
de nos jeunes étudiants font leur stage universitaire à Boston, où ils de-
viennent membres du Cercle des Etudiants Franco-Américains. Quel-
ques-uns, et le nombre augmente d'année en année, traversent l'Atlan-
tique et rappellent ces paroles prononcées par l'abbé Groulx, au congrès
franco-américain de Lowell en 1922: "A l'heure choisie par vous, une
élite ira chercher en France pour vous les apporter ici la discipline et
tout le trésor du vieux génie. Ce sera ensuite le rôle magnifique de vos
intellectuels de vous fournir, dans tous les domaines, les directives dont
vous aurez besoin et, entretemps, d'aller porter jusque dans les plus
hautes chaires des universités américaines, le renom de leur culture".
Mais poLU" se connaître, pour s'apprécier et faire valoir sa culture,
un peuple a surtout besoin de son histoire. Histoire qui lui fera prendre
conscience de sa valeur et de ses mérites; histoire dont il se servira pour
bâtir et fortifier son avenir et celui de la race.
Cette noble tâche, qui comporte aussi le devoir de fournir de hauts
et lucides motifs de survivance française, j'ai le ferme espoir que la So-
ciété Historique Franco-Américaine n'y faillira pas.
Exercice 1953-1954
Bureau
Gilbert Chinard, Président d'Honneur
Pierre-Georges Roy, Vice-Président d'Honneur
Antoine Dumouchel, M. D., Vice-Président d'Honneur
Adrien Verrette, prêtre, Président
Valmore-M. Carignan, avocat, Vice-Président
Gabriel Nadeau, M. D., Secrétaire
Roland Cartier, M. D., Secrétaire adjoint
Antoine Clément, Trésorier
Conseillers
1951-1954
R. P. Thomas-M. Landry, o. p.
Edouard-J. Lampron, juge
Lucien SanSouci
1952-1955
Damase Brochu
Oscar-W. Perrault, M. D.
Lauré-B. Lussier
1953-1956
Ernest-R. D'Amours, avocat
Mlle Rhéa-A. Caron
F. -Raymond Lemieux
Table des Matières
Présentation 3
I. Conférence: "Y a-t-il un avenir?"
M. le chmioine Lionel Groulx
Président de l'Institut d'Histoire de
l'Amérique Française 5
Message du président de la société 16
II. Remise de la médaille "Graiid Prix" à
M. le chanoine Lionel Groulx
Eloge du président 21
III. Etudes 23
"Qui nous enlèvera la Pierre?"
(Conférence avec film sur l'Oeuvre de
l'Abbaye St-Benoit-du-Lac)
Dom Jean Anselme Mathys, o.s.b., prieur de
l'abbaye St-Benoit-du-Lac 26
"La Blessure du Major Mallet" 32
M. le docteur Gabriel Nadeau
"Impressions d'un étudiant franco-américain
au sein de la France catholique 40
Abbé Wilfrid Paradis (Manchester)
Docteur de l'université de Paris
IV. Eloges des disparus 45
Albert J. Potvin (New Bedford) 45
Docteur J. Ubalde Paquin
Abbé Théodore Demers (Easthampton) 46
Abbé Adrien Verrette
V. Rapports des réunions 47
a. Réunion du Bureau, 8 avril 47
b. Réunion annuelle et Séance d'Etude, 27 mai 47
c. Réunion du Bureau, 10 octobre 48
d. Réunion générale, II novembre 49
VI. La Famille Franco-Américaine à l'honneur 50
R. P. Antoine Portier, s. j.
VIL Monument de Mgr Provencher
Fondateur de l'Eglise dans l'Ouest canadien 54
VIII. Echos des sociétés d'histoire 57
IX. Titulaires de la Médaille "Grand Prix"
Médaille Guillet-Dubuque-Bédard 67
X. Membres honoraires (1899-1953) 68
XI. Nos conférenciers et orateurs 70
XII. Officiers de la Société (1899-1953) 72
XIII. Membres de la Société 74
Appendice
Une Nouvelle France dans la Nouvelle- Angleterre .... 81
Alexandre Goulet
Bureau 1953-1954 85
Table des matières 86
BOSTON PUBLIC LIBRARY
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